Egalité et Réconciliation
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Laisse aller, c’est une valse

par Michel Drac

Le Système devient grandiose. Je vais finir par l’aimer tellement il est laid, bête et méchant. Un peu comme on s’attache à un clébard moche et vaguement barjot, parce qu’on se dit : avec lui, pas moyen de s’ennuyer – il est tellement imparfait que son imperfection confine à la perfection, il est si imprévisible que la surprise qu’il cause est parfaitement prévisible, etc.

Bergson a écrit là-dessus, dans son traité sur le rire. Je ne me souviens plus vraiment de ce qu’il disait, mais quant à moi, je trouve que rien n’est plus drôle qu’une continuité sous la discontinuité, une sorte de reproduction tantôt de l’identique, tantôt de l’inversé, mais toujours avec un schéma sous-jacent, presque invisible mais pas tout à fait, comme un clin d’œil du réel à l’observateur, comme une petite voix qui dénoncerait l’empirisme et proclamerait définitivement la supériorité du réalisme.

Eh bien voilà, le Système va finir par se faire aimer de moi, justement parce qu’il ose, maintenant, nous adresser ce clin d’œil cynique qui dit : mais si, mais si, il y a un enchaînement de causalité derrière l’imprévisible.

Le Système devient grandiose, disais-je, quand on lit par exemple ceci dans le dernier baromètre politique BVA/Orange/L’Express/France Inter :

« La situation politique post-affaire DSK ne profite ni à Nicolas Sarkozy, ni à Marine le Pen, Martine Aubry et François Hollande prenant pour le moment sans difficulté la place de DSK dans le cœur des électeurs. »

Fantastiques électeurs français, qui jugeaient DSK irremplaçable avant que l’impétrant ne sorte de la course à la présidence pour les raisons qu’on sait (ou plutôt : qu’on ne sait pas), et qui maintenant, du même pas égal, s’aperçoivent que finalement, Martine Aubry, François Hollande, c’est aussi bien.

Merveilleux corps électoral qui pousse la servilité jusqu’à mettre à égalité deux poulains que l’oligarchie n’a pas encore départagés. Pour employer une image typiquement strauss-kahnienne, voici la complaisance adorable de la putain respectueuse, qui ouvre la bouche en écartant les cuisses, faute de savoir quelle fantaisie traverse le cerveau de son client.

Prodigieux corps électoral encore, qui a instinctivement deviné qu’une fois DSK hors jeu, Marine Le Pen retrouvait le statut ordinaire du candidat nationaliste, soit à peu près le rôle du méchant dans un combat de catch truqué.

Où l’on lit en effet que :

« Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, le candidat socialiste arriverait en tête devant Nicolas Sarkozy. Marine le Pen ne serait plus, comme il y a deux mois, capable de réaliser un "21 avril à l’envers" en éliminant le Président sortant. En la devançant de 5 points dans l’hypothèse "Aubry" et de 4 points dans l’hypothèse "Hollande" le Président retrouve une marge de sécurité, preuve sans doute que l’évolution de son positionnement politique - de l’immigration et l’insécurité à la défense de son bilan économique - était la bonne stratégie à suivre. »

Fabuleux pays, décidemment, que la douce France. Ainsi, aux yeux de nos compatriotes, le possible viol d’une femme de ménage africaine dans un hôtel américain aiderait à la relativisation des échecs récurrents et coûteux de notre président, un chef d’Etat si ridicule qu’un quelconque lieutenant-colonel sud-américain pourrait le putscher sans qu’on s’en offusque. Nous sommes ici dans le monde de Hume : nous constatons la succession des faits, et n’établissons pas de lien de causalité…

Mais nous pouvons aisément deviner, derrière l’illogique enchaînement des faits, l’action souterraine d’une volonté propagandiste certes plus ou moins unifiée, mais en tout cas très perceptible – où l’on passe, sans transition, de Hume à notre ami Alain Soral, lequel nous répétait depuis six mois que l’étrange cooptation/répulsion de Marine Le Pen par le système médiatique s’expliquait principalement par la volonté de promouvoir DSK.

Bien vu.

La confiscation de la vie politique française par le Système est désormais, selon le point de vue adopté, ou bien grandiose au point qu’on n’ose la chroniquer, ou bien si grotesque qu’on s’abaisserait à en faire la critique.

A telle enseigne, d’ailleurs, que je ne suis même plus très sûr de vouloir en parler. A quoi bon ? Franchement, si quelqu’un n’a pas encore compris de quoi il retourne, c’est que ce quelqu’un ne veut pas comprendre.

C’est décidé : j’arrête de parler politique.

Je vais répondre à Alain Soral sur le marcionisme, tiens, puisqu’il en a parlé dans une vidéo récente, après que je l’ai attaqué sur ce point. Bien sûr, c’est le genre de controverse philosophico-religieuse dont tout le monde se fout. Mais c’est quand même beaucoup moins prévisible qu’une précampagne présidentielle en France…

 






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5 Commentaires

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  • #18155
    Le 26 mai 2011 à 20:55 par Tomi
    Laisse aller, c’est une valse

    Je suppose que vous connaissez jean claude Michéa, il m’a ouvert les yeux sur un essai qu’il a écrit en 1999, "l’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes".

     

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  • #18199
    Le 26 mai 2011 à 22:37 par DD
    Laisse aller, c’est une valse

    Assez plaisant papier.
    Deux choses pour moi :
    1) D’abord, tout le monde ne se fout pas de controverse philosophico-religieuse mais cette impression vient de la suffocante vacuité de la TV et médias dominants omnuprésents.
    "L’opinion" ne s’y interesse pas aussi parce qu’on ne lui en parle pas dans ces derniers même s’ils donnent raison à La Boétie .

    2) Prendre comme point d’amorce les résultats d’un sondage me parait être une idée valable...Cependant , la portée et la valeur pseudo-scientifique de ces sondages sont proches de zéro. Voici deux papiers d’Acrimed sur leur (in)validité :
    http://www.acrimed.org/article2458.html
    http://www.acrimed.org/article3181.html

    Evidemment, ou bien suis-je pessimiste, le corps éléctoral menera à bien l’ascencion de l’un des pantins en 2012 mais le lui reprocher à l’avance relève du procès d’intention. De plus, c’est prêter aux électeurs ce vote sur la base de sondages qui sont, à mon humble avis, des instruments du Système pour conditionner les gens au "vote utile".
    Ces sondages sont commandés, et effectués tous les 2 jours, pour la promotion des "acteurs" politiques, mais aussi, et surtout ?, pour remplir les gamelles puisque les sondages, qui n’ont encore une fois ni valeur ni fiabilité, font vendre et nourissent les soldats de l’info type Apathie qui peuvent ensuite gesticuler, brasser du vent pendant trentes minutes pour n’aboutir ,en faisant des conclusions à l’emporte piece sur des sondages foireux portant eux meme sur une course de chevaux, à rien du tout !
    Et ce sont ces mêmes soldats de l’"info(sic) qui reprocheront aux politiques de ne penser qu’à leur égo.
    En attendant, Apathie and co auront monopolisé l’actu sur une simulation, donc rien à voir avec le réel, et instauré un climat en France.

    En résumé, on a jamais autant entendu parler politique, dans sa valeur basse, la + politicienne et personnifié, et ,paradoxalement, on n’en a jamais entendu aussi peu parler, dans sa valeur haute, sur le plan des idées socio-économiques.

    L’illogisme et l’absurde règnent désormais dans cette télévision.
    Prenons la vie du bon côté, regardons le Grand Journal et rions unn bon coup sur les chroniques d’Apathie.
    Ils sont tellemnt vides et ridicules que c’en est drole. Puisque nous vivons dans un bouquin d’Ionesco de toute facon...

     

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  • #18216
    Le 26 mai 2011 à 23:22 par Jome
    Laisse aller, c’est une valse

    T’as raison Michel, on est en plein tragi-comique...

    Au début on croyait qu’on était plus intelligent que les autres uniquement parce qu’on connaissait les coulisses et que donc on pouvait prévoir plus facilement l’avenir que les intoxiqués par le PAF.

    Mais maintenant que les coulisses nauséabondes inondent le PAF et que les intoxiqués du PAF continuent malgré tout à croire au système...

    Comment dire...
    Il faut se rendre à l’évidence.

    Le système est aussi laid non pas à cause des élites mais à cause de la psychologie des foules...
    Gustave le Bon t’es un bon !

    La servitude volontaire est la claque qui ramène le héros à son désespoir de départ.
    La boucle est bouclée.

    On ne devient pas empereur en cherchant à sauver un peuple qui veut mourir mais en l’aidant à mourir...

     

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  • #18238
    Le 27 mai 2011 à 01:01 par lacomédiehumaine
    Laisse aller, c’est une valse

    On devient empereur en ne cédant pas au désespoir absolu.

    Pourquoi Michel veut-il abandonner ce qui s’avère nécessaire et ce qu’il prend en plus plaisir à faire : "parler politique" ? je comprend pas. Si nous consentons à nous taire qui parlera ? Si nous consentons au silence nous perdons l’occasion d’incarner la parole magique, la parole sacrée ?

    Abandonner l’oasis pour le désert immense ?

     

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    • #18410
      Le Mai 2011 à 23:33 par Vincent
      Laisse aller, c’est une valse

      J’ai également du mal à comprendre ou se situe l’intérêt du fatalisme sinon dans le fait d’éviter toutes actions en étouffant l’enthousiasme... Les types qui n’ont que des ondes négatives à émettre, ça me saoule. Mèche courte !