Retour sur le dramatique incendie de Saint-Denis où trois personnes ont trouvé la mort dans la nuit du 8 au 9 septembre.
Les faits sont établis, non pas encore sur les causes immédiates du sinistre mais sur celles, à plus long terme, qui le laissaient prévoir : une totale insalubrité des lieux et sans doute une sur-occupation qui, elle aussi, trouve son origine dans la grande misère des habitants.
Notre question était celle-là : « Est-ce vraiment si simple ? »
Pas là seulement, pas uniquement dans ce cas précis, mais pour le problème du logement en général.
Est-ce si simple qu’on puisse – comme on le fait de plus en plus pour toutes les questions de société dans ce pays – ramener cela à un manichéisme à front de bœuf ?
Dans le cas présent, il semble en effet que des marchands de biens logés dans les beaux quartiers de Paris aient, depuis des années, laissé pourrir l’immeuble de Saint-Denis. Sans doute, comme nous l’évoquions, avec l’idée, à long terme, de le raser pour laisser place à un programme immobilier de standing. Ce qui n’est pas une raison pour occulter le problème des ghettos de clandestins et le racket qui est souvent la loi entre communautés de misère.
C’est cette vision christique transformant automatiquement en “saints” tous les malheureux échoués sur notre sol, ce misérabilisme de confort pour belles âmes, qui, depuis des décennies, tient lieu de politique.
À l’inverse de nos voisins européens, les champions des Trente glorieuses ont voté chez nous pour la bagnole contre le logement. Si la mort n’avait pas fauché Pompidou dans son élan (paix à son âme), il aurait éventré Paris pour ses bolides. Les cités concentrationnaires ont alors poussé comme des champignons vénéneux dans les banlieues rouges (et parlons de l’urbanisme à Saint-Denis !) où l’on a entassé les ouvriers raflés dans nos colonies fraichement émancipées, et basta ! Quant aux HLM dont tout le monde rêvait dans les années soixante, ils sont devenus des taudis. Et ce ne sont pas les bailleurs qui balancent des tonnes d’ordures par les fenêtres, foutent le feu dans les caves et les cages d’escalier et bloquent les ascenseurs pour les transformer en caches diverses.
Aujourd’hui la bagnole se meurt et l’on a, sur ce sujet là, le même type de raisonnement manichéen. Qui, par exemple, dénonce l’absurdité de ce double discours : d’un côté l’écolo, type Mairie de Paris, qui s’est fait une politique de “pourrir la vie des automobilistes” et y réussit fort bien ; de l’autre les mêmes politiques qui, de scandaleuses primes à la casse en primes à la voiture électrique, érigent l’achat de la bagnole en acte citoyen. Quelqu’un a-t-il cherché à savoir combien d’urbains ont revendu leur voiture, ces dernières années, pour lui préférer les transports en commun et le vélo ? Qui s’est avisé que l’avenir est peut-être à l’aménagement à grande échelle de parcs locatifs et non plus à la voiture individuelle ?
Manichéisme encore sur la question du mariage homosexuel, et puisqu’on nous rebat les oreilles avec le “droit”, pourrait-on avoir celui de s’en foutre ? Pourquoi est-on sommé de se prononcer, et “pour” de préférence sauf à accepter de se faire accuser d’homophobie ?
Notre monde dévoré par l’image et la couleur n’est pourtant plus qu’en blanc et noir.
Le monde s’inscrit dans deux colonnes, celle des bons et celle des méchants. Les victimes et les bourreaux.
Bons : les pauvres, les homos, les femmes, les ouvriers, les locataires, les sans-papiers…
Méchants : les riches, les hétéros, les proprios, les patrons… Et puis surtout les musulmans. Car c’est aussi ce manichéisme imbécile qui nous fait tous, nous musulmans, jeter dans la fosse aux terroristes.
Alors, par pitié, redécouvrons le tango et la valse à trois temps. Le monde n’est pas binaire !