Le gouvernement grec s’est résolu à hausser le ton face au parti néonazi Aube dorée, omniprésent dans la rue et en pleine forme dans les sondages après son irruption au Parlement à la faveur de la crise.
Après des années d’incurie face à l’extrémisme de droite, qui bénéficie de collusions policières et de l’inertie judiciaire, les autorités grecques semblent avoir pris conscience de la menace qui se profile pour une société démocratique.
Depuis cet été, Aube Dorée (Chryssi Avghi) est dans la démonstration de force permanente. Ce parti est soupçponné d’orchestrer des violences visant, dans la rue, au travail ou à domicile, des étrangers ou présumés tels. Cet ancien groupuscule semi-clandestin qui a raflé en juin 18 sièges au parlement grec est "là pour rester", estime l’analyste politique Yannis Mavris.
Après avoir obtenu 7% aux élections de juin, Aube dorée est désormais créditée de plus de 10% d’intentions de vote par plusieurs instituts de sondages. L’un d’eux lui octoie même le double de son score des dernières élections. Au vu de son succès auprès des jeunes, de la "vague de désaffection des partis" traditionnels déferlant sur un pays en voie de paupérisation sous le poids de l’austérité, "il s’agit d’un nouveau phénomène, très dangereux pour le système parlementaire", ajoute M. Mavris.
Injures et menaces lancées au parlement, collecte de sang "grec pour les Grecs", distribution de colis alimentaires dont des gros bras chassent les non-Grecs, raids homophobes : pour la criminologue Sophia Vidali, Aube Dorée "mène une politique activiste renvoyant au néofascime italien des années 70".
L’objectif de la formation, dont les membres paradent en T-shirt noir frappés du méandre grec, leur emblême, est "d’apparaître en justicier, en vengeur" d’une population mise sous pression par la crise et par les redoutables politiques de rigueur qu’elle a entraînées, relève Mme Vidali. Et aussi d’intimider, comme l’affectionne son chef. Le quinquagénaire Nikos Mihaloliakos, détenu deux fois pour violences dans les années 70, est coutumier des menaces publiques.
La posture est d’autant plus porteuse que le centre politique est uni au sein d’un gouvernement de coalition droite-socialistes-gauche modérée, qui s’apprête à en rajouter dans l’austérité, sous pression de l’UE et du FMI.
Du coup, après avoir lui-même tonné contre une "invasion" immigrée qui menacerait "la survie" nationale, le ministre de l’Ordre public, Nikos Dendias, a fini par lancer la contre-offensive réclamée depuis des mois par les défenseurs des droits de l’homme. Il a décrété la tolérance zéro contre les groupes auteurs de violences, qu’il a désignés comme des "sections d’assaut", dans une référence directe aux S.A. hitlériennes.
Il a également menacé les députés néonazis d’arrestations en cas de flagrants délits, les a privés de gardes du corps, et a fait tomber quelques têtes policières trop évidemment complaisantes. La justice a elle aussi haussé le ton, en demandant la levée de l’immunité parlementaire de trois élus néonazis accusés notamment d’usurpation d’autorité, tandis que son ministre, Antonis Roupakiotis dénonçait des "comportements nazis, fascisants et inhumains de cadres d’Aube Dorée".
Un test crucial de cette nouvelle détermination sera la reprise prévue mardi, après sept ajournements, d’un procès de trois activistes accusés d’avoir poignardé des Afghans. La gauche de son côté, dont la formation radicale Syriza représente près d’un tiers de l’électorat, juge désormais nécessaire la formation d’un "front anti-fasciste" susceptible d’allier toutes les forces démocratiques.
C’est en se substituant ouvertement à la police, en menant des contrôles de papiers d’identité début septembre dans un marché de plein air, suivis de saccages d’étals, le tout diffusé sur internet, qu’Aube Dorée a déclenché ce sursaut. Mais pour le journaliste Dimitris Psaras, spécialiste de l’extrême-droite, cette escalade s’inscrit dans une "stratégie de tension très organisée et coordonnée" d’Aube Dorée.
Le syndicat professionnel des vendeurs ambulants a d’ailleurs salué les raids néonazis, tandis que responsables politiques et médias convenaient de l’impératif d’une lutte contre les vendeurs immigrés à la sauvette, accusés de ruiner les Grecs. Au vu de l’exaspération sociale, "Aube Dorée veut faire réagir l’Etat dans le but d’apparaître comme la seule force anti-système", estime M. Psaras.