Le président russe, Vladimir Poutine, a estimé, le 1er août, que l’Otan ne devrait pas quitter l’Afghanistan tant que la mission visant à stabiliser ce pays n’est pas terminée.
« Il est regrettable que de nombreux pays participants à cette opération songent à la manière de se retirer. Ils ont accepté ce fardeau et devraient le porter jusqu’au bout » a-t-il déclaré lors du visite à 31e brigade aéroportée d’assaut russe, basée à Oulianovsk.
L’Otan, qui est une « survivance du passé, du temps de la Guerre froide » pour le chef du Kremlin, trouve pourtant grâce aux yeux de ce dernier quand il s’agit de l’Afghanistan. « Nous devons les aider (l’Otan). Nous ne devrions pas combattre là-bas de nouveau. Laissons-les être là-bas et combattre » a-t-il en effet affirmé.
« Cela correspond à nos intérêts nationaux. Sur beaucoup d’autres questions, nous avons des désaccords. Nous avons des approches et des opinions différentes » a-t-il avancé. Et d’expliquer : « S’il n’y a pas de commandement en Afghanistan, nos frontières du sud ne seront pas calmes. Les autorités (afghanes) actuelles auront des difficultés à garder la situation sous contrôle. Les pays membres de l’Otan sont présents (en Afghanistan) et s’acquittent de cette fonction ».
L’un des scénarios possibles après le départ de l’Otan est que l’Afghanistan revive la situation qui était la sienne avant 2001, avec le retour du mouvement taleb – issu des tribus pachtounes – au pouvoir à Kaboul et une rébellion armée par les autres éthnies du pays (tadjiks, ouzbeks, hazaras).
Par ailleurs, un autre enjeu pour Moscou a trait aux produits opiacés en provenance d’Afghanistan. Plus de 20% de l’héroïne afghane est consommée en Russie, ce qui provoque un désastre sanitaire dans la mesure où 30.000 toxicomanes russes sont victimes, chaque année, de surdoses ou de pathologies liés à la consommation de produits stupéfiants. Qui plus est, cela suppose un trafic qui profite à de nombreuses organisations criminelles et mafieuses.
Aussi, la Russie a intérêt que la coalition déployée en Afghanistan parvienne à accomplir sa mission. C’est pourquoi elle lui a autorisé le passage de matériels destinés à l’Otan via son territoire et que le président Poutine lui accordé des facilités à Oulianovsk, avec l’ouverture d’un centre de transit.
Détail intéressant : Vladimir Poutine a évoqué une éventuelle intervention militaire russe en Afghanistan. « Si quelque chose arrive et si les Forces armées russes, notamment nos troupes aéroportées, devront réagir, vous y êtes prêts, je le comprends. Mais notre mission en tant que dirigeants politiques consiste à éviter un tel scénario. Il faut tout faire pour éviter l’ingérence de nos forces armées » a-t-il affirmé.
Plus généralement, il n’y a pas que le sort de l’Afghanistan qui inquiète les dirigeants russes. D’autres pays d’Asie centrale présente des foyers d’instabilité, comme par exemple la vallée de Ferghana, qui chevauche le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, où des affrontements ont récemment eu lieu entre les forces régulières et les hommes du le chef de guerre Aïombekov, au point qu’il a été décidé de fermer la frontière afghane afin d’éviter. Qui plus est, profitant de la porosité des frontières, de nombres groupes criminels ou liés à la mouvance jihadiste, y pululent.
C’est pourquoi Moscou est récemment parvenu à un accord avec Douchambé pour conserver l’une de ses bases créée en 2004 au Tadjikistan pour une durée de 49 ans. Cette emprise militaires « relève de l’Organisation du traité de sécurité collective et est prête à repousser les menaces extérieures auxquelles nos Etats sont exposés » a expliqué Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. Elle est la plus importante que la Russie maintient à l’extérieur de ses frontières, avec près de 7.000 hommes déployés.
Mais au-delà de la lutte contre les trafics et les groupes jihadistes, la Russie estime que l’Asie centrale n’est pas exempte du risque d’une guerre entre Etats. C’est du moins ce qu’a affirmé le général Vladimir Tchirkine, en juin dernier.
« Une aggravation éventuelle des divergences dans les domaines de l’énergie, de l’exploitation des terres et des ressources d’eau en Asie centrale pourrait provoquer des conflits armés avec la participation de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizstan » a-t-il expliqué.