Depuis l’époque de l’URSS, la Russie s’interdisait de vendre des armes au Pakistan.
Au moins deux raisons expliquent cette posture. La première est qu’il était incevable, pour les dirigeants de l’époque, de livrer des matériels militaires à un pays ennemi de l’Inde. Dans les années 1960, cette dernière devint en effet le premier client (hors Pacte de Varsovie) de l’industrie soviétique de l’armement, grâce notamment à des conditions particulièrement avantageuses.
La seconde raison est liée à la guerre menée par l’Armée rouge en Afghanistan. Étant donné que le Pakistan, avec le concours des États-Unis, soutenait les rebelles afghans, avec l’intention de bénéficier ultérieurement d’une profondeur stratégique face à l’Inde.
Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Les relations entre Islamabad et Washington se sont dégradées depuis les attentats du 11 septembre 2001, à cause du rôle trouble joué par les services Pakistanais en Afghanistan et du soutien que ces derniers apportent au mouvement taleb afghan.
Quant à l’Inde, même si elle reste un marché important pour les industriels russes de l’armement, elle cherche désormais à diversifier ses approvisionnements en la matière, en se tournant de plus en plus vers les États-Unis (avions de transport et de patrouille maritime, hélicoptères de combat), Israël (défense antimissile) et la France (missiles, Rafale, sous-marins Scorpène).
En outre, le Pakistan est devenu un proche allié de la Chine, qui, elle même, est un partenaire de premier plan de la Russie. Ce qui n’a pas été sans causer une première entorse à l’embargo russe sur les équipements militaires destinés à l’armée pakistanaise, l’avion de facture chinoise JF-17 Thunder (Chengdu FC-1 Xiaolong) qui équipe cette dernière étant doté d’un moteur de type Klimov RD-93.
Aussi, au regard de ces éléments, l’embargo de Moscou ne paraissait plus justifié. D’où l’annonce de sa levée, le 2 juin, faite par Serguei Tchemezov, le patron de la holding publique russe Rostec, à l’agence Itar-Tass. « Cette décision a été prise et nous sommes en train de négocier la livraison d’hélicoptères », a-t-il même déclaré. Cette information a été confirmée par une source diplomatique.
A priori, Islamabad, qui entend porter ses dépenses militaires de 6,6 à 7,6 milliards de dollars, souhaiterait acquérir des hélicoptères d’attaque MI-35 Hind et de transport lourd MI-26 Halo.
La levée de cet embargo est un revirement majeur de la politique russe. « New Delhi peut y voir une trahison. Cela risque de provoquer un séisme géopolitique dans le sous-continent », a fait valoir le politologue Pavel Felgenhauer, dont les propos ont été rapportés par l’AFP. « L’Inde va exiger des explications. Moscou devra le confirmer ou bien faire marche arrière », a-t-il ajouté.
L’Inde, qui n’est pas non plus en meilleurs termes avec la Chine, compte encore beaucoup d’équipements d’origine russe, et non des moindres, puisque l’on y compte un sous-marin nucléaire d’attaque de type Akula (loué à Moscou), le porte-avions INS Vikramaditya (ex-Admiral Gorchkov) livré en novembre dernier à l’issue de maints retards, ainsi que des avions de combat (SU-30 MKI, MiG-29, etc.).
Enfin, le constructeur indien HAL collabore avec Sukhoï pour la mise au point de l’appareil furtif T-50 PAK FA tandis que la DRDO, la DGA indienne, en fait de même avec le russe NPO Mashinostroeyenia pour la production du missile de croisière BrahMos.