Lettre ouverte à Ahmadou Aya Sanogo
Dans un mouvement de fuite en avant destiné à occulter les responsabilités de la classe politico-militaire malienne dans ce désastre national, l’intention est prêtée au « Président transitoire en titre », Dioncounda Traoré, de mettre à profit l’expédition militaire française pour faire du Mali la porte d’entrée d’Israël en Afrique.
Un coup de bluff ? Un chantage ? Une volonté réelle d’amorcer une nouvelle politique en contradiction avec la ligne traditionnelle du Mali, premier pays africain à avoir dépêché dès son indépendance, en 1960, un contingent en Algérie pour sceller dans l’ordre symbolique la fraternité d’armes des peuples opprimés ?
Sur les conseils de la France, qui s’est méthodiquement appliquée à travers ses porte-voix médiatiques, Bernard Kouchner et Bernard-Henri Lévy, à favoriser la sécession du Sud-Soudan, pour en faire une plateforme opérationnelle d’Israël sur le cours du Nil ? Seriez-vous à ce point-là dupe d’une politique dont les concepteurs cherchent à rééditer l’ancien scénario français de relier les deux anciens Soudan de l’époque coloniale, le Soudan français et le Soudan anglais, via le Sud-Soudan précisément, et qui valut à la France l’une de ses plus cuisantes défaites militaires à Fachoda (1898) ?
Israël ? L’allié indéfectible du régime d’apartheid d’Afrique du Sud ? La garde prétorienne de tous les dictateurs qui ont pillé l’Afrique. De Joseph Désiré Mobutu (Zaïre-RDC), à Omar Bongo (Gabon), à Gnassingbé Eyadema (Togo), à Paul Biya, (le président offshore du Cameroun), le vacancier privilégié des pâturages suisses, et, même Félix Houphouët-Boigny (Côte-d’Ivoire), le prétendu sage de l’Afrique qui n’était sage que par ce qu’il était le meilleur serviteur de ses anciens colonisateurs et de ses alliés israéliens.
Israël dont l’expérience de la colonisation de la Palestine l’a conduite à coloniser des terres à travers le monde, représentant vingt fois sa superficie, au détriment des populations et de l’environnement des pays pauvres : en République démocratique du Congo pour la culture de la canne à sucre ; au Gabon pour la culture du Jatropha, nécessaire à la production de biocarburants ; en Sierra Leone où la colonisation israélienne représente 6,9 pour cent du territoire de ce pays de l’Afrique de l’Ouest.
Un président éphémère et transitoire peut-il engager un virage d’une telle ampleur au mépris de la ligne traditionnelle de son pays sans votre consentement ? Ou sur vos suggestions, vous, l’officier formé aux États-Unis dont les turbulences maliennes servent admirablement les intérêts en vue du quadrillage militaire de l’Afrique et participer à la dislocation globale du monde arabe et de l’Afrique ?
René Naba