Souvent, l’on peut se demander si ce ne sont pas les ministres des Finances qui décident, in fine, de la politique de défense d’un pays. La question s’est posée récemment – et se pose encore – en France, où la trajectoire financière de la Loi de programmation militaire, adoptée en décembre, est menacée par les coupes budgétaires ou encore des recettes exceptionnelles difficiles à trouver. Et il en va de même pour l’Allemagne.
Alors que la crise ukrainienne conduit la plupart des pays d’Europe de l’Est à maintenir, si ce n’est à augmenter, leur effort de défense étant donné que la Russie se réarme massivement, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, a estimé, le mois dernier, qu’il ne serait pas « judicieux » de revoir à la hausse le budget de la Bundeswehr, comme le demande l’Otan, qui a établi une règle selon laquelle un Etat devrait consacrer 2% de son PIB à ses forces armées.
« 90% de l’opinion, non seulement en Allemagne et dans l’Union européenne mais au-delà, verraient cela comme une mesure d’aggravation de la crise », a-t-il affirmé dans les colonnes de l’hebdomadaire Der Spiegel. « Augmenter le budget de la défense à l’heure actuelle ne serait pas judicieux. Ce serait plutôt à l’opposé de ce dont nous avons besoin », a-t-il lancé. Pour le moment, les ressources del a Bundeswehr de progressent pas puisque, joignant le geste à la parole, elles ont subi une coupe de 400 millions d’euros la semaine passée.
Mais tout cela va à l’encontre du souhait exprimé à plusieurs reprises par des responsables américains, lesquels voudraient que les Européens prennent davantage leur sécurité en main…
« Une action collective ne veut pas dire que les Etats-Unis jouent leur peau tandis que les autres restent sur la touche à applaudi », a récemment résumé Susan Rice, la Conseillère américaine pour la Sécurité nationale, lors de la conférence annuelle du Centre for a New American Security.
Aussi, la question a été évoquée lors du premier déplacement officiel aux États-Unis de Mme Ursula von der Leyen, le ministre allemand de la Défense. Dans un entretien accordé à Deutsche Welle, elle a affirmé que l’Allemagne doit prendre davantage de responsabilités sur la scène internationale. Ce qui suppose un effort sur ses capacités militaires.
Pour autant, Mme von der Leyen est sceptique sur la règle des 2% fixée par l’Otan. « 2% de quoi ? », a-t-elle demandé. « Certains pays d’Europe qui viennent d’émerger de la crise financière ont atteint cet objectif. Mais comment ont-ils fait ? Ils ont réduit leur budget militaire, mais dans le même temps leur PIB avait diminué encore plus », a-t-elle souligné.
Actuellement, l’effort militaire allemand correspond à 1,3% du PIB. Mais comme ce dernier est en croissance, cela donne l’impression que « les dépenses de défense sont faibles », a expliqué la ministre devant l’Atlantic Council, le 19 juin.
« Notre budget militaire est stable, avec une légère augmentation au cours des prochaines années, et notre PIB est en croissance. Par conséquent, ces 2% ne sont pas la seule question », a fait valoir Mme von der Leyen lors de son entretien donné à Deutsche Welle. Car pour elle, la question est surtout de savoir « où et comment vous voulez dépenser de l’argent ».
Pour résumer, le budget de la Bundeswehr devrait augmenter mécaniquement en fonction de la croissance du PIB… Du coup, la règle des 2% établie par l’Otan n’apparaît pas pertinente pour Berlin.
Le 4 juin dernier, Mme von der Leyen avait affirmé à des journalistes, à Berlin, que « avoir un budget de défense élevé n’est pas une fin en soi, mais c’est la façon dont l’argent est dépensé qui compte ». Cela étant, tout dépendra en fait de l’évolution de la sécurité en Europe. Ainsi, Henning Otte, un porte-parole du groupe parlementaire de la CDU (la parti d’Angela Merker et d’Ursula von der Leyen, ndlr), n’a pas exclu une hausse importante de l’effort militaire allemand dans le cas où la situation viendrait à s’aggraver.