On apprenait la semaine dernière, dans La Tribune de Genève (1), que Mohamed Adel – l’un des principaux leaders du « Mouvement du 6 avril » en Égypte – aurait été « formé » en Serbie, avec d’autres « révolutionnaires » tunisiens et algériens depuis 2009 par Srdja Ppopvic, principal dirigeant d’Otpor.
Otpor est l’organisation qui a précipité la chute du régime de Milosevic en 2000, avant de devenir le centre de formation de ces « jeunes révolutionnaires » pour différents pays, notamment la Géorgie, l’Ukraine, la Biélorussie, l’Égypte et sans doute de nombreux autres qui connaîtront ce genre de révolution dans un proche avenir. Il est superflu de préciser qu’Optor est directement financé par les États-Unis et la CIA, puisque Srdja Ppopvic revendique ouvertement recevoir des fonds de Freedom House (2) et de l’Open Society Institute (3).
Été européen
Depuis le 15 mai 2011, à quelques milliers de kilomètres du monde arabe, des manifestants espagnols se donnent rendez-vous sur une place madrilène : la Puerta del Sol. Ils se rassemblent à travers le mouvement « Democratia real ya ! ». À son tour, Paris entend l’appel à la mobilisation et dès le dimanche 29 mai, plus de mille personnes sont délogées des marches de l’opéra Bastille. Les raisons de l’indignation européenne sont à la fois similaires et différentes de celles de la jeunesse arabe. Elles sont similaires car elles font appel au même ressort de « révolution non-violente », mais différentes dans le sens où les « indignés » de la Puerta del Sol ne manifestent pas contre une oppression politique et liberticide mais contre une oppression sociale et économique. Les raisons du mécontentement des populations d’Europe sont tout à fait justifiées, mais quelles sont leurs revendications ?Aucune, simplement parce qu’il n’y a rien à revendiquer.
Fermer les banques ? Décroître ? Sortir de la monnaie unique ? Avant de descendre dans la rue, il faudrait peut-être commencer par le début, imaginer une alternative. Comme l’indiquait Xavier Schwitzguebel, président de l’UDC à Genève, dans un entretien accordé à Mecanopolis (4) : « Il n’y a aucune logique concrète dans ces mouvements, on est face à une génération Facebook, sans aucune conscience politique. Quand on veut lancer un mouvement, il faut avoir un objectif, et ensuite mettre en place un action pour atteindre cet objectif. Dans le cas de ces manifestations c’est le vide complet. »
Car les indignés espagnol, comme leurs cousins français, suivent à la lettre les préceptes du théoricien de ces « révolutions non-violentes », l’Américain Gene Sharpe, qui a développé ses idées dans le livre De la dictature à la démocratie, un cadre conceptuel pour la libération, édité par l’Albert Einstein Institution(5). Le « manuel » de Sharpe précise d’ailleurs au chapitre (5) que « la première campagne doit être entièrement planifiée dès le début et doit viser un objectif symbolique et médiatique. Les campagnes suivantes doivent diffuser la lutte de manière sélective, en faisant faire à des groupes sociaux différents des actions ciblées. »
Lorsque ces « jeunes révolutionnaires » réaliseront qu’ils ont été infiltrés jusqu’à l’os, avant d’avoir levé le petit doigt, ils comprendront que la seule révolution qu’ils ont faite, c’est contre eux-mêmes. Et sans doute, comme les militants d’Optor, sont-ils déjà prêts à admettre : « Nous sommes contre les USA, mais nous ne pouvons leur résister, et ils doivent faire leur boulot, alors nous ça ne nous gêne pas trop d’être partiellement contrôlés par la CIA. » (6)
De la « révolution non-violente » à la guerre civile
On sait maintenant avec certitude que la situation économique en Europe et aux États-Unis va se dégrader à un stade qui dépassera la crise de 1929. Pour s’en persuader, on peut se référer au Baltic Dry Index (BDI), qui est un indice des prix pour le transport maritime de matières sèches (tels que les minerais, le charbon, les métaux, les céréales, etc). Il est établi sur une moyenne des prix pratiqués sur 24 grandes routes de transport maritimes internationales.
En deux ans, le BDI a chuté de 62,25 %, et les prévisions à court terme indiquent un effondrement quasi aussi important. Ce qui fait l’intérêt des prévisions du BDI comme indicateur réel de l’économie mondiale, c’est qu’il se base sur la logistique à mettre en place sur ces six prochains mois sur ces 24 routes maritimes. En effet,on ne décide pas du jour au lendemain d’envoyer des cargos autour de la planète, et la planification du semestre à venir indique que la récession en cours va dépasser tout ce que l’on a déjà connu depuis 2008.
Peu importe de savoir à quel niveau ces mouvements d’indignés sont manipulés, il nous suffit de reconnaître que leur spectacle occupe la totalité du terrain de la contestation, de sorte à empêcher toute opposition réelle et crédible d’émerger et de présenter un programme alternatif qui aurait pour but de prendre en urgence les mesures nécessaires avant que la situation devienne impossible à gérer. Mais, ce qui se profile, c’est le contraire : faire dégénérer la situation jusqu’à la limite de la guerre civile afin d’imposer des mesures qu’aucune proposition démocratique n’aurait pu permettre.
(1) Tribune de Genève du 7 juin 2011
(2) Jusqu’en 2005, le président de Freedom House était JamesWoolsey, ancien directeur de la CIA, et le président actuel est Peter Ackerman, qui est aussi membre du conseil d’administration du Council on Foreign Relations.
(3) Les buts de l’Open Society Institute sont les mêmes que ceux de la CIA », dixit George Soros, président de l’Open Society Institute (in sourcewatch.org).
(4) Mecanopolis.org, le 12 juin 2011.
(5) Pour le journaliste français Thierry Meyssan, l’Albert Einstein Institution serait une vitrine idéologique de la CIA. Voir La non-violence version CIA, Réseau Voltaire
(6) Article d’Investig’Action, de Michel Collon, le 1er octobre 200