En affirmant, en décembre 2012, que la défense de son pays ne tiendrait pas plus d’une semaine en cas d’une attaque limitée, le chef d’état-major suédois, le général Sverker Göranson a lancé un beau pavé dans la mare.
Dans un premier temps, la réaction du gouvernement fut d’assurer que le niveau de préparation militaire « correspondait au niveau actuel de menace et de crédibilité d’une attaque » contre la Suède. Et le Premier ministre de centre-droit, Fredrik Reinfeldt, est alla même jusqu’à dire que le général Göranson cherchait à défendre les intérêts « particuliers » de l’armée…
Depuis les années 1990, les forces armées suédoises ont en effet vu leurs moyens fondre comme neige au soleil, le nombre d’avions de combat passant par exemple de 400 à moins de 150 et celui des bataillons de 116 à 7, tandis que le service militaire a été supprimé en 2010. Quant à l’effort de défense consenti par Stockholm, il ne représente plus que 1,2% du PIB.
De coupes budgétaires en plans d’économies, le chef d’état-major suédois avait déjà tiré un coup de semonce au cours de l’été 2012 en suggérant de supprimer, dans les années à venir un des branches des forces armées.
Mais les déclarations du général Göranson, qui ne furent pas faites lors d’une discrète audition parlementaire, eurent le mérite d’amorcer un débat sur la politique de défense suédoise. Débat qui gagna en intensité après le bombardement simulé, lors des fêtes de Pâques en 2013, de deux bases aériennes par deux Tu-22 M3 Backfire escortés par 4 chasseurs Su-27 Flanker russes qui violèrent l’espace aérien suédois sans provoquer de réaction.
Cet épisode n’a fait qu’amplifier les propos du général Göranson. Et cela d’autant plus que les relations entre Moscou et Stockholm, déjà historiquement compliquées, étaient déjà tendues, notamment au sujet du projet russe de gazoduc North Stream. A cela s’ajoutait le réarmement massif de la Russie, annoncé par le président Poutine.
Comme d’autres pays nordiques proches de l’Arctique, où les forces armées russes sont actives, la Suède – pourtant neutre – peut se sentir menacée. Lors de la Guerre froide, il était par ailleurs évident pour l’état-major suédois que Moscou comptait contrôler la Scandinavie afin de s’assurer le passage de la Baltique et de là, l’accès à l’Atlantique. Ce que tendit à prouver l’échouage d’un sous-marin soviétique de classe Whisky dans les eaux suédoises en 1981.
Du coup, à droite comme à gauche, de nombreux responsables politiques suédois ont récemment lancé des appels pour augmenter le budget de la défense tout en demandant, du moins certains d’entre eux, à considérer une éventuelle adhésion à l’Otan. Et les récents évènements en Crimée n’ont fait que confirmer leurs attentes en la matière.
Aussi, le gouvernement de centre-droit, qui se voulait rassurant après les déclarations du général Göranson, a changé son fusil d’épaule en annonçant, le 22 avril, une augmentation progressive des dépenses militaires du pays afin d’atteindre une hausse annuelle de 5,5 milliards de couronnes (600 millions d’euros) d’ici 2024.
Actuellement, le budget suédois de la Défense s’élève à environ 5,17 milliards d’euros (47 milliards de couronnes) pour financer des forces armées comptant 20 000 hommes (dont 3 000 marins, 4 500 aviateurs) ainsi que 35 000 « Homeguards ».
« Le passé récent a été marqué par un développement profondément préoccupant à l’intérieur et autour de l’Ukraine », a fait valoir le gouvernement suédois, par voie de communiqué. « La Russie a occupé certaines parties d’un Etat souverain », a-t-il souligné.
Cette hausse des dépenses militaires servira essentiellement à renforcer la présence militaire sur l’île de Gotland qui est située à seulement 250 km de l’enclave russe de Kaliningrad, en mer Baltique. Cette dernière connaît un important trafic maritime et la Russie a prévenu qu’elle y déploieraient des unités navales afin d’assurer la sécurité du gazoduc North Stream qui la relie à l’Allemagne.
Il est également question de revoir à la hausse la commande d’avions de combat JAS 39 Gripen E/F en la portant de 60 à 70 appareils et d’acquérir des nouveaux sous-marins de la classe A-26.
Pour financer cet effort en matière de défense, Stockholm prévoit d’intensifier la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, d’augmenter le montant de certaines amendes et de réduire sa participation aux opérations internationales de maintien de la paix ainsi que son aide à la coopération pour la sécurité environnementale et nucléaire en Russie.
Reste à voir si ces annonces seront suivies d’effet, étant donné que la Suède pourrait changer de majorité à l’issue des élections législatives prévues en septembre prochain. A priori, elles ne devraient pas être remises en cause dans la mesure où le Parti social-démocrate, principale force d’opposition, prône également un renforcement des capacités militaires suédoises.
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