À l’approche du référendum de dimanche, le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, s’est exprimé à la radio australienne ABC sur l’impossibilité pour son pays d’imprimer des drachmes, l’ancienne monnaie nationale grecque. Au moment de l’entrée de la Grèce dans l’Union européenne, l’ensemble des presses du pays auraient été détruites, actant la fin de la drachme, le passage à l’euro et, par là-même, l’abandon du pouvoir régalien de battre sa propre monnaie.
La question d’un retour à l’ancienne monnaie nationale n’est pas envisagée par l’entourage du premier ministre Alexis Tsipras. Son ministre des Finances a clairement annoncé la couleur ce jeudi en affirmant une fois de plus que si les membres du gouvernement refusaient le plan de ses créanciers internationaux, ils voulaient néanmoins « désespérément rester dans l’euro ». En maintenant sa présence dans l’union monétaire, la Grèce ferait le choix de renoncer au recouvrement de sa souveraineté nationale.
Historiquement, chaque État, par le biais d’une banque centrale, émet et gère sa propre monnaie, qui demeure un attribut régalien incontournable. Depuis 1999 et l’entrée en vigueur de l’euro, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a pris le contrôle de l’émission monétaire dans les pays membres de la zone euro. L’euro étant devenu la seule monnaie centrale dans ces pays. C’est donc la BCE qui assure la création monétaire et la régule en limitant les émissions de crédits. Le pouvoir monétaire échappe à la souveraineté de chacun des pays, qui ont fait le choix de renoncer à une partie majeure de leur autonomie.
La crainte des créanciers internationaux (Union Européenne, BCE et FMI) de voir la Grèce quitter l’union monétaire est compréhensible dans le sens où celle-ci récupérerait un instrument économique considérable. Le pays pourrait dès lors gérer sa propre politique monétaire, réguler la création de sa monnaie, jouer à nouveau sur les taux de change et les taux d’intérêts et disposer de leviers d’action en cas, par exemple, de choc économique asymétrique (choc affectant brutalement et pour une longue durée une économie nationale).
Comme l’a récemment rappelé Jacques Sapir à Ruth Elkrief sur BFM TV, en dénonçant par ailleurs l’euro comme étant un système de change fixe maquillé en monnaie unique, le retour à une drachme dévaluée à hauteur de 20% permettrait de réoxygéner le pays, dont il a rappelé qu’il était en excédent primaire (situation budgétaire positive avant paiement du service de la dette).
Au-delà de sa fonction strictement économique, la monnaie est également un puissant vecteur d’identité nationale et contribue à renforcer le sentiment d’appartenance d’individus à une collectivité. Le franc, la drachme, le mark… chaque citoyen peut se reconnaître dans sa monnaie. En actant l’abolition des monnaies nationales, l’Europe a sacrifié une partie plus ou moins grande des identités européennes au profit d’une identité commune européenne qui, au vu des négociations actuelles, demeure introuvable.