Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

L’uranium nigérien : au croisement des affrontements stratégiques

1ère partie : Le volet nucléaire franco-américain, par Julien Teil (2011)

Le Niger et la Françafrique

Le Niger est encore considéré par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) comme le pays le plus pauvre du monde [1]. Cette pauvreté est avant tout le fruit d’une impossibilité pour le peuple nigérien d’exprimer sa souveraineté à travers son propre appareil étatique.

Pour la France, la question du Niger est très ancienne et date de l’époque coloniale. Dés 1956, des études géologiques révèlent la présence d’importantes mines d’Uranium dans le Sahara, en particulier dans la région du Sahel : au Niger. Le Sahel est la zone de transition entre le désert du Sahara et la savane. Selon les époques et les auteurs, on considère cette zone de manière indépendante ou comme la marche du Sahara. Fait souvent oublié, en 1957 la France souhaitait parfaire son empire colonial par la création d’un seul État du Sahara : l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes). Il s’agissait d’un projet de mise en valeur économique de la région (ou plutôt d’une nationalisation de facto de ses ressources), présenté au parlement français par Houphouët Boigny.

L’OCRS devait centraliser à Paris la gestion économique de 8 territoires distincts de l’Union française (qui se trouvaient donc dépossédés de cette prérogative, mais qui pouvaient espérer en retour des investissements plus nombreux et rationnels). La création de l’OCRS correspondait avec celle d’un ministère du Sahara et d’un Commandement militaire du Sahara : le ministre de la région y cumule ses fonctions avec celles de secrétaire général de l’OCRS. Il s’agit bien, à terme, de créer un Sahara français, État autonome au sein de l’Union française. L’OCRS qui comportait le sud de l’Algérie, est dissous à l’indépendance de l’Algérie en 1962 [2]. Mais, le 7 avril 1961, la France noua avec ses anciennes colonies des « accords de défense » qui lui offrirent un accès exclusif aux ressources de l’Afrique, dont l’uranium nigérien. Hamani Diori, alors dirigeant du Niger et de son parti unique, reste au pouvoir pendant près de 14 ans.

Nous sommes en pleine Guerre froide et les États-Unis ont besoin d’un allié afin de sous-traiter leurs intérêts en Afrique. La France du Général De Gaulle, prise au milieu des affrontements géopolitiques Est-Ouest, décide de lancer un fin stratagème qui va lui garantir une indépendance énergétique et économique. À cet effet, des réseaux franco-africains sont mis en place, et une incroyable politique officieuse va permettre à la France d’exploiter illégalement les ressources de ses anciennes colonies africaines. Parallèlement, les révolutions communistes en Afrique sont sempiternellement annihilées par les différents dirigeants africains soutenus par la diplomatie française, et cela visiblement au profit des intérêts croisés franco-américains. Ces intérêts, difficilement visibles sur l’échiquier diplomatique, se révèleront plus tard, par le biais des enquêtes diligentées par l’association Survie et son regretté président fondateur François-Xavier Verschave [3].

Ce dernier mettra en évidence de sérieux liens entre les réseaux franco-africains du SAC (Service d’action civique), milice personnelle du Général De Gaulle dont Charles Pasqua, Daniel Léandri et Jacques Foccart sont les fondateurs, et les réseaux anticommunistes américains. Dés lors ces réseaux apparaissent non pas comme le résultat d’un souverainisme anti-américain mais plutôt comme un compromis de « diplomatie » occulte permettant à la France de préserver sa zone d’influence face à l’URSS et à la Chine.

Cependant, Washington cogère progressivement avec Londres la zone africaine anglophone, sa motivation n’est plus simplement la Guerre froide. Une lente mais franche transmission du « complexe de Fachoda » en faveur des États-Unis s’opère. Côté français, des accords officieux sont manifestement noués autour de l’exploitation des anciennes colonies françaises. Ces accords illégaux mettent en lumière des ententes pour le moins étonnantes. C’est par exemple le cas du pétrole Angolais, qu’Elf partage avec Chevron [4]. On peut également citer le choix du « Mr Afrique » de François Mitterand : François Durand de Grossouvre, qui avait été auparavant le responsable du stay-behind français, cellule mise en place conjointement par la CIA et l’OTAN [5]. Malgré ces liens inextricables, une rivalité s’est installée peu à peu entre la France et les États-Unis, ces derniers ayant des ambitions impériales illimitées.

 

 

Les rivalités franco-américaines et le premier choc pétrolier

Tout d’abord, cette rivalité s’exprime par les divergences concernant la construction européenne : De Gaulle souhaite une Europe indépendante des États-Unis et propose donc un accord allant dans ce sens à l’Allemagne. Mais les États-Unis court-circuitent ce processus et Willy Brandt, alors ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, renonce progressivement à la proposition du Général De Gaulle. Certes, les deux hommes peuvent s’entendre sur certains points mais Willy Brandt plaide inlassablement en faveur de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun et pour le maintien de solides relations transatlantiques [6].

Cette opposition entre le projet d’une Europe américano-centrée et celle d’un fédéralisme Européen voulu par la France est alors à la source de nombreuses décisions de la politique extérieure française. En effet, pour maintenir son indépendance et donc pouvoir prétendre à un rôle d’opposition, la France doit alors assurer ses arrières. En particulier en ce qui concerne la mainmise sur l’uranium qui sera un des leviers essentiels de son autonomie énergétique.

Les États-Unis traversent quant à eux une profonde crise économique. Mais cette crise n’est que la conséquence de la stratégie de Washington, qui entend utiliser l’abandon de la conversion or-dollar afin de faire peser sur l’économie mondiale les conséquences économiques de la guerre du Vietnam, ce que De Gaulle refuse. La conversion or-dollar sera donc abandonnée plus tard, en 1971 sous Pompidou. À l’époque, une nouvelle politique énergétique se dessine en toile de fond, et les cours de l’uranium s’envolent. Pendant ce temps, le Niger, dont la principale ressource est l’uranium, traverse une douloureuse crise humanitaire. Hamani Diori, conscient de la supercherie française, décide de revaloriser le prix de vente de l’Uranium nigérien. Cette décision signera sa propre fin, mais sa chute le 15 avril 1974 contient quelques indications.

La sixième assemblée extraordinaire des Nations Unies s’est tenue du 9 Avril au 2 mai 1974 à New York. Or Diori a été renversé juste deux jours avant son départ prévu pour aller y représenter les intérêts du Niger. Cette session a abordé deux points essentiellement liés aux deux différents qu’opposent les États-Unis et la France : la question de l’abandon progressif des accords de Bretton Woods au profit d’un « nouvel ordre économique international » et la question des ressources énergétiques, du néocolonialisme et de la souveraineté des pays en voie de développement. À cette occasion, une commission spéciale est crée et son président n’est autre que le premier ministre Iranien Fereydoun Hoveyda dont le soutien aux États-Unis n’est plus à démontrer [7].

Hamanai Diori avait-il prévu de jeter le pavé dans la mare en posant publiquement le problème de l’uranium nigérien ? Devait-il avoir, en marge de l’assemblée, des rencontres qui permettraient de créer de nouveaux débouchés plus prometteurs ?

De nombreuses sources l’évoquent. Le souci d’Hamani Diori de se libérer ainsi de la tutelle française concernant la principale ressource de son pays, est souvent avancé comme la cause unique de son renversement par le coup d’état militaire.

Le plan Mesmer face au plan américain

À la veille du choc pétrolier de 1973, 80 % de l’énergie française est importée, le pétrole en constitue les deux tiers. Face à cette dépendance, seul le développement d’un parc nucléaire permettrait à la France de s’émanciper. Pour y parvenir, il faut disposer d’uranium mais également d’une technologie d’enrichissement efficace et rentable. Les États-Unis disposent d’une technologie d’enrichissement au delà de 3 % et misent sur les centrales REP (Réacteur à eau sous pression) et dominent alors le développement du nucléaire civil.

Du côté français, en 1945, le Général De Gaulle créé le CEA (Commissariat à l’énergie atomique). Celui-ci donne des résultats dés 1948 avec la pile ZOE, première pile atomique française. En 1954, la première centrale américaine voit le jour, et en 1956 la première centrale française est mise en service à Marcoux. Cette dernière fonctionne grâce à une technologie française à base d’uranium non-enrichi : de type graphite-gaz (UNGG), voulu par l’état français et fermement défendu par De Gaulle.

En 1958, Schneider passe un accord avec les États-Unis afin d’importer la technologie américaine en France, ce que refusera le Général De Gaulle. La même année, ces intentions de coopérations franco-américaines aboutissent tout de même à la fondation de la FRAMATOME (société franco-américaine de construction atomique), née d’une fusion de plusieurs sociétés des groupes Schneider, Merlin-Gérin et Westinghouse. Un appel d’offre franco-belge pour une centrale à eau pressurisée (REP) se dessine.

En 1959, EDF souhaite expérimenter la technologie américaine, mais le Général De Gaulle y est toujours opposé. Cette expérience se fera donc en Belgique. En 1969, De Gaulle n’est plus au pouvoir et Pompidou son successeur décide d’autoriser les REP sous la condition que la France obtienne au plus vite une indépendance technologique, EDF est autorisé à construire des REP. En 1973, la France lance le plan Mesmer et signe la construction de 16 tranches nucléaires. De leur côté, les États-Unis ambitionnent eux aussi de développer un parc nucléaire civil à la hauteur de leur Nation. À l’époque, leurs prévisions estiment qu’il sera de 210 tranches nucléaires en 2000. Mais la catastrophe de Three Miles Island en 1979 et la récession économique forcent les États-Unis à abandonner cette idée [8].

 

JPEG - 21.9 ko
Mine d’uranium au Niger

 

Areva et la relance du plan nucléaire civil étasunien

Les accords de Kyoto en 1997, vont rejeter peu à peu la question du nucléaire sur la scène internationale. Les Etats-Unis vont solliciter Areva dés 2003, par l’intermédiaire du président Bush et de Spencer Abraham son secrétaire à l’énergie [9]. Au cours des années suivantes, la prétendue prise de conscience écologique mondiale concernant les émissions de CO2 aboutit, entres autres, à l’idée que le nucléaire serait l’énergie la plus propre.

Cette théorie sera ensuite encouragé par un rapport de la commission Trilatérale rédigé en 2007 par Anne Lauvergeron (présidente du directoire d’Areva) ; Jonh M.Deutch [10] ; Widhyawan Prawiraatmadja (PDG de la compagnie pétrolière indonésienne PT Pertamina). Il s’agit d’un rapport comportant la vision classique de la commission trilatérale et qui envisage donc la problématique énergétique à travers les trois pôles économiques que sont l’Europe, l’Asie, et les États-Unis, ces derniers constituant le point d’orgue de la stratégie : aboutir à un règlement mondialiste de la question énergétique et écologique en faveur des intérêts des États-Unis et de leurs alliés [11].

Areva étant le leader mondial du nucléaire civil, il ne peut y avoir de meilleur interlocuteur et potentiel partenaire pour relancer le plan nucléaire étasunien avorté en 1979, tout en renforçant les régulations stratégiques mondiales voulues par les États-Unis. Il est néanmoins difficile de dire si les changements au sein d’Areva furent uniquement le fruit de pressions américaines ou bien s’ils sont en partie le résultat d’alliances stratégiques. Rappelons tout d’abord qu’Areva est née de la fusion de la FRAMATOME et de la COGEMA en 2000, sous l’autorité d’Anne Lauvergeon. Il s’agit donc d’une profonde rupture avec les perspectives gaulliennes de développement du nucléaire français, celles-ci intégrant désormais la collaboration avec les États-Unis.

- Le premier signe évident de ces changements fut donc la nomination d’Anne Lauvergeon à la tête de la Cogema.

 

 

Elle avait été recrutée par Edouard Stern chez Lazard suite à son travail de conseillère économique de Mitterrand. Cela lui permis de vendre son carnet d’adresse public au privé. Après avoir passé quelques mois dans la firme Banque Lazard Frères & Co. à New-York, elle en devient associée-gérante en 1995. C’est d’ailleurs pendant ce passage chez Lazard en 1996, qu’Anne Lauvergeon est recrutée en tant que Young Leader par la FAF (French-American Foundation). Puis Edouard Stern renvoie Anne Lauvergeon de Lazard, lorsqu’elle entre au conseil d’administration de Pechiney, cette dernière ayant vendu son influence chez Lazard lors de la privatisation de Pechiney pour obtenir ce poste. Elle est ensuite nommée par le gouvernement de gauche plurielle à la tête de la COGEMA (une décision qui revient principalement à Dominique Strauss-Kahn).

- Nathalie Koszisuco-Morizet est, quant à elle, rattachée aux questions écologiques et énergétiques du gouvernement français dés 1997.

 

 

Lors du second mandat de Jacques Chirac, elle est alors nommée rapporteur de la charte de l’environnement qui fut entérinée au Congrès le 28 février 2005. Y contribua notamment Bertrand Collomb, alors président du WBSCD (World Council for Sustainable Development). La même année elle entre elle aussi à la FAF en tant que Young Leader.

- Toujours En 2005, un second élément vient accélérer les incursions américaines dans la gestion de la vie politico-économique française. En effet, Christine Lagarde, alors ministre du Commerce extérieur du gouvernement De Villepin, ouvre la voie à diverses possibilités en faveur de l’industrie américaine [12]. Au même moment elle est membre de la commission pour l’élargissement euro-atlantique au CSIS.

- En 2006, Anne Lauvergeon nomme Spencer Abraham à la tête de la filiale américaine d’Areva [13]. Ce dernier était auparavant le secrétaire à l’Énergie de l’administration Bush. Elle est ensuite convoquée à la réunion annuelle du groupe de Bilderberg à Ottawa puis y sera réinvitée à Sitges en 2010, année où elle entre à la Commission Trilatérale Europe. Toujours en 2006, Fréderic Lemoine président du conseil de surveillance d’Areva (qu’il quittera en 2009) est, lui aussi, recruté en tant que Young Leader de la FAF. Enfin viendra le tour de François Xavier Rouxel en 2009, vice-président exécutif d’Areva.

Le CEA, qui avait été crée dans le but d’assurer l’indépendance énergétique de la France et d’affermir le rôle de l’État dans la gestion du capital nucléaire français reste un organe attaché au gouvernement. L’État français détient sa plus grande participation d’Areva par l’intermédiaire du CEA (73,3 %), dont le haut-commissaire est nommé par le conseil des ministres. En 2009, Nicolas Sarkozy nomme Catherine Cesarsky en tant que haut-commissaire du CEA pour prendre en main l’avenir nucléaire français.

Le parcours exemplaire de Catherine Cesarsky l’a conduite à obtenir un doctorat en astronomie à l’université de Harvard en 1971. En 1977, elle entre à l’Institut Weizmann, une université de recherche mondialement renommée et située à Revohot, en Israël. Elle entre au CEA en 1985, où elle dirigea le service d’astrophysique, puis poursuit son parcours en en devenant directrice des sciences de la matière en 1994, avant d’être finalement nommée à sa tête. Elle est en outre membre de la National Academy of Science qui dépend directement du département d’État des États-Unis.

Le 14 novembre 2010, Nathalie Kosciusko-Morizet est tout naturellement nommée ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement au sein du gouvernement François Fillon II. Elle se rend à la conférence de Cancun en décembre 2010, mais fait avant tout un bref détour par l’Inde en compagnie de Nicolas Sarkozy, et cela afin d’y vendre deux centrales nucléaires à l’État Indien pour le compte d’Areva. Une fois à Cancun, elle est accompagnée de Brice Lalonde [14]. La présidente mexicaine la charge du groupe de travail sur le transfert de technologies, le climat et les énergies renouvelables. Sur son blog personnel, elle résume son rôle au sein de ce groupe de travail par les mots : « Ce que nous avons tracé là, c’est un sentier de développement durable que pourront emprunter des pays qui, s’ils suivaient aujourd’hui le même chemin que les américains, provoqueraient sans doute la destruction pure et simple de notre monde. Il faut que les pays se développent, et il faut du transfert de technologie pour que ce développement soit « propre », aujourd’hui. C’est ce que nous avons réussi à faire inscrire dans le texte soumis au consensus international [15]. » Il s’agit donc bien de soutenir la stratégie américaine visant à redéfinir la politique énergétique mondiale au détriment des pays en voie de développement, tout en leur imposant des technologies aux mains des puissances alliées des États-Unis.

Le 23 décembre 2010, l’assemblée générale des actionnaires d’Areva approuve l’ouverture du capital de la firme à hauteur de 900 millions d’euros, et cela au profit du fond souverain du Koweit (KIA) et de l’État français (600 millions de la part de KIA ; 300 millions de la part de l’État français). Le KIA détient désormais 4,8 % du capital d’Areva, devenant ainsi son troisième actionnaire (après le CEA et l’État français) [16].

L’année 2011 signera la fin du règne d’Anne Lauvergeon sur Areva, son mandat prenant fin en juin. Dès décembre 2010, Alexandre de Juniac dépose sa candidature à la tête d’Areva. Il est alors directeur du cabinet de la ministre de l’Économie Christine Lagarde, et est lui aussi un Young leader de la FAF (promotion 2002). Cette candidature sera refusée par l’État au motif qu’elle serait incompatible avec sa mission auprès de Christine Lagarde. Depuis, de nombreux noms circulent pour remplacer Anne Lauvergeon : Denis Ranque (membre de la Commission Trilatérale Europe) ; Marwan Lahoud, Young Leader de la FAF (promotion 1999), membre du conseil de surveillance de l’Institut Aspen France et frère d’Emile Lahoud, le fameux « corbeau » de l’affaire Clearstream II ; Nicolas Sarkozy soutient quant à lui la candidature d’Henri Proglio [17]

Ces rapprochements entre les intérêts américains et ceux d’Areva, par l’intermédiaire entres autres de Christine Lagarde, révèlent la vision carriériste d’une bonne partie de l’élite politico-économique française, sans laquelle ces choses n’auraient pu être mises sur pied. Néanmoins, cela n’aurait pas pu se réaliser sans le travail d’instituts américains qui s’efforcèrent de coopter celles et ceux qui joueront ensuite en leur faveur. Par conséquent, la stratégie de création d’une Organisation mondiale de l’environnement américano-centrée, est désormais appuyée par Areva et par la France, tout comme l’affirme NKM : « J’ai le sentiment que le monde est mûr pour créer enfin une Organisation Mondiale de l’Environnement. Nous en avons besoin. J’ai le sentiment aussi que notre pays est à même de porter activement ce projet [18]. »

Conclusions

Au vu des faits présentés, il serait facile de prêter des intentions aux États-Unis. Il est toutefois certain que De Gaulle mesurait le risque d’une hégémonie américaine et tentait de maintenir l’indépendance relative de la France pendant la Guerre Froide. Cette politique reposait en partie sur les accords franco-africains et les réseaux officieux qui gravitaient autour, mais aussi sur une politique nationale dont la Cogema et le CEA étaient alors des symboles forts. En ce qui concerne le savoir-faire français acquis dans le domaine du nucléaire civil, les États-Unis ont su attirer Areva dans leurs filets. Mais qu’en est-il de l’uranium nigérien dont Areva profite depuis de nombreuses années ? Le processus européen ayant forcé l’entrée de la France dans l’orbite américaine, la gestion des ex colonies francophones ne peut en dernier lieu qu’être remis entre les mains des États-Unis. C’est ce que nous verrons dans la seconde partie.

(Fin de la première partie)

Julien Teil, 2011

Notes

[1] Priorités de développement des Nations Unies au Niger : http://www.pnud.ne/snu.htm

[2] Mali-France , Regards sur une histoire partagée, GEMDEV, Université du Mali, 2005.

[3] Noir Silence, François-Xavier Verschave, 2000.

[4] Deuxième compagnie pétrolière des États-Unis, que contrôla Condoleezza Rice de 1991 à 2000.

[5] Suicide d’État à l’Élysée, Éric Raynaud, 2009.

[6] Willy Brandt, Mémoires, Albin Michel, Paris, 1996. Horst Möller/ Maurice Vaïsse (s.d.), Willy Brandt und Frankreich, Oldenbourg, Munich, 2005.

[7] Ce dernier obtiendra ensuite la nationalité américaine et mourra en 2006 aux États-Unis d’où il proclamera avec vivacité son opposition au régime de Mahmoud Ahmadinejad.

[8] Retour sur les conséquences du premier choc pétrolier des deux côtés de l’Atlantique, Bertrand Barré, La Revue des Ingénieurs, mars/avril 2008.

[9] Communiqué de Presse d’Areva : Bush veut réduire la dépendance énergétique des États-Unis, le nucléaire est en faveur ; 21 novembre 2003 ; http://areva.com/FR/actualites-5251/bush-veut-reduire-la-dependance-energetique-des-etatsunis-le-nucleaire-est-en-faveur.html

[10] Directeur de la CIA sous l’administration Clinton, il fut accusé d’avoir conservé des informations relatives à la sécurité intérieure avant d’être finalement amnistié par Bill Clinton le dernier jour de son mandat.

[11] Energy Security and Climat Change, Trilateral Commission, 2007.

[12] Avec Christine Lagarde, l’industrie US entre au gouvernement français, Réseau Voltaire, 22 juin 2005.

[13] L’ancien secrétaire à l’Énergie de l’administration Bush, Spencer Abraham, est nommé directeur de la filiale américaine d’Areva, Réseau Voltaire, 9 mars 2006.

[14] Brice Lalonde crée en 1971 la branche française des Amis de la Terre. Lié à la richissime famille Forbes, il est aussi le partenaire parisien de Coudert Frères, cabinet juridique allié à la famille Rockefeller.

[15] Blog de Nathalie Kosciusko-Morizet, Cancun au Rendez-vous, 14 décembre 2010 : http://nkm-blog.org/cancun-au-rendez-vous/

[16] Assemblée nationale, Commission des affaires économiques, mardi 14 décembre 2010, Compte-rendu n°27, audition de Mme Anne Lauvergeon, présidente du directoire d’Areva.

[17] Le 16 juin 2011, Luc Oursel est nommé à la tête du directoire d’Areva par décision de Nicolas Sarkozy. Commentaire de Reuters :

« Luc Oursel, dont la nomination à la tête d’Areva (AREVA.PA : Cotation) a été annoncée jeudi, apparaît comme un homme de compromis entre ceux qui prônaient une rupture brutale avec la stratégie de la présidente sortante Anne Lauvergeon et ceux qui souhaitaient une certaine continuité.

Membre du directoire du spécialiste public du nucléaire depuis 2007, Luc Oursel a de fait validé ces dernières années les choix stratégiques d’Anne Lauvergeon et sa volonté de préserver l’autonomie du spécialiste public du nucléaire. »

(Source)

Ndlr E&R.

[18] Op.cit. http://nkm-blog.org/cancun-au-rendez-vous/

 






Alerter

1 Commentaire

AVERTISSEMENT !

Eu égard au climat délétère actuel, nous ne validerons plus aucun commentaire ne respectant pas de manière stricte la charte E&R :

- Aucun message à caractère raciste ou contrevenant à la loi
- Aucun appel à la violence ou à la haine, ni d'insultes
- Commentaire rédigé en bon français et sans fautes d'orthographe

Quoi qu'il advienne, les modérateurs n'auront en aucune manière à justifier leurs décisions.

Tous les commentaires appartiennent à leurs auteurs respectifs et ne sauraient engager la responsabilité de l'association Egalité & Réconciliation ou ses représentants.

Suivre les commentaires sur cet article