Vers 4 heures du matin, une puissante explosion a soufflé les murs du logement d’Abdelrahmane Shalodi. Israël recommençait à détruire les maisons d’auteurs d’attentats à Jérusalem et renouait avec une pratique intolérable pour les Palestiniens et contestée chez les Israéliens.
Cette démolition, la première depuis cinq ans à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël, intervient alors que le premier ministre israélien a prôné la fermeté après un attentat meurtrier mardi dans une synagogue.
Les policiers « sont arrivés à minuit et demi » à Silwan, quartier populaire de Jérusalem-Est, raconte Amer Shalodi.
« Ils ont enfoncé la porte. Ils nous ont forcés à sortir du bâtiment », relate l’oncle du Palestinien de 21 ans qui, le 22 octobre, a tué un bébé de trois mois et une Équatorienne de 22 ans en fonçant avec sa voiture sur des piétons. Il a aussitôt été abattu par la police. « Et puis à 4 heures, nous avons entendu une explosion énorme ».
La maison de la famille d’Abdelrahmane Shalodi n’est plus qu’une trouée dans la façade, entre le deuxième et le quatrième et dernier étage de cet immeuble construit niveau après niveau par les différents membres de la famille. Les artificiers israéliens ont fait sauter toutes les parois intérieures et extérieures. Il ne reste plus que les piliers de béton à émerger des gravats pour soutenir l’infrastructure.
« Où pouvons-nous aller ? Nous n’avons plus de maison », se plaint Nibras, une jeune sœur, recueillie par des proches.
Les femmes et les enfants « premières victimes »
Les forces israéliennes n’avaient plus procédé à des démolitions punitives à Jérusalem depuis 2009, selon Daniel Seidemann, un avocat israélien spécialisé dans les affaires concernant Jérusalem. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou vient d’ordonner leur reprise devant les attentats auxquels est en proie Jérusalem.
Les destructions sont censées frapper les esprits : s’ils ne craignent pas pour leur vie, les auteurs d’attentats potentiels pourraient réfléchir à deux fois en pensant à ceux qu’ils laissent derrière eux.
« Les premières victimes des démolitions sont les proches : des femmes, des enfants, des personnes âgées qui n’ont aucune responsabilité dans l’attentat et n’étaient soupçonnés d’aucune infraction », a dénoncé l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem.
L’effet dissuasif de la mesure est contesté. Pour Washington, elle ne fait qu’ajouter aux tensions.
De 2001 à 2005, 664 maisons ont été détruites à travers les Territoires palestiniens occupés, avant qu’en 2005, le ministère de la Défense n’ordonne la fin de ces démolitions. Au lieu d’être dissuasives, elles poussaient les Palestiniens à perpétrer plus d’attentats, estimait l’armée.
Cela n’avait pas empêché les autorités israéliennes de murer deux maisons en 2009 à Jérusalem, jetant à la rue 24 personnes, selon B’Tselem, et d’en détruire une troisième, celle de la famille de l’auteur d’un attentat meurtrier.
48 heures pour faire appel
C’était la dernière démolition en date dans la ville. En dehors de Jérusalem, elles ont continué. En Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont rasé en août à Hébron les maisons d’Amer Abou Eisha et de Marwan Qawasmeh, accusés d’avoir enlevé et tué trois adolescents juifs en juin.
Après celle d’Abdelrahmane Shalodi, trois familles de Jérusalem-Est ont reçu la notification formelle que leur maison allait être frappée : celles de Mohamed Jaabis, à Jabel Moukabber, quartier escarpé qui surplombe Jérusalem-Est, Mouataz Hijazi, dans le quartier d’Abou Tor, et celle d’Ibrahim al-Akari, dans le camp de réfugiés de Chouafat.
Les trois hommes ont été abattus.
Pour leurs proches, le sinistre rituel est le même. Ils voient les agents des autorités israéliennes venir prendre les dimensions des maisons à détruire. Ils ont 48 heures après l’avis officiel pour saisir la Cour suprême avec leurs objections.
Les proches d’Oudaï et Ghassan Abou Jamal, qui ont tué cinq personnes mardi dans une synagogue, peuvent se préparer à la même procédure.
Les Shalodi n’ont pas fait appel. « Nous savons que la décision est politique et qu’elle n’a rien à voir avec la loi. Le résultat était couru d’avance », dit un parent, Abdelkarim.