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France : l’État guerrier

Une intervention militaire française en chasse une autre : Côte-d’Ivoire, puis Libye, puis Mali, sans parler de la volonté appuyée d’intervenir en Syrie. Les troupes françaises ont à peine commencé à quitter l’Afghanistan qu’elles interviennent de nouveau au Mali.

La France apparaît ainsi, actuellement, comme le pays le plus agressif de la planète. Même les USA paraissent, en comparaison, plus réservés, dans le rôle de gendarme. Et s’il y a une distribution des tâches dans ce rôle, on peut dire que la France fait preuve dans le sien d’un zèle particulier.

C’est inquiétant. Car cet État par deux fois, en Libye et maintenant au Mali, est venu, avec ses armées, aux frontières de l’Algérie et des pays du Maghreb. Chaque Algérien, chaque Nord-Africain, ressent cette inquiétude, celle d’avoir en face, de l’autre côté de la méditerranée, un État guerrier.

François Hollande est célébré en France comme « un chef de guerre ». Sur tous les médias français, journaux, radios, télés, on proclame qu’il « est vraiment devenu président de la république maintenant qu’il a déclenché une guerre ». Comme le président Bush après la guerre contre l’Irak, et comme le président Obama, sacré « chef de guerre » après avoir fait tuer Ben Laden, ou comme le président Sarkozy après l’attaque contre la Libye. Non pas Président de la république respecté parce qu’il a réglé des problèmes économiques, des problèmes sociaux, parce qu’il est un homme de paix, mais parce qu’il a déclenché une guerre.

On reste songeur devant une telle vision, devant cette culture belliqueuse, devant « cette civilisation » qui nous ramène aux temps où les Consuls et Césars ne devenaient légitimes et populaires, à Rome, qu’au retour d’une expédition victorieuse, à l’époque où les rois ne le devenaient réellement qu’après avoir conquis de nouveaux territoires, et où ils demandaient à leurs vassaux d’envoyer des contingents pour la guerre, comme l’injonction en est faite aujourd’hui par la France au Tchad, au Niger, au Sénégal, au Togo, au Bénin à la Côte d’Ivoire, et à d’autres pays africains. C’est l’union sacrée autour du nouveau « chef de guerre », François Hollande.

C’est, de la gauche jusqu’à à l’extrême droite française, l’unanimité de la classe politique française pour l’intervention militaire. Un tel unanimisme, une démocratie aussi verrouillée, a des allures de totalitarisme.

Les socialistes français retrouvent leurs premiers amours, et les parfums enivrants du chauvinisme de gauche et des expéditions vers des lieux aux noms exotiques : Tombouctou, Gao, le Sahara. Beaucoup d’intellectuels français les suivent. Comme cela avait été le cas pour la Libye, ils sont pris d’excitation guerrière, d’émotion et de fierté patriotiques devant le spectacle des avions « Rafale » qui décollent et celui du déploiement martial de leurs forces armées.

De joie, l’un d’eux s’écrie : « Pour tous ceux qui parlaient de décadence française, c’est la preuve que nous sommes toujours un grand pays car nous sommes capables d’intervenir » (Nicolas Domenach, Chaîne I>Télé, émission « Ça se dispute », 12 janvier 2013). La communauté malienne en France se voit soudain entourée de sollicitude. Elle en est étonnée et même gênée. Pourvu que ça dure. Les médias français découvrent avec tendresse que la ville française de Montreuil est, après Bamako, la seconde ville malienne par sa population originaire de ce pays.

Le parti français, le « Front National », juge cette intervention légitime, d’autant plus « qu’elle concerne, dit-il, un pays francophone ». Les émigrés maliens ne sont plus donc, pour le moment, des « émigrés qui envahissent la France et viennent manger le pain des français ». On pressent déjà des tentatives pour opposer Arabes et Africains dans l’immigration française, Afrique du Nord et Afrique noire, mais ce sera difficile tant la solidarité maghrebo-africaine est grande.

Bref, peu de voix se font entendre, en France, pour dénoncer l’intervention militaire, ou alors elles sont difficilement audibles. Aujourd’hui, pour l’instant, le principal reproche fait au Président François Hollande par le leader du Front de gauche, J.-L. Mélenchon, ainsi que par les représentants du parti communiste français et de la gauche écologique c’est de…ne pas avoir convoqué le parlement avant d’avoir décidé de la guerre. A quoi le gouvernement français répond superbement qu’il n’en avait pas le temps et qu’il « fallait agir vite ».

Cet argument, « qu’il fallait agir vite » est trop souvent répété, asséné sur tous les médias français pour ne pas en devenir suspect. Il rappelle, le même, utilisé pour la Libye, lorsqu’on criait qu’il fallait vite intervenir à Benghazi, pour éviter un massacre. On sait comment cette justification s’est avérée mensongère et d’où est finalement venu le massacre. Il semble, en réalité, que l’armée malienne avaient lancé des opérations sur la route menant à la ville de Mobti et en direction de la ville de Douentza, dés la journée de lundi 7 janvier [1] . Ces opérations, organisées en coordination avec le commandement français, avaient pour but, selon des experts occidentaux, de faire sortir les colonnes de pick-up des groupes rebelles de leurs bases et des villes afin de les bombarder en rase campagne et de permettre ainsi à l’aviation française d’intervenir. La version officielle française vise donc à justifier la précipitation de l’intervention française et à en cacher les véritables raisons. Affaire donc à suivre, tant la gestion de ces interventions militaires par le mensonge est devenue coutumière.

La légitimation

Il est remarquable de voir comment chaque intervention militaire s’entoure d’un discours de légitimation. Chaque fois qu’elle a eu lieu, l’intervention militaire a été proclamée légitime, qu’il s’agisse de défendre un pouvoir contre des groupes armés rebelles comme c’est le cas au Mali, ou, au contraire, de soutenir des groupes armées rebelles contre un pouvoir comme cela a été le cas en Libye ou c’est le cas en Syrie. Le droit d’ingérence n’est en fait que le droit du plus fort. Il ne s’embarrasse pas de cohérence. Mais en aucun cas, les puissances occidentales qui s’en réclament et interviennent, ne mettront leur influence, pourtant grande, au service d’une solution politique, pacifique. L’intervention est toujours violente et elle laisse toujours le pays dévasté, exsangue, meurtri physiquement et moralement, fragile pour longtemps.

Dans le registre de la légitimation, il y a aussi l’argumentaire de la « menace terroriste islamiste ». Depuis que le Président Bush a trouvé et désigné ainsi le nouvel ennemi global de l’Occident, l’argument sert « à toutes les sauces », y compris d’ailleurs à des alliances avec ceux désignés auparavant comme « terroristes » lorsque la « realpolitik » l’exige. La référence à la « menace terroriste » offre l’avantage à la fois de n’avoir rien à justifier et de donner une justification à n’importe quoi.

Le président de la République française, François Hollande, et son ministre des affaires étrangères n’ont cessé de répéter, de marteler, qu’il s’agissait, au Mali, de lutter contre « des groupes terroristes criminels ». On aura remarqué le pléonasme. Il a pour fonction d’accroître la tension. C’est ainsi qu’un amalgame est fait entre les différents groupes armés « rebelles », et que se trouvent obscurcies les véritables raisons de la crise malienne, et du même coup celles véritables de l’intervention française. Elles sont, ici comme ailleurs, à chercher, banalement hélas, dans le pillage des richesses de la région et dans le maintien de l’influence nécessaire à cet effet.

L’Histoire se répète sur le continent africain. Entre l’an 397 et 398, Gildon, prince Amazigh, se révolta contre la domination romaine et s’allia avec les rebelles donatistes et circoncellions. Il arrêta les exportations de blé d’Afrique du Nord vers Rome.

Celle-ci utilisa contre lui, le fameux poète romain Claudien (un média de l’époque) qui mobilisa, à travers notamment un long poème propagandiste, l’opinion romaine, et déclencha la peur dans l’Empire en faisant croire à la population qu’elle allait connaître la famine. Les méthodes sont les mêmes. Seule la technologie a changé.

La « menace terroriste islamiste » est brandie, comme à la plus belle époque du Président Bush junior. Le thème est repris en boucle par tous les hommes politiques et les médias français ce qui permet, collatéralement, de différer, au nom de « l’union sacrée », les échéances de la grave crise économique, sociale et morale actuelle de la société française ou d’y faire diversion. Mais le thème comporte néanmoins un inconvénient, puisque, depuis, il y a eu le Président Obama et sa nouvelle stratégie envers le monde arabe et musulman, qui consiste à ne plus se contenter de brandir l’épouvantail de l’islamisme. Là se trouve une contradiction et une gêne, qu’on perçoit chez bien des commentateurs français lorsqu’il s’agit de passer du discours sur « le printemps arabe » et de la prise en compte de l’Islam politique à celui de la « menace islamiste ».

Dans le registre de la légitimation de l’intervention au Mali, il faut parler, enfin, de la référence à la décision du Conseil de sécurité de l’ONU à ce sujet. Les responsables français s’enveloppent dans celle-ci comme si la France ne faisait que se mettre, par altruisme, au service du droit international. Mais c’est précisément la France qui a fait le siège du Conseil de sécurité pour obtenir une résolution autorisant l’intervention au Mali. Encore que cette intervention prévoyait d’abord de s’efforcer de trouver une solution politique aussi bien aux revendications légitimes des Touaregs du Nord Mali, qu’à la question de la légitimité du pouvoir politique malien, mise à mal par le coup d’État récent. Et à ce propos, d’ailleurs, quelle légitimité peut bien avoir un pouvoir qui ne peut se maintenir que par une intervention armée étrangère, laquelle, par ricochet, révèle d’ailleurs, par là même, sa propre illégitimité. Là est la faiblesse originelle de cette intervention militaire française. On peut s’attendre à la voir se révéler de plus en plus au fur et à mesure du développement de la situation.

Djamel Labidi

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Notes

[1] Le Quotidien d’Oran, 9 janvier 2013, p. 6.

 






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30 Commentaires

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  • #306899
    Le 18 janvier 2013 à 19:20 par Nicolas
    France : l’État guerrier

    Je suis d’la mauvaise herbe, braves gens, braves gens.
    C’est pas moi qu’on rumine et c’est pas moi qu’on met en gerbe.
    La mort faucha les autres, braves gens, braves gens,
    Et me fit grâce à moi, c’est immoral et c’est comme ça !

     

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  • #306913
    Le 18 janvier 2013 à 19:36 par Mike
    France : l’État guerrier

    Soi-disant, on voulait pas que les islamistes atteignent Bamako et mettent en place un état terroriste au Mali. Par contre, on fait tout pour les mettre au pouvoir en Syrie...

     

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  • #306983
    Le 18 janvier 2013 à 21:49 par Tous enfants de Dieu
    France : l’État guerrier

    Chaque jour, une nouvelle raison d’ avoir honte d etre Français, des années que cela dure, mensonges droit de lhommiste pitoyables a la longue, on en vient a espérer la fin du monde au plus vite, par la grace de Dieu, que cela cesse...

     

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  • #307007
    Le 18 janvier 2013 à 22:25 par seber
    France : l’État guerrier

    Article très juste. Je n’aurais pas mieux dit.

     

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  • #307054
    Le 19 janvier 2013 à 00:45 par goy pride
    France : l’État guerrier

    LaRépublique,

    Ton pseudo explique à lui tout seul la teneur de ton commentaire !
    Que vient faire ici un type qui en est encore à la mythologie "Al Quaïda contre le gentil occident ivre de paix et de liberté" ? Quelqu’un qui n’a toujours rien compris ou un agent faisant son petit boulot de propagande ?
    La plupart de ces groupes armés qualifiés de terroristes sont des créations des services secret occidentaux. Ils servent à déstabiliser des Etats voire à les renverser dans des régions ayant des ressources naturelles clés convoitées. Pour paraphraser Piero San Giorgio personne vient foutre la merde au Zimbabwe pour sa magnifique industrie du tabac...comme par hasard les Etats voyous et lieux les plus explosifs de la planète sont là où se trouvent pétrole, gaz, uranium, diamants, et autre minerais rares.
    Il y a deux manières d’utiliser ces groupes dits islamistes : soit en les envoyant directement attaquer une cible (Libye), soit en prétextant la lutte contre le terrorisme pour justifier une ingérence et présence armée dans un pays afin de lutter contre ces groupes.
    Dernier point, le terrorisme n’existe pas. S’il existait tous les jours des gazoducs, des pipeline, des site d’exploitations minières, pétrolifères...seraient attaqués. Sinon comment expliquer qu’avec les moyens considérables en hommes et en arme dont bénéficient ces soi disants djihadistes les attaques de lieux de hautes valeurs stratégiques sont quasi inexistantes ? Quelques centaines de militants irlandais ont fait plus de dégâts au Royaume-Uni que plusieurs dizaines de milliers de djihadistes suréquipés en ont fait aux intérêts occidentaux ! Comment expliquer quand il y a des attentats prétendument islamistes c’est systématiquement contre des cibles n’ayant aucune valeur stratégique ? Attentats contre gares ferroviaires, stations de métro, écoles, marchés... ? Et le 11/09 cela ne compte pas, tout être doté d’un cerveau sait que c’est un "inside job" qui par ailleurs n’avait qu’une valeur symbolique et n’avait en rien perturbé durablement les infrastructures économiques et du pouvoir US bien au contraire ! Pratiquement jamais d’attentat visant les intérêts vitaux de l’oligarchie mondialiste ! Donc soit nous avons à faire aux "terroristes" les plus inefficaces et stupides du monde, soit ces gens sont téléguidés et ont une fonction occulte autre que celle qui leur est attribuée officiellement.

     

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  • #307100
    Le 19 janvier 2013 à 04:40 par arcadia,grand marabou
    France : l’État guerrier

    agir vite sans reflexion,sans débats,tout ca pour encore ruiner les richesses.
    agir vite sans reflexion, sans débats dans une guerre sans chef,n’est pas une stratégie MILITAIRE.
    MAIS "ILS" en veulent de l’unarium pour leur bombe volante et terreste(le parc des réacteurs est vieillissant,qui va payer le chantier,NOUS).
    le projet final c’est quoi ?légitimer le pouvoir en place,encore ..

     

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  • #307193
    Le 19 janvier 2013 à 12:27 par lolo
    France : l’État guerrier

    Cet article pue malheureusement bien trop la repentance décolonialiste.

    Parler de "culture belliqueuse" pour un pays comme la France qui au contraire en manque terriblement est assez comique.
    L’armée en France est depuis des décennies conspuée par le gauchisme dominant.
    et la droite molle sans valeur n’est jamais revenue dessus.

    C’est dommage car la critique du double discours de nos élites était bien vue.
    Sauf qu’évidemment il n’est jamais rappelé la situation exceptionnelle de notre pays quant à ces populations immigrées, qui ont la même origine que l’auteur de cet article.
    C’est comme un "point mort" dans cet article qui, par omission, en altère totalement le sens.

     

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    • #308679
      Le Janvier 2013 à 14:26 par ouhm
      France : l’État guerrier

      exactement, surement un cousin à Bouteldja... le mec ne connait et ne comprend rien à la France actuelle... état gauchiste...
      Toujours à faire passer ce pays pour raciste à une époque ou il est peuplé par des dizaines de millions d’immigrés et de leurs enfants, à une époque d’inquisition anti raciste, de repentance perpétuelle etc.. soit il ne connait rien à la France soit il est de mauvaise foi.

       
  • #307600
    Le 19 janvier 2013 à 22:04 par sabuco
    France : l’État guerrier

    Bonjour à tous,

    Le journaliste Yves Debay est mort en Syrie, si des gens voient de qui il s’agit !
    Ils était rédac-chef de la revue militaire "Assaut", si certain connaissent, avant de venir m’informer sur internet et en particulier sur E&R, je lisais cette revue .
    Il avait des coup de gueule interréssants, mème si il croyait au choc des civilisations, c’était un patriote ou un nationaliste, un peu comme A.S., bien qu’il était belge et non français !

     

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  • #307638
    Le 19 janvier 2013 à 22:58 par MG 42
    France : l’État guerrier

    C’est l’union sacrée autour du nouveau « chef de guerre », François Hollande.



    ce faux normand, c’est guimauve le conquérant.

     

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  • #308008
    Le 20 janvier 2013 à 15:59 par Mansur
    France : l’État guerrier
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