L’utilisation de la femme et de son image dans le capitalisme de seconde génération a fait l’objet de l’intervention d’Iseul Turan, jeudi dernier, à la permanence des Antigones Paris.
Suite à cette conférence, nous avons décidé d’une action symbolique, dans les Halles, pour interpeller les Parisiennes et les Parisiens sur ce problème. Après avoir diffusé un extrait audio du film Fight Club (voir ici), nous avons prononcé un message que nous développons dans cet article.
Le sujet comporte une double dimension : il s’agit tant de l’utilisation de la femme comme outil de vente que de son exploitation comme acheteuse et consommatrice, double instrumentalisation qui fait de la féminité le carburant d’un « turbo-capitalisme » de seconde génération. Esquisse en trois étapes : (1) après une première vague de capitalisme de type paternaliste, la seconde vague, celle du « capitalisme de séduction », selon l’expression de Clouscard [1], a réussi (2) à intégrer la femme dans une logique qui lui était auparavant étrangère, (3) faisant de la féminité le modèle et le pilier du nouveau capitalisme, à travers l’image de la « jeune fille » théorisée par la Tiqqun.
Capitalismes de première et seconde génération
Les théoriciens distinguent deux générations de capitalisme assez nettement différenciées, que l’on peut caractériser très grossièrement de la façon suivante :
alors que le capitalisme de première génération, de type paternaliste, était entièrement tourné vers la production, marqué par les « vertus bourgeoises », l’épargne, le goût du travail, des salaires plutôt bas et une certaine sobriété d’ensemble,
le capitalisme de deuxième génération est quant à lui tourné vers la consommation, et mobilise un panel de notions plus « féminines » telle que l’influence, la séduction, la notion de cycle utilisée à un rythme accéléré par les faiseurs de modes, ainsi que les caractéristiques propres à la jeunesse, portée à la transgression, voire à la subversion.
Cette seconde vague a été baptisée par Michel Clouscard « capitalisme de séduction », assimilé paradoxalement à une forme de « social-démocratie libertaire ». Alors que le terme de capitalisme évoque une logique de propriété, d’accumulation de capital, de possession, le terme de séduction qui vient le qualifier renvoie à une forme d’attrait sexualisé qui s’exerce dans cette logique de possession. L’association de ces deux termes aboutit à une forme de « démocratie libérale-libertaire [2] », aboutissement d’un capitalisme « de séduction », fondé sur la propriété via la séduction : il tend, selon une logique qui semble presque immanente, vers sa forme d’expression ultime qui est libertaire et démocratique – anéantissement de toutes frontières au nom des passions et du désir de posséder. La consommation, dans tous les sens du terme, devient l’ultime liberté, et même l’ultime droit de l’homme.