Le gouvernement ukrainien a annoncé hier de suspendre la préparation de l’accord d’association avec l’UE, écrit vendredi 22 novembre le quotidien RBC Daily.
Cette annonce est venue interrompre la réunion qui se déroulait à huis clos à Moscou entre le ministre du Commerce de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) Andreï Slepnev et les entrepreneurs russes et ukrainiens, consacrée aux conséquences de la mise en place d’une zone de libre échange (ZLE) entre l’Ukraine et l’UE pour les entreprises des deux pays. Les entrepreneurs ont poussé un soupir de soulagement.
Le décret adopté par le gouvernement ukrainien explique que cette décision vise à renforcer les relations de l’Ukraine avec la Russie et d’autres pays de la CEI. Les organismes compétents ont été chargés de proposer à la Russie et à l’Union européenne la création d’une commission trilatérale pour les questions commerciales et économiques.
Ironiquement, au moment de l’apparition de ce communiqué dans le fil d’actualité, la CEEA évoquait à Moscou les éventuelles conséquences de la création d’une ZLE entre l’Ukraine et l’UE. Les autorités ukrainiennes étaient représentées à cette réunion par Valeri Mountian, délégué du gouvernement ukrainien chargé de la coopération avec l’Union douanière et la CEI.
Andreï Slepnev a lu la nouvelle de Kiev annonçant la suspension de l’entente avec l’UE sur son smartphone. « Notre réunion a été vraiment efficace ! », a ironisé un des participants, provoquant les rires de la salle.
« Nous voulons absolument connaître l’avis des entreprises et leur appréciation de la situation », a déclaré Andreï Slepnev à l’issue de la réunion. Selon lui ces dernières craignent avant tout d’éventuelles réexportations de produits européens sur les marchés de l’Union douanière (Russie-Biélorussie-Kazakhstan), l’évincement des marchandises ukrainiennes de ces marchés sous la pression des produits européens bon marché, les règlements techniques européens, ainsi que le risque de fournitures à l’Union douanière de produits européens reconditionnés et présentés comme ukrainiens.
Aujourd’hui déjà l’Ukraine abuse de son statut de membre à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), déclare le président du comité exécutif de l’Association nationale des producteurs de viande Sergueï Iouchine, qui a participé à la réunion. En achetant du bœuf bon marché à l’étranger, l’Ukraine le reconditionne et l’exporte en Russie sans payer de taxes (conformément à l’accord sur le libre échange avec les pays de la CEI). Si Kiev rejoignait la ZLE de l’UE, la Russie serait submergée de viande bon marché de Pologne et d’autres pays européens, est persuadé Sergueï Iouchine.
Le président de l’Union russe des entrepreneurs des industries textile et légère Andreï Razbrodine, qui a également participé à la réunion, avertit que la Russie serait contrainte d’adopter des mesures de restriction si Kiev décidait de se rapprocher avec l’UE.
Andreï Razbrodine souligne que les entreprises russes ne sont pas les seules à s’opposer à cette association avec l’UE et que les entreprises ukrainiennes le sont également : « Elles veulent des relations normales avec la Russie. Les Ukrainiens sont conscients que même au sein de l’OMC nous arriverons plus loin ensemble que chacun de son côté. »
D’après Gueorgui Petrov, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Russie, les représentants de l’Union ukrainienne des industriels ont expliqué qu’ils avaient déjà fait part au commissaire européen au commerce de leur désaccord avec de nombreux points du texte d’association. « Cela montre qu’il a été préparé dans la précipitation et qu’il dépend de motivations politiques plus que d’un calcul économique précis », a-t-il conclu.
Gueorgui Petrov a rappelé que le marché des pays de l’Union douanière représentait 38 % des échanges commerciaux de l’Ukraine et que l’Ukraine avait renoncé à l’association avec l’UE « en s’appuyant sur des calculs économiques concrets ». Il a déclaré que selon Kiev, la mise en conformité de l’industrie ukrainienne aux normes techniques et aux standards de l’UE aurait coûté entre 160 et 300 milliards d’euros.
Andreï Slepnev a souligné que les options de coopération entre Kiev et la CEEA seraient évoquées à la prochaine réunion du dialogue commercial entre la CEEA et le gouvernement ukrainien en décembre.