Tant sur le front de la BCE que sur celui de la Commission Européenne, l’Allemagne a marqué de nombreux points dans son oeuvre de sape hostile à un approfondissement de l’Union. Pendant ce temps, les Français continuent à nourrir leur conception bisounours d’une Europe qui devrait apporter à tous la prospérité.
Comment l’Allemagne retient Juncker par les bretelles
Pauvre Jean-Claude Juncker ! Carbonisé dès sa prise de fonction par les révélations de la presse américaine sur les pratiques tout à fait légales mais si peu coopératives du gouvernement luxembourgeois dont il fut un acteur éminent pendant dix-huit ans (ce qui lui a déjà valu le dépôt d’une motion de censure), voici ce bon Jean-Claude retenu par les bretelles au moment où il s’apprêtait à rebondir avec son plan de relance à 300 milliards.
On se disait bien que maman Angela pouvait difficilement se déjuger en autorisant de la part de son affranchi Juncker un tel pavé dans la mare rigide de la Prusse triomphante ! 300 milliards de relance, c’était aussi provocateur pour l’Allemagne que de commander un verre de Bordeaux à l’Oktoberfest de München.
Du coup, le président de la Commission a dû réaliser une petite opération de passe-passe en espérant que les journalistes et l’opinion publique n’y voient que du feu. Il a en réalité mis sur la table non pas 300 milliards mais… 8 ! Et encore, sur trois ans. On est donc pas de 1,5 % du PIB européen à 0,03 %. Ce petit détail devrait quand même un peu ramollir les effets escomptés. [...]
L’Allemagne ne cèdera rien à une France au bord de l’implosion
Parallèlement à cette opération de castration publique en bonne et due forme du président de la Commission, maman Angela continue d’exiger des sanctions exemplaires contre la France, où les ministres français avaient pourtant assuré que rien ne bougerait sur le front de l’Est. Ainsi, alors que la Commission devait donner son avis définitif sur les budgets des Etats membres dont le déficit n’est pas dans les clous, l’Allemagne a imposé un arrangement qui se révélera (j’en prends le pari) très défavorable pour la France.
La Commission, après une réunion compliquée des chefs de cabinet des commissaires, a repoussé son avis définitif au printemps prochain, laps supplémentaire laissé à la France pour apporter 4 milliards d’économies supplémentaires (0,2 % de PIB). En réalité, cette décision d’attente est plus désagréable que prévu. Elle se fonde en effet sur quelques remarques acides indiquant (à juste titre) que le budget français « présente un risque de non-conformité » avec les objectifs fixés et que la France « a accompli des progrès limités en ce qui concerne le volet structurel des recommandations budgétaires ».
La France dispose donc de quatre mois pour engager des réformes structurelles, comme celles préconisées par le rapport Enderlein et Pisani-Ferry. Rappelons-en l’essentiel : désindexation du SMIC, réduction des dépenses publiques et retour des dépenses publiques sous la barre des 50 % du PIB.