Une attaque perpétrée par des hommes armés a eu lieu tôt ce matin [22 octobre, NDLR] sur la Colline parlementaire à Ottawa. Un soldat a été tué ainsi qu’un tireur, identifié comme étant Michael Zehaf-Bibeau, un Canadien né en 1982.
Un reportage indique que l’un des suspects était armé d’un « fusil de chasse à double canon » . Une journaliste qui était sur les lieux de l’incident n’a pas vu le tireur, mais a dit qu’il était « vêtu d’un foulard noir et blanc avec des motifs arabes ». D’autres qui l’ont vu ont affirmé qu’il avait les cheveux longs et était masqué.
Après la conférence de presse de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) cet après-midi, on ignorait toujours s’il y avait d’autres suspects et s’ils étaient toujours en liberté. Les journalistes ont eu droit à pratiquement la même réponse pour chaque question : « Il est trop tôt pour se prononcer à ce stade-ci. »
De toute évidence, l’objectif de la conférence de presse n’était pas de donner des informations, mais plutôt de répéter aux Canadiens qu’ils doivent être « vigilants » et signaler toute « activité suspecte ». De nombreux citoyens craignent que les récents événements augmenteront considérablement le profilage racial et l’islamophobie.
Cette attaque à Ottawa survient deux jours après qu’un homme a renversé deux soldats avec sa voiture à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec. L’un d’eux a perdu la vie. Le suspect, un jeune de 25 ans du nom de Martin Couture-Rouleau, a été tué plus tard par la police après une chasse à l’homme. Le niveau d’alerte terroriste au pays est passé de faible à moyen ce mardi.
Selon les témoignages, Rouleau s’était converti à l’islam l’an dernier et était connu des autorités, qui lui avaient confisqué son passeport.
- Photo de Martin Rouleau dans l’article du National Post intitulé « "Il avait l’air d’un converti typique et assez ennuyeux" : la descente rapide de Martin Rouleau vers l’extrémisme »
On nous dit qu’il voulait se joindre à l’État islamique (EI) et « voulait devenir un terroriste ». Le Ottawa Sun va même jusqu’à dire que « la famille et les policiers cherchent à savoir pourquoi il a suivi les ordres de tuer de l’EI ». Certains reportages disent qu’il aurait appelé le 911 pour dire qu’il le faisait « au nom d’Allah ».
Bien qu’aucun lien n’ait été officiellement établi entre les deux événements, certains responsables ont indiqué qu’ils pourraient être liés. Après le premier incident, dans lequel un homme dont nous ne savons pas grand-chose a agi seul, les médias ont été prompts à sauter aux conclusions : il s’agit de terrorisme islamique.
Ces deux tragédies ciblant des soldats canadiens se produisent alors que le Canada se joint à l’intervention militaire illégale en Irak aux côtés des États-Unis. Les soldats ont reçu l’instruction de ne pas porter leur uniforme en dehors des bases militaires pour leur propre sécurité. Un lieutenant a déclaré aujourd’hui que ces meurtres signalent « la fin de la naïveté canadienne » en ce qui concerne la « menace terroriste ».
Campagne de peur ou « menace très réelle » ?
Dans les jours qui ont précédé la participation du Canada en Irak, rejetée par les partis d’opposition, les autorités canadiennes ont nettement augmenté leur campagne de peur.
Le 9 octobre 2014 , les plus hauts responsables du renseignement et de la police du Canada ont mis en garde contre la réelle « menace du terrorisme d’origine intérieure » , au moment où les autorités révélaient que la gendarmerie travaille sur soixante-trois enquêtes liées au terrorisme et ciblant quatre-vingt-dix personnes.
Le commissaire de la GRC [1], Bob Paulson, a déclaré au Comité de la sécurité publique que les quatre-vingt-dix personnes faisant actuellement l’objet d’enquêtes de la sécurité nationale, de la GRC et des organismes partenaires, sont « liées au groupe qui voyage, aux personnes qui ont l’intention d’aller [au Moyen-Orient et en Afrique du Nord] ou qui sont revenues et nous ont été référées par le SCRS [2]. Il n’y a rien d’alarmant pour les Canadiens. Je pense que grâce à nos efforts collectifs, notre réponse à la situation est […] adaptée à la nature de ces présumées infractions ».
Le directeur du SCRS, Michel Coulombe a déclaré :
« La menace est réelle. Comme le commissaire Paulson l’a dit plus tôt, nous ne voulons pas être alarmistes. Nous disons aux gens qu’ils doivent continuer leur vie quotidienne, mais nous devons être vigilants. »
Nous ne savons pas si Martin Rouleau était l’une des personnes visées par les enquêtes, mais nous pouvons supposer qu’il l’était, puisque son passeport a été confisqué par crainte qu’il ne se joigne à un groupe terroriste à l’étranger.
Le ministre de la Sécurité publique, Stephen Blaney, a averti le même jour :
« Récemment, notre gouvernement conservateur a annoncé qu’il considérait l’État islamique en Irak et au Levant, [...] sous toutes ses formes et identités, comme une organisation terroriste, ce qui démontre clairement qu’adhérer ou tenter de rejoindre ce groupe méprisable constitue une infraction terroriste. »
Si, comme le rapportent les médias, Rouleau était connu des policiers et que son passeport avait été confisqué parce qu’il « voulait se joindre à l’EI » et « voulait être un terroriste », il aurait dû être accusé d’infraction terroriste. Pourquoi ne l’a-t-on pas accusé ?
Quant à l’attaque à Ottawa , le commandant de la division nationale de la GRC et commissaire adjoint Gilles Michaud dit que l’attaque a pris les autorités par « surprise ». C’est une surprise assez surprenante, car il y a à peine deux semaines, et la GRC et le SCRS nous disaient que la « menace de terrorisme d’origine intérieur » était « très réelle ».
Comment cette attaque à Ottawa pouvait-elle être une surprise pour les autorités canadiennes ?
Par ailleurs, en juin dernier, un article du National Post avait pour titre : « Rhétorique anti-Canada de l’Iran : Les autorités sont sur leurs gardes face à une possible attaque terroriste dans les environs d’Ottawa ». Cet article citait un document du renseignement disant explicitement : « La région de la capitale nationale a longtemps été considérée comme une cible intéressante pour les terroristes et les extrémistes de tous bords… »
« La présence de nombreuses institutions de haut niveau du gouvernement fédéral, d’ambassades étrangères, d’installations militaires, d’attractions touristiques et d’événements spéciaux font de la région un environnement riche pour de possibles complots par divers terroristes ayant différentes motivations », explique le rapport.
Les responsables du renseignement croient que la principale menace terroriste au Canada provient des extrémistes islamistes sunnites – essentiellement des adeptes de l’idéologie d’intolérance violente d’Al-Qaïda.
À Ottawa, selon le rapport, une telle attaque serait probablement réalisée par un « acteur solitaire » ou un petit groupe. Les trois scénarios décrits dans les documents impliquent un « tireur actif », « les attaques à l’arme blanche » et des bombes improvisées.
« Des attaques à petite échelle, simples et directes, à l’aide d’armes disponibles et nécessitant un minimum de préparation contre des cibles sans défense, correspondent de manière réaliste aux capacités réelles de la plupart des extrémistes », indique le rapport.
Mondialisation.ca suivra de près cette question.
Julie Lévesque