Les Iraniens seraient sur le point de trouver un nouveau moyen d’exporter une partie de leur pétrole en signant un partenariat avec un autre pays visé par des sanctions économiques.
Téhéran et Moscou s’apprêteraient à conclure un accord à 20 milliards de dollars prévoyant la livraison de 500 000 barils de brut iranien par jour à la Russie - durant deux à trois ans - en paiement pour des équipements russes. Les discussions - entamées en novembre - seraient bien avancées, l’agence Reuters indiquant même mercredi qu’il ne leur reste plus qu’à s’entendre sur le prix du pétrole.
Cet accord, surnommé « Oil-for-Goods » en référence au programme « Oil-for-Food » mis en place par les Nations unies dans les années 1990 pour éviter que les Irakiens ne subissent (trop) les sanctions visant le régime de Saddam Hussein, représenterait un véritable pied de nez à Washington et à Bruxelles. En effet, le pétrole iranien est sous embargo occidental, tandis que des Russes proches du pouvoir sont privés d’accès au système bancaire international depuis l’annexion de la Crimée. En janvier déjà, alors que des bruits circulaient autour d’un tel accord, la Maison-Blanche avait fait part de sa « grande préoccupation ». Et indiqué qu’il risquerait de mettre à mal les négociations en cours avec l’Iran sur le dossier nucléaire.
Pourquoi la République islamique, qui a renoué le dialogue avec la communauté internationale, prendrait-elle le risque de tout faire capoter ? « Tout est lié aux effets des sanctions économiques », souligne Mohammad-Reza Djalili, professeur honoraire à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. Et ce dernier de préciser que, depuis leur durcissement en 2012, les exportations de brut iranien ont chuté à 1 million de barils par jour. Contre près de 6 millions avant la Révolution islamique de 1979.
Asphyxiée économiquement et privée d’accès aux canaux du dollar, l’Iran a aujourd’hui tout autant besoin d’un accord avec les grandes puissances que « de pouvoir écouler rapidement son pétrole sur les marchés mondiaux », estime le spécialiste. « Elle fait déjà du troc avec la Chine et accepte d’être payée en roupies par les Indiens et en or par les Turcs, souligne-t-il. Mais cela ne suffit pas. » Les prévisions les plus optimistes font état d’une croissance d’à peine 1% pour cette année, note-t-il encore.
De leur côté, les Russes, qui ne sont pas liés aux sanctions visant le pétrole iranien, voient dans cet accord un moyen d’acheter du brut bon marché pour leur consommation intérieure. Ceci leur permettant ensuite de vendre leur propre production, aux Européens par exemple, à un prix plus élevé. « Avant la Révolution islamique, l’Union soviétique procédait déjà de la sorte avec le gaz iranien », rappelle Mohammad-Reza Djalili. Quant à l’Iran, elle fait pareil avec le gaz qu’elle achète au Turkménistan pour ses besoins dans le nord du pays, alors qu’elle vend à la Turquie celui produit dans le sud.
Voir aussi, sur E&R : Vers un accord "pétrole contre marchandises" entre l’Iran et la Russie ?