L’action de l’homme a entraîné la disparition, en 40 ans, de plus de la moitié des animaux sauvages de la planète : ce constat brutal est au cœur du rapport Planète Vivante 2014 de l’ONG WWF, dernier état des lieux d’une Terre surexploitée.
"Les différentes formes du vivant sont à la fois la matrice des écosystèmes permettant la vie sur Terre, et le baromètre de ce que nous faisons vivre à notre planète", écrit le directeur général du Fonds mondial pour la nature (WWF International), Marco Lambertini. "Et en nous désintéressant de leur sort, nous courons à notre perte", alerte-t-il.
Entre 1970 et 2010, l’Indice Planète Vivante - qui mesure l’évolution de 10 380 populations de 3 038 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons - a chuté de 52%. Et "cette tendance lourde ne donne aucun signe de ralentissement", selon la 10e édition du rapport, selon lequel il est encore possible d’agir pour renverser ce déclin.
Les zones les plus touchées sont l’Amérique Latine (-83%), suivie de près par la région Asie-Pacifique. Ce sont les espèces d’eau douce qui ont payé le prix fort (-76%), quand les espèces terrestres et marines ont diminué de 39%.
Responsabilité humaine
La baisse annoncée de 52% est beaucoup plus marquée que dans les rapports précédents, en raison de changements dans le mode de calcul qui proposent une représentation plus fidèle de la répartition mondiale des espèces de vertébrés, précise l’ONG spécialisée dans la protection des espèces en danger.
Dans son dernier rapport bisannuel, datant de 2012, le WWF faisait état d’une baisse de 28% des espèces sauvages entre 1970 et 2008. L’indice ne couvrait alors que 2699 espèces.
Les causes de ce déclin : la perte et la dégradation des habitats (en raison de l’agriculture, l’urbanisation, la déforestation, l’irrigation, etc.), la chasse et la surpêche, ainsi que le changement climatique. Ainsi, de nombreux poissons et animaux de rivage ont disparu du Coorong, zone du sud de l’Australie où le prélèvement d’eau pour l’irrigation a augmenté la salinité.
Ou encore, en Afrique, l’aire de répartition de l’éléphant ne représentait plus en 1984 qu’environ 7% de son aire historique. Et dans cette portion congrue, à cause du braconnage, le nombre d’éléphants s’est effondré de 60% entre 2002 et 2011.
"Biocapacité" en recul
L’humanité surexploite la Terre, consomme plus de ressources que la planète ne peut en reconstituer, plus de poissons qu’il n’en naît, plus de CO2 émis que les forêts et les océans peuvent en absorber, martèle le WWF. "Aujourd’hui, nous avons besoin de la capacité génératrice d’une Terre et demie pour disposer des services écologiques dont nous profitons chaque année", rappelle l’ONG.
Et la "biocapacité", soit la superficie disponible pour assurer ces biens et services, ne cesse de se contracter avec l’explosion de la démographie mondiale. Entre 1961 et 2010, la population est passée de 3,1 à près de 7 milliards d’habitants, et la biocapacité disponible par tête de 3,2 à 1,7 d’hectare global (qui représente la productivité moyenne mondiale d’un hectare biologiquement productif).
"La population mondiale devant atteindre 9,6 milliards d’habitants en 2050 et 11 milliards en 2100, la biocapacité disponible pour chacun de nous va continuer à régresser (...) dans un monde marqué par la dégradation des sols, la pénurie d’eau douce et la montée du coût de l’énergie".
Pays riches en cause
A qui la faute ? Les pays les plus riches sont globalement ceux dont l’empreinte écologique par habitant est la plus élevée.
En 2010, le Koweit arrivait en tête, suivi du Qatar, Émirats arabes unis, Danemark, Belgique, Trinidad et Tobago, Singapour, États-Unis, Barheïn et Suède. En avant-dernière position figurait la Chine, qui détient néanmoins la première place pour son empreinte totale, devant les Etats-Unis et l’Inde.
"L’utilisation des ressources et des services écologiques des pays à hauts revenus est cinq fois plus élevée par tête que dans les pays à bas revenus" et donc, pour maintenir leur niveau de vie, les pays riches ont largement recours à la biocapacité des autres. Si nous vivions tous comme les Qataris, il faudrait 4,8 planètes, et 3,9 si nous étions tous Américains.