Hier, le déficit commercial du mois de mai est tombé. Il est très mauvais, battant un nouveau record puisqu’il a atteint 7,4 milliards d’euros sur un seul mois. Cette dégradation rapide de nos échanges doit amener à se poser la question de mesures plus radicales.
Une dégradation rapide et uniforme
Les chiffres sont impressionnants. En atteignant 7,4 milliards d’euros au mois de mai, notre déficit commercial dépasse les 80 milliards en rythme annuel, soit 4% du PIB, un chiffre très mauvais à l’échelle européenne. Il faut rappeler qu’en 2010, il avait atteint 51,6 milliards. En clair, notre déficit commercial devrait augmenter d’environ 60% en une seule année, après une dégradation de plus de 20% en 2010. Pire, en 2005, nous étions à seulement 21 milliards…
Naturellement, on évoque le déficit lié aux produits énergétiques. Mais une rapide analyse de l’INSEE démontre que cette dégradation accélérée vient plutôt d’un problème général de l’économie française. Alors que notre taux de couverture (exportations sur importations) pour les produits agricoles était compris entre 114 et 125 en 2006, il est tombé entre 102 et 110 en 2009. Parallèlement, le taux de couverture des produits énergétiques est passé de 37 à 39.
On constate la dégradation généralisée de nos échanges sur les produits industriels puisque l’indice est passé de 94 à 86,6 pour les produits manufacturés. L’automobile pèse particulièrement lourdement dans cette évolution puisque notre taux de couverture y est passé de 123 en 2006 (nous exportions 23% de plus que nous importions) à 95 en 2009 et le chiffre s’est sans doute encore dégradé depuis, quand on constate l’évolution des chiffres de production.
Des explications logiques
Il n’est pas très compliqué de comprendre pourquoi notre déficit se dégrade aussi fortement. La cherté de l’euro joue un rôle majeur. Louis Gallois disait en 2008 que « si cela continue, l’industrie exportatrice fuira l’Europe », conduisant Airbus à choisir de plus en plus de composants aux Etats-Unis pour ne pas perdre en compétitivité par rapport à Boeing : résultat Airbus ne se fournit plus qu’à 50% en Europe pour ses composants, et Boeing n’y achète que 10% des siens…
Mais outre la cherté de l’euro, la différence des coûts salariaux explique le gonflement de notre déficit. Comme le montrait Envoyé Spécial hier, au Bangladesh, il est possible de payer 25 euros par mois des employés qui vont travailler de 7 à 21 heures, 6 jours par semaine, soit moins de 8 centimes d’euros par heure… Il est bien évident que dans de telles conditions, de plus en plus d’entreprises délocalisent, ce mouvement gagnant également les services (centres d’appel…).
Face à ces déséquilibres, les Français semblent convaincus de la nécessité d’aller vers plus de protectionnisme, comme l’a révélé un récent sondage. En outre, loin des idées préconçues, la plupart des pays (et notamment les pays asiatiques) y ont recours. Malheureusement, le débat en France est pollué par la caricature de ces positions, malgré le soutien d’un nombre grandissant d’intellectuels de renom, venus de gauche comme de droite, dans le monde entier.
Nul doute que la dégradation de notre commerce extérieur va peser sur notre croissance. Les potions européennes, cocktail de monétarisme et de libre-échange dogmatiques produisent un véritable désastre commercial, qui pourrait être soigné sans tomber dans une politique albanaise…