Bild, journal allemand aux 5 millions de lecteurs par jour, présentant femmes nues en première page, histoires de meurtres, d’enfants morts, d’accidents sanglants de voiture, de ragots sur l’élite politique du moment pour faire couper des têtes, et qui a surtout pour mission d’orienter la population dans l’unique direction du pouvoir, tente d’activer une haine anti-russe en lançant une pétition géante pour demander de retirer les deux chars T-34 de l’époque soviétique exposés au mémorial russe de la bataille de Berlin à la porte de Brandebourg.
Bild tabloïd puissant. Bild est la machine du pouvoir dans le pouvoir. Malgré son apparence manquant de sérieux, c’est un journal toujours puissant qui fait trembler les élus, les tenant dans ses mains comme des marionnettes, et qui n’hésite pas à salir ses victimes en enquêtant sur leurs vies privées et en publiant les détails les plus croustillants.
L’ancien ministre fédéral de la Défense, Karl-Theodor zu Guttenberg, 43 ans, et le président fédéral Allemagne, Christian Wulff, 55 ans, ont goûté du pouvoir de Bild dans la phase ascendante de leur carrière et surtout dans la phase de disgrâce. Karl-Theodor zu Guttenberg, qui, était présenté comme le nouvel homme fort de la CDU, a été accusé de plagiat pour son titre universitaire de doctorat et Christian Wulff a été pris dans la tourmente d’un scandale financier avec des articles en série sur les déboires de son couple. Bild fait et défait les hommes et femmes du pouvoir. Angela Merkel, jusqu’à maintenant, n’a jamais été attaquée par sa rédaction.
Günter Wallraff a montré la machine implacable de Bild en publiant Le Journaliste indésirable, après s’être fait engagé par la rédaction du tabloïd en 1977 en tant que Hans Esser. Bild transforme les faits et les inventent pour vendre son papier. C’est ce qui ressort du livre. Depuis, Bild poursuit Günter Wallraff et tente de lui tendre des pièges comme lorsqu’il révèle que le journaliste d’investigation aurait été un agent de la Stasi.
Pour Bild tous les moyens sont bons pour éliminer ses ennemis. Cette fois c’est la Russie, traditionnellement attaquée par des articles anti-russes, qui est visée avec les deux T-34 dans le symbole historique de la victoire de la Grande guerre patriotique contre l’Allemagne nazie.
Pétition et volonté de réécrire l’Histoire. Sous le titre « Nous ne voulons plus de chars russes devant la place de Brandebourg », le groupe Springer a édité dans Bild et dans le BZ, journal de Berlin et du Brandebourg, un coupon à découper et à envoyer au Bundestag pour alimenter la pétition qui demande le retrait des deux T-34 de leur socle historique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ces deux chars dérangent le pouvoir politique, surtout le 9 mai, quand arrive la date de la célébration de la Grande guerre patriotique, où des centaines de Russes viennent de Russie pour y déposer des fleurs en souvenir de leurs soldats.
La crise en Ukraine est une aubaine pour une partie de l’élite allemande qui demande de retirer ce symbole de la victoire russe sur l’Allemagne nazie. Mais cette élite agit sans compter le nombre d’Allemands qui soutiennent la Russie et qui applaudissent devant la décision russe de refuser fermement les ordres de l’OTAN et de l’Union européenne, ressentant le non russe comme une libération face au Moloch de l’Union européenne.
Bodo Ramelow, 58 ans, ex-député des Linke au Bundestag de 2005 à 2009, actuellement député des Linke au Parlement de Thüringe, dénonce la volonté de réécrire l’Histoire par cette pétition du groupe Springer. « Et maintenant l’Histoire doit être définitivement réécrite ! Qui a donc vaincu la barbarie nazie ? » lance le politicien sur son compte Facebook et publie en fin de soirée un tweet du journaliste Hanning Voigts du Frankfurter Rundschau : « le terrain de discussion de Bild et du BZ contre les chars russes est idiot et pitoyable. Merci à l’Armée rouge pour la victoire sur l’Allemagne ! ».
Voir aussi, sur E&R :