La confrontation entre les autorités laïques d’Égypte et le gouvernement islamique modéré de Turquie a pris une nouvelle dimension régionale, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
Le Caire et Ankara se sont retrouvés des deux côtés des barricades en Libye, théâtre d’un conflit entre le gouvernement laïque d’Abdullah al-Thani en exil et le cabinet islamiste dirigé par Omar al-Hassi, installé dans la capitale Tripoli. Tandis que la Turquie met l’accent sur le soutien politique apporté à ses alliés libyens, l’Égypte entraîne et arme les unités qui sympathisent avec le gouvernement laïque.
Le commandement de l’armée libyenne a presque réussi à rétablir le contrôle intégral sur Benghazi – la deuxième grande ville du pays. Les militaires avaient lancé mi-septembre une vaste offensive sur cette zone devenue un avant-poste des islamistes radicaux après le renversement de Mouammar Kadhafi. Les représentants de l’armée affirment contrôler 95% de la ville mais ne parviennent toujours pas à évincer les radicaux des sites stratégiques - le port maritime et une base de la marine.
Le gouvernement laïque d’Abdullah al-Thani est soutenu par l’Égypte, acteur régional de premier plan. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi compte sur un processus de réconciliation nationale en Libye, ce qui signifie qu’al-Thani arrive à s’entendre avec son principal adversaire – le cabinet parallèle d’Omar al-Hassi basé à Tripoli. Le Caire mise sur le gouvernement en exil, espérant empêcher le passage de la Libye sous le contrôle des islamistes.
L’Égypte compte atteindre ses objectifs dans la région grâce à une alliance militaire avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït, dont la création a été récemment annoncée. Cette alliance aura pour mission de contrer les radicaux de l’État islamique qui sévissent en Irak et en Syrie, et d’aider les forces laïques libyennes à former des forces armées opérationnelles capable de repousser les extrémistes.
Le Caire considère le général dissident Khalifa Haftar comme son principal allié – l’été dernier, il a déclaré sa propre guerre aux islamistes (mais ne s’empresse pas de soutenir inconditionnellement le gouvernement laïque d’Abdullah al-Thani). Selon les médias cairotes, les troupes du général Haftar suivent actuellement une formation encadrée par des militaires égyptiens.
C’est sous un angle complètement différent que les autorités turques voient le conflit en Libye. Elles avaient soutenu les Frères musulmans en Égypte et s’étaient opposées au coup d’État qui avait entraîné leur renversement. Le représentant spécial du président turc pour la Libye, Emrullah Isler, préfère s’entretenir avec les représentants du cabinet islamiste à Tripoli au cours de ses visites dans ce pays.
Pour réagir à la dure critique de la part du Caire accusant le gouvernement turc d’incitation au conflit et de soutien des islamistes, Ankara a déclaré qu’il prônait la réconciliation et l’établissement d’un dialogue national. La principale condition étant d’éviter l’assaut de la capitale et la dissolution du gouvernement sur place.