En ce début 2015, la démographie russe a réservé bien des surprises à ceux qui s’y intéressent.
Contrairement à ce que pouvaient laisser supposer les tendances lourdes initiées par la catastrophique situation que la Russie a connue au cours des années 90 (effondrement des naissances et forte dégradation de la situation sanitaire du pays), la Russie a connu au cours de la décennie suivante un printemps démographique hautement improbable, qu’aucun spécialiste n’avait su anticiper.
De 1999 à 2014 le nombre de naissances annuelles est ainsi passé de 1.214.689 à 1.947.301 (58 % d’augmentation du nombre de naissances en 15 ans c’était hautement improbable pour tout démographe) tandis que pour la première fois depuis 1992 le nombre de décès est passé sous la barre des 2 millions à partir de 2011.
Depuis 2009 la population de la Russie augmente grâce à un solde migratoire positif et depuis 2013 la population augmente même sans tenir compte de l’immigration, avec des soldes naturels positifs de 24.013 et 33.688 habitants en 2013 et 2014. Fait intéressant, alors que le taux de fécondité est remonté de 1,2 enfant par femme en 1999 à 1,75 en 2014, ce taux est supérieur à 2 enfants par femme dans la Russie rurale, ou il culmine même à 2,338 enfants par femme en 2014. Le nombre d’avortements officiels est lui passé de 4.103.425 en 1990 à 940.000 en 2014, contribuant sans doute énormément à la hausse du nombre de naissances, en parallèle de la très puissante politique familiale déployée par le gouvernement russe visant à soutenir financièrement les familles ayant un second et un troisième enfant.
Depuis 2008, le nombre de femmes considérées comme « en âge de procréer » diminue cependant, C’est la conséquence du creux démographique des années 90. La Russie ne pourra pas éviter de connaitre une diminution du nombre de naissances dans un futur proche, plausiblement au cours des deux prochaines décennies. Les seules questions qui se posent sont de savoir de combien mais aussi à partir de quand.
Les deux premiers mois de 2015 ont laissé penser que cette évolution à la baisse était entamée. Janvier et février, qui cependant sont traditionnellement des mois à faibles naissances, n’ont connu « que » 293.862 naissances contre 305.926 pour janvier et février 2014, soit une baisse prononcée de 12.064 naissances.
Le nombre de naissances continue d’augmenter dans les grandes zones urbaines telles que Moscou et sa couronne ou Saint Pétersbourg, ainsi que dans les oblasts russes de Kalouga, Novgorod ou encore du grand nord-ouest et dans les Krai de Transbaikalie et de Khabarovsk, c’est-à-dire des zones dans lesquelles la part de russes ethniques et de slaves dépasse les 93 %. De façon assez inattendue, c’est au cœur des territoires à forte proportion musulmane ou à population quasi-uniquement musulmane (comme en Tchétchénie) que les baisses de naissances ont été les plus prononcées, à savoir en Tchétchénie, au Daguestan et au Tatarstan, avec des baisses de 7 à 9 %.
Le mois de mars a sensiblement renversé la tendance avec 160.975 naissances (!) contre 152.359 naissances en mars 2014, et permet de donner une vision sur le premier trimestre 2015. Quelle est-elle ?
Le nombre de naissances a sensiblement diminué puisque se montant à 454.837 naissances pour le premier trimestre 2015 contre 458.285 pour le premier trimestre 2014 soit une baisse de 3.448 naissances. Si l’on prend en compte l’accidentelle baisse dans les régions du Caucase russe pour les deux premiers mois de 2015 (peut-être s’agit-il d’une erreur statistique ?) et les mauvais résultats de la Crimée (désormais incluse dans le décompte), le résultat est sensiblement le même que pour l’an passé.
Il faut du reste noter que si les résultats démographiques de Crimée sont historiquement mauvais (à l’image de ceux de l’Ukraine), ils connaissent un solde positif en mars 2015 pour la première fois. Est-ce un effet collatéral du rattachement à la Russie ? L’instauration du Matkapital (aide financière aux mères de famille) à partir de 2015 devrait sans doute contribuer à une forte hausse des naissances, les sommes en jeu étant conséquentes, par rapport au niveau de vie actuel en Crimée. Pour ce premier trimestre de 2015, le nombre de naissances aura donc augmenté dans les oblasts du centre, du nord-ouest et du sud tandis qu’il aura diminué dans l’Oural, en Sibérie, en extrême orient et dans le Caucase.
Point négatif, le nombre de décès a recommencé à augmenter, confortant visiblement la tendance initiée l’année dernière. Avec 507.270 décès pour le premier trimestre 2015 contre 483.497 pour le premier trimestre 2014, la mortalité est en hausse de 4,9% soit 23.773 décès de plus.
Le premier trimestre 2014 avait vu une baisse naturelle de population de 25.212 habitants, contre une baisse de 52.433 habitants pour le premier trimestre 2015. Il est encore trop tôt pour dire si 2015 connaîtra une faible hausse ou une faible diminution de population. Quoi qu’il en soit, le nombre de naissances reste très élevé, ce qui l’indicateur clef de la bonne évolution démographique que le pays connaît.