"Si la supériorité numérique de l’adversaire rend le combat inégal, il faut l’amener à se ligoter lui-même pour le réduire à l’impuissance." Livre des Trente-Six stratagèmes
"Nul n’est plus désespérément esclave que celui faussement convaincu d’être libre." Johann Wolfgang von Goethe
Internet fut introduit en France vers le milieu des années 1990. Après une phase relativement brève, tout au plus deux-trois années, durant laquelle Internet est resté plutôt confidentiel, le phénomène prit rapidement son essor. On peut situer le début de son expansion en France et en Europe à la toute fin des années 1990.
Stimulé notamment par une réduction du prix des ordinateurs et des campagnes de publicité massives, orientées vers un type de public masculin, plutôt jeune mais de préférence financièrement indépendant. En même temps était propagée une sorte de psychose collective quant aux conséquences terrifiantes du passage à l’an 2000 sur les systèmes informatiques et électroniques et des nombreuses catastrophes que cela ne manquerait pas de provoquer, à moins que lesdits systèmes n’aient été mis à jour avant la date fatidique du 31 décembre 1999, 23 heures 59 minutes.
On nous promettait l’apocalypse : les avions allaient tomber du ciel, les trains se télescoper, cela allait être le chaos financier et boursier planétaire et il n’était pas exclu que les missiles nucléaires russes et américains, jusque-là bien sages dans leurs silos, ne deviennent subitement fous et ne décident, de leur propre initiative, d’en sortir pour venir semer partout la mort et la destruction. Les organismes de formation se mirent à proposer des formations en informatique, de qualité très variable, il est vrai, mais on embaucha néanmoins ces informaticiens fraîchement formés à tour de bras. [1] [2]
Cela eut surtout le mérite, pour le cas qui nous intéresse, d’apprendre à ces gens à maîtriser suffisamment un ordinateur pour rejoindre ensuite les rangs de la grande armée des pionniers du "surf sur Internet", qui sauront plus tard initier leur entourage, femmes, enfants, parents et amis aux rudiments de la navigation. Le pays entier a ainsi fini par s’y mettre.
À la même époque, dans les milieux de la finance et du grand capital, on se préparait également au passage à la monnaie unique européenne, on négociait des alliances stratégiques et on investissait dans les télécommunications, l’informatique et plus généralement, ce qu’on appelle à présent les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) ; les start-ups poussaient comme des champignons, les vannes du crédit étaient grandes ouvertes, des entrées en bourse de plus en plus spectaculaires d’entreprises qui parfois n’avaient pas un mois d’existence provoquaient la frénésie des traders, toute cette fièvre générant l’énergie et les capitaux nécessaires à la mise en place de l’infrastructure du Grand Réseau, et, au-delà, de l’ "économie virtuelle" qui est la nôtre aujourd’hui.
Les ordinateurs étaient déjà là depuis les années 1980, le plus souvent esseulés, tristes et malheureux. La plupart du temps, on les considérait comme un genre un peu capricieux de machine à écrire, mais pouvant, à l’occasion, faire gagner un temps considérable à la photocopieuse, qu’on passait ensuite à jouer au démineur ou à se pâmer sur les mérites de l’informatique autour de la machine à café. Ne restait plus en fait qu’à connecter ces ordinateurs entre eux, mais l’infrastructure faisait encore largement défaut. Elle fut pourtant déployée grâce aux conditions citées précédemment, avec une spectaculaire rapidité, compte tenu des coûts, des superficies, et du travail qu’une telle entreprise représentait.
Pensez donc : si on se connectait encore en majorité par modem jusque vers les années 1998, l’ADSL arriva en région parisienne à la fin des années 1999, et fut étendu à toute la France en 5-6 ans. La même évolution s’est produite à peu près au même moment dans tout le monde "occidental", ou du moins, occidentalisé. L’aspect logiciel et humain de l’infrastructure Internet fut également mis à niveau dans la foulée, avec une diligence non moins impressionnante.
Certains pays ont fait mieux encore ; ainsi, le Japon, la Suède, ou la Finlande disposent d’un réseau de fibre optique national, progressivement mis en place depuis les années 1994, c’est à dire, presque immédiatement après la mise au point du World Wide Web. Actuellement, le Japon est largement en tête, avec environ 14 millions d’abonnés à ce type de connexion ; chose surprenante, la Russie avait déjà dépassé la Suède dès 2008 en nombre d’abonnés. [3] Même en Afrique, continent pourtant très peu impliqué jusque-là sur Internet, on voit aujourd’hui des projets d’installation de câbles optiques un peu partout : Afrique du Sud, Madagascar, Togo, Gabon, Sénégal, Côte d’Ivoire, chacun semble s’y mettre. [4]
Et pourtant... Internet donne-t-il accès à l’eau potable, à la stabilité politique, aux traitements médicaux, au développement et à la prospérité, protège-t-il du pillage des ressources naturelles et de l’exploitation des populations, permet-t-il d’en finir avec la faim dans le monde ?
Quelques données statistiques
En 2000, les statistiques donnaient environ 20 millions d’internautes en France ; en 2011, on atteignait quasiment les 40 millions. Si bien que les deux tiers des Français disposeraient actuellement d’une connexion Internet. 92% d’entre eux se connecteraient tous les jours ; le temps moyen passé chaque jour sur le net serait d’environ 3h57 (au travail et à domicile). Au niveau des usages, on constate une large prééminence de l’aspect divertissement. Ainsi, Facebook peut se vanter d’avoir 23,2 millions d’utilisateurs rien qu’en France (et 217,6 millions en Europe) ; Google video serait le site préféré des Français, qui consommeraient en moyenne 12h48 de contenu vidéo par mois via Internet. Enfin, le cumul des heures de jeu vidéo en France serait de 27 millions d’heures par jour (dont 59% via Internet). [5]
L’engouement pour ce nouveau média est tel qu’il est sur le point de ravir la première place à la télévision, encore média préféré des Français, mais de peu, et même déjà plus selon les sources. En ce qui concerne cette dernière (98,5% des foyers équipés, dont 53,1 posséderaient même plusieurs postes TV), on continue à en consommer en quantité considérable, puisqu’on parvient tout de même à y consacrer pas moins de 3h32 par jour. [6]
TF1, France2, France3 et M6 cumulaient environ 65,4% de l’audimat en 2009 ; en termes de contenu, en 2010, hors chaînes d’information I-télé et BFM, le CSA nous fournit les données suivantes :
- 38% de "fiction audiovisuelle" (dont 78% consacrés aux séries et feuilletons télévisés)
- 20% de "divertissement, musique, spectacle"
- 14% de "autres émissions", qui comprennent : bandes-annonces et autopromotion, les messages d’intérêt général, les éléments de programme et l’habillage, les émissions de téléachat et enfin, la publicité.
- 3% de cinéma
- 1% de sport
Soit 76% de divertissement, dont grosso-modo 14% de publicité.
Les 24% restants correspondent aux catégories "informations" (5%) et "magazines et documentaires" (19%). Cela dit, vu la prééminence du fait divers dans le JT, l’information réelle doit à peine y occuper 1 ou 2%, encadrés par deux séries de publicité longues de 5 minutes chacune et de la météo. Il n’est donc pas déraisonnable de supposer que les mêmes proportions sont appliquées à toute émission télévisée à prétentions informationnelles. [7]
Cependant, le plus préoccupant dans cette affaire est le fait qu’en dépit de la popularité croissante du Net, la télévision ne recule pas tant que cela. Ce qui signifie que l’on passe en moyenne autant de temps sur l’un que sur l’autre.
À quoi nous sert Internet ?
Mais revenons, si vous le voulez bien, à Internet. Ce média interactif devait "révolutionner" notre vie en permettant à des milliards d’individus à travers le monde de communiquer en temps réel, d’abolir la notion de distance, mettre le savoir à la disposition de tous, changer radicalement notre façon de penser, de communiquer, de travailler, etc. Qu’en est-il de nos jours, une quinzaine d’années après son introduction dans nos foyers ? Quels bénéfices réels en avons-nous tiré ? À quoi nous sert-il, au fond ? Le site “topito.com” nous propose une réponse intéressante, et probablement pas très éloignée de la vérité.
Le trafic mondial quotidien en termes de messages électroniques était estimé à 294 milliards en 2010, dont 90% de messages indésirables, appelés "spam" dans le jargon informatique. En France, chaque personne ayant un compte mél recevrait en moyenne 39 méls par jour. [8] En dehors de cela, il faut encore tenir compte des messageries instantanées, des forums et de la téléphonie IP, dont le faible coût (hors celui de l’ordinateur et de l’abonnement Internet, bien sûr) semble en faire un réel progrès par rapport au téléphone classique. Ainsi, Skype comptabiliserait 700 millions de minutes par jour de conversations gratuites compte à compte via son logiciel et compterait envron 30 millions d’utilisateurs en ligne en heure de pointe (ce qui, par rapport aux 2 milliards d’internautes dans le monde reste tout de même relativement réduit, surtout si on tient compte du fait que Skype se lance automatiquement au démarrage du PC par défaut). [9] Il n’y a pas de doute, avec tous ces outils nous sommes en effet "connectés" ; on bavarde, mais se parle-t-on réellement pour autant ?
Pour les autres usages d’Internet, il apparaît d’après les données d’un sondage Orange / CSA récent que 76% des internautes français s’informent sur des portails du type MSN ou Google actualités, et 70%, sur les sites des grands media comme Le Monde ou Le Figaro.
La majorité des personnes interrogées auraient déclaré préférer les "médias numériques" pour se tenir au courant de l’actualité (blogs et réseaux sociaux 24%, sites grands media 20%, portails 16%), tandis que les blogs et réseaux sociaux seraient plutôt utilisés pour relayer et discuter l’information ainsi obtenue.
Les qualités les plus prisées des media dits numériques seraient la rapidité de l’accès à l’information et la possibilité de la "suivre en temps réel", ainsi que de "pouvoir à peu près tout trouver" (l’accès à l’information "indépendante" ne préoccuperait que 12% des sondés). [10]
L’examen des différents classements des sites les plus fréquentés en France laisse peu de doute quant à la réalité : le divertissement, l’entertainment, comme on dit outre Atlantique prédomine largement. Dans le classement thématique fourni par Harris Interactive, on constate que dans la rubrique "Actualités, informations généralisées", Le Monde, 20minutes.fr et TF1 News tiennent le haut du pavé [11], ce qui d’ailleurs reflète bien ce qui se passe en dehors d’Internet, et révèle un étrange paradoxe, puisque d’après le baromètre de confiance dans les media TNS-Sofres, la confiance serait en baisse en ce qui concerne les médias traditionnels, tandis qu’elle serait en hausse en ce qui concerne la confiance accordée à l’information sur Internet.
À quoi bon aller consulter en ce cas les sites des mêmes officines dont on déclare qu’elles dispensent une information moins digne de confiance et à la fois de moins bonne qualité ? [12] On peut aussi poser la question autrement : y a-t-il réellement autre chose à consulter ?
Oui et non. Dans l’immense et informe magma informationnel qui s’étale sur le web, il y a certainement des choses valables ; le tout est de les trouver dans la grande masse de redondances, de données sans intérêt, de sites et de liens morts ou mal référencés.
Qui dépasse la troisième page de résultats fournie par Google après une recherche ? On préfère en général en relancer une, en modifiant quelques critères, ou bien, passer à autre chose. Autant dire que la navigation est soit téléguidée par Google (ce qui signifie que l’on ne trouve que ce que Google veut bien nous laisser trouver), soit se fait de lien en lien (ce qui limite considérablement l’espace potentiel de navigation).
Enfin, il faut aussi tenir compte du temps à investir pour exploiter l’information jugée valable, ce qui est une barrière des plus dissuasives. Qui dispose de trois heures par jour pour chercher, trier, sélectionner et lire ? Autant le dire tout net : il est souvent beaucoup plus efficient, à tout point de vue, de recourir à des méthodes plus "archaïques" (ouvrages, essais, travaux universitaires, revues spécialisées).
Internet : un gigantesque bazar international ...
Au vu de toutes ces données, il y a de quoi se poser de très sérieuses questions quant à l’utilité réelle de cet étrange medium. Pour la grande majorité des utilisateurs, il semble n’être qu’une "télévision 2.0" , avec l’interactivité en plus. Google ne serait alors, au fond, qu’une sorte de super-télécommande, qui nous fournit à la demande à peu près tout ce que notre cerveau ramolli pourrait exiger pour distraire son ennui : blagues idiotes, actualité people, contenu audiovisuel de tout type, jeu vidéo, amis virtuels, musique pop gratuite, pornographie, flirt, horoscopes, infos pratiques, etc.
Très peu en revanche d’information politique sérieuse ou de ressources scientifiques, vulgarisées ou non. Elles existent, mais sont relativement sporadiques par rapport au reste, et il faut savoir les trouver ; par ailleurs on constate que la plupart des universités protègent leurs ressources documentaires, qui ne sont pas accessibles à l’internaute de base, ou bien seulement contre paiement. Pour le non initié ou le vulgaire, Wikipédia tient lieu de bible de l’information et du savoir, et cela suffit à le contenter. Quelques sites intéressants existent bel et bien, mais n’ont qu’une audience assez marginale et peinent à se faire connaître.
Il faut bien concéder, tout de même, qu’Internet est un bon outil pour "suivre l’actualité". On sait à peu près immédiatement, et en temps réel, certaines choses qui se passent dans le monde... celles qui traversent le filtre des agences de presse.
Les nouvelles de la mort de Ben Laden ou de Kadhafi ont fait le tour du monde en moins de 10 minutes. Cela dit, où est l’intérêt ? Nulle part. Cette sorte d’actualité-là est de toute façon recrachée sous une forme quasiment identique par à peu près tous les journaux, toutes les chaînes d’informations et toutes les radios, à leur heure habituelle de diffusion. Les informations que la foule ne doit pas connaître ne filtrent pas davantage sur Internet qu’ailleurs, pas plus qu’elles ne sont diffusées avant qu’elles n’aient perdu toute valeur.
Quant à l’analyse, et plus encore, la synthèse de cette actualité, c’est au consommateur de s’en charger. Sachant que le consommateur ordinaire en est parfaitement incapable, on aurait de bonnes raisons de se demander si, en fait d’actualité, il ne s’agirait pas plutôt de propagande.
"Être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles." Georges Bernanos, La France contre les robots, 1947
En dehors de cela, le seul point réellement positif est probablement celui du "commerce électronique" (qu’on désigne de plus en plus souvent par le néologisme e-commerce) ; il est en effet pratique, rapide et efficient d’acheter des choses par l’entremise du web. Les sites de vente d’occasion sont généralement bien faits et efficaces. Pour commander un bibelot ou un disque, avec livraison directe à domicile, il n’y a que l’embarras du choix en termes de sites de vente.
De plus, c’est moins cher qu’à la FNAC locale et le choix est extrêmement vaste. On peut même dénicher des produits assez difficiles à trouver, certains livres rares, par exemple, ou certains types de produits manufacturés dont la maintenance n’est plus assurée par le fabricant (pièces détachées, notamment). Grâce aux grandes avancées en termes de logistique et de transport acquises durant la période comprise entre la fin de la 2ème guerre mondiale et le premier choc pétrolier, Internet peut se vanter d’avoir réussi, dans une large mesure, son pari d’abolir la notion de distance dans le domaine spécifique de la vente par correspondance (pour celui de la communication, le crédit revient au télégraphe).
On peut commander presque n’importe quoi n’importe où depuis son ordinateur (ou même son iPhone) et le recevoir chez soi dans un délai en général assez court. Pour les produits immatériels, tels que le contenu audiovisuel ou logiciel, c’est encore plus simple, puisque grâce aux récents progrès en termes de débit, on peut les télécharger directement sur son disque dur, en quelques minutes pour les fichiers les plus volumineux (allez, quelques heures pour un Blu-ray). C’est indéniablement un immense progrès pour les consommateurs du monde entier.
En fait, il apparaît assez clairement que le Net semble avoir été pensé sur mesure pour ce type d’individu particulier, qui aujourd’hui prédomine largement au sein de nos sociétés post-modernes : le consommateur. Sommes-nous bien sûrs, d’ailleurs, de réaliser ce qu’est un consommateur et ce qu’il implique d’en être un ? Étymologiquement ce terme provient du latin consummare qui signifie faire la somme de, achever, accomplir. La version anglaise de ce terme, consumer, provient, quant à elle du verbe français consumer, lui-même du latin consumere, qui a un sens différent. Si la racine de consummare est évidemment summare, qui signifie faire la somme de quelque chose, consumere signifie quant à lui "absorber entièrement, faire disparaître, détruire (au sens propre et figuré)", par exemple, par le feu. [13]
Il semblerait qu’à un moment donné une confusion ait été réalisée en France par les latinistes médiévaux entre consummare et consumere, ce qui explique l’étymologie légèrement différente des mots français consommateur et anglais consumer, qui semble plus proche de la réalité de ce qu’implique de nos jours le fait de consommer des produits, dans sa version communément acceptée, c’est à dire, tout simplement, détruire des ressources pour satisfaire des besoins.
Il découle du paragraphe précédent, que nous avons de bonnes raisons de considérer que le terme anglais est plus approprié, et que nous devrions non pas dire consommer, mais bien consumer, et qu’un consommateur devrait plutôt être un consumeur. Le terme français consommateur signifie au sens étymologique totalement autre chose, et le verbe consommer tel qu’il a été employé dans les Évangiles, lors de l’épisode du Christ expirant sur la croix et s’écriant "Tout est consommé !" est à comprendre comme un accomplissement.
Du point de vue de l’économiste, on distingue la consommation intermédiaire, qui décrit une situation où le bien consommé l’est dans le cadre d’un processus de création d’un autre bien ou service, et la consommation finale, qui correspond à un usage personnel privé, et qui est le cas qui nous intéresse ici. Du point de vue du marketing, le consommateur est à distinguer du client, de l’utilisateur et de l’usager, qui ne sont pas forcément les mêmes, le juriste s’attache à la notion de contrat entre personnes physiques ou morales, qui intervient dans tout acte de consommation, ne serait-ce qu’au moment du paiement. Tout cela est très intéressant et légitime, mais pour nous, qui sommes des gens ordinaires et non économistes, publicitaires ou juristes, il manque quelque chose pour bien définir de quoi il est question quand on parle de consommer.
La notion économique de consommation finale est probablement celle qui est la plus proche de notre réalité quotidienne ; mais celle-ci, telle que présentée plus haut, est trop primaire, quoique certainement suffisante dans un scénario du type Robinson sur son île. C’est comme si il manquait à cette définition un aspect immatériel, mais néanmoins fondamental, qui intervient dans le fait de la consommation, et que chacun des individus enrégimentés dans les hordes de consommateurs qui constituent le gros de nos sociétés de consommation appréhende confusément, sans parvenir à décrire bien précisément de quoi il s’agit. On se rassure en regardant les autres faire. Après tout, si ils consomment et n’en souffrent pas, pourquoi ne le ferions-nous pas aussi ? C’est le sociologue et philosophe Jean Baudrillard qui nous donne la réponse qui nous manque :
"Les objets en particulier n’épuisent pas leur sens dans leur matérialité et leur fonction pratique.
Leur diffusion au gré des finalités de la production, la ventilation incohérente des besoins dans le monde des objets, leur sujétion aux consignes versatiles de la mode : tout cela, apparent, ne doit pas nous cacher que les objets tendent à se constituer en un système cohérent de signes, à partir duquel seulement peut s’élaborer un concept de la consommation. C’est la logique et la stratégie de ce système d’objets, où se noue une complicité profonde entre les investissements psychologiques et les impératifs sociaux de prestige, entre les mécanismes projectifs et le jeu complexe des modèles et des séries, qui sont analysées ici." [14]
Nous y sommes. Ce qui nous importe, quand nous achetons un objet, ce n’est pas tant l’objet matériel lui-même, mais bien davantage le signe, le mème, le prestige, la symbolique ou la représentation émotionnelle qui lui sont associés. De ce point de vue-là, Internet, avec ses innombrables sollicitations, son "interactivité" , ses "réseaux sociaux" , ses marchands par correspondance, ses algorithmes sophistiqués qui, en se basant sur nos comportements en ligne et nos historiques de navigation, nous cataloguent et nous poussent imperceptiblement là où nous aurons le plus de chances de trouver satisfaction à nos besoins sociétaux, Internet constitue un formidable outil d’encadrement et de tri spécifiquement conçu pour ce type particulier d’individu que dans la novlangue postmoderne on appelle consommateur.
Il distrait, occupe et met en relation des consommateurs ayant des préférences similaires, mais aussi ces mêmes consommateurs, agrégés cette fois par catégories de préférences, besoins et caractéristiques culturelles proches et marchands. Il est à la fois le comité d’accueil, le vendeur, le publicitaire, le catalogue, le vigile et la structure d’une sorte de grande foire virtuelle planétaire, par l’entremise de laquelle on peut trouver à peu près n’importe quoi.
"Comme la société du Moyen-Âge s’équilibrait sur Dieu et sur le Diable, ainsi la nôtre s’équilibre sur la consommation ET sur sa dénonciation." Jean Baudrillard, La société de consommation, 1970
... et un outil de surveillance et de contrôle des populations hors pair.
Ce thème hautement sensible ne fait jamais la une des grands quotidiens, journaux télévisés, ou grands magazines, mais il devrait pourtant nous préoccuper sérieusement.
Or, qu’en savons-nous, au juste ? Tout le monde a plus ou moins entendu parler du "Big Brother" décrit par Orwell dans 1984, mais peu nombreux sont ceux qui réalisent à quel point nous sommes proches de son avènement, peut-être même celui-ci a-t-il déjà eu lieu. Certes, on entend bien parler, de temps en temps, d’atteintes à la "vie privée", mais il s’agit là d’un pieux euphémisme. On aurait bien tort de croire que l’interactivité tant vantée d’Internet ne fonctionne qu’à sens unique, à savoir, de notre ordinateur au Réseau ; l’inverse fonctionne également et plus que jamais. De même, l’informatique a rendu possible la coopération et l’interaction entre des systèmes qui, jusque-là, étaient plus ou moins isolés : réseaux d’ordinateurs, satellites, téléphones portables, caméras de surveillance, drones militaires, etc.
Potentiellement, tout objet programmable est susceptible de communiquer avec un autre objet programmable. Si on mettait un micro-processeur dans votre frigo et qu’on connectait votre frigo à votre iPhone, vous pourriez manipuler le premier au moyen du second. Si on mettait un dispositif quelconque, par exemple une puce RFID, dans chacun des objets contenus dans votre frigo, celui-ci pourrait en transmettre la liste à votre iPhone, et pourquoi pas, à votre épicier.
Ce qui signifie qu’il pourrait aussi la transmettre à la CIA. Tout cela a des implications colossales, que tout informaticien est capable d’appréhender ; seulement, il y a de grandes chances qu’il les voie sous le seul angle technique et n’en soit pas alarmé pour autant. Quand bien même il le serait, que pourrait-il y faire ? On ne respecte l’opinion des techniciens qu’aussi longtemps qu’elle se cantonne à leur domaine technique particulier.
La mise en place d’un système de surveillance technologique global et efficient, même avec les technologies actuelles, nécessite des ressources considérables. Même en ayant des crédits illimités, il serait difficile d’exercer une surveillance permanente et sans faille sur des millions d’individus, et il est probable que ce ne serait pas la solution optimale.
Les régimes totalitaires y étaient parvenus bien avant la découverte de l’informatique, avec des moyens essentiellement humains, mais au prix de lourdes contreparties. Dans nos sociétés dites "démocratiques", il est impossible de recourir à ce type de méthodes sans en même temps détruire le mythe libertaire qui caractérise le régime. C’est pour cette raison que la surveillance doit être indolore et imperceptible, puisqu’elle n’est pas censée exister, mais en même temps efficace, sinon à quoi bon surveiller ? C’est là qu’interviennent les réseaux informatiques, et Internet, le réseau de réseaux.
L’analyse des historiques de navigation des internautes permet de trier les éléments potentiellement déviants de façon très rapide et efficace. Techniquement, il n’est pas même nécessaire de "rentrer" dans votre ordinateur pour avoir ces données, puisqu’elles transitent forcément par votre FAI. Il n’y a donc qu’à les "demander" au FAI, ou, à la limite, au moteur de recherche (Yahoo ! semble particulièrement conciliant sur ce point). C’est la raison d’être de lois comme le Patriot Act aux États-Unis et DAVDSI, LOPPSI ou HADOPI en France. [15]
Mais il existe des tas de moyens de s’en passer, par exemple, la contrainte pure et simple vis à vis du FAI ou l’introduction de programmes-mouchards dans les ordinateurs des usagers. Toujours est-il qu’à partir du moment où on peut effectuer un tri préalable que l’internaute fait de lui-même, sans se rendre compte de rien, la tâche est dans une très grande mesure facilitée pour les surveillants. Il suffit alors de désigner certains sites comme étant "sensibles", pour restreindre automatiquement le champ de la recherche à ceux qui les visitent ; la plupart des webmestres le font d’eux-mêmes, grâce aux métadonnées et à divers outils de tagging, dans le souci d’attirer les visiteurs.
L’adoption aux États-Unis du Patriot Act, peu après les attentats du 11 septembre, a provoqué un tollé, mais le fait est que cette loi est toujours en vigueur, et que rien de déterminant n’a été entrepris pour le faire abolir. Qui, d’ailleurs, en aurait le pouvoir ? Vous ? Censée expirer en 2011, celle-ci a été prorogée par le président Obama jusqu’en 2015.
Ces attentats étant décidément un prétexte bien commode, on en a profité pour également lancer un projet baptisé Total Awareness Information System, qui n’est rien d’autre qu’une vaste entreprise de cyber-espionnage à l’échelle de la planète entière. Celui-ci a été officiellement abandonné en 2003, mais en réalité, l’officine chargée de son développement, le Office of Information Awareness a simplement changé de statut ; elle est maintenant une entreprise privée et "proche" du Pentagone. [16], [17], [18]
Les dispositions permises par le Patriot Act et le programme Total Information Awareness constituent de fait la suspension pure et simple du quatrième amendement de la constitution des États-Unis. Le but, officiellement, serait la prévention d’ "actes de terrorisme" , mais officieusement, cela ressemble fort aux premières dispositions législatives qu’il conviendrait de prendre si l’on voulait mettre en place une dictature. [19] Notez qu’en France, un projet similaire au TIA existe aussi ; il s’agit du fichier "Edvige" . [20]
L’espionnage de tout un chacun par Internet ne se fait pas seulement dans les bases de données, les historiques de navigation, l’analyse comportementale et les données personnelles recueillies par des agences de renseignement étatiques. Tout le monde peut peut constater la prolifération, ces derniers temps, dans nos rues et sur nos lieux de travail, de caméras de vidéo-surveillance, censées nous protéger des délits, du crime et du terrorisme. Du moins, officiellement. Il existe aujourd’hui des logiciels qui permettent l’identification biométrique visuelle des individus. Ainsi, grâce à quelques caméras "intelligentes" placées par-ci, par-là, dans toute la ville, il est possible de repérer tout éventuel suspect, même dans une foule, à condition d’avoir une photographie adéquate.
Quand vous êtes allé faire renouveler votre passeport ou votre carte d’identité, on a pris de vous sur place une photographie "biométrique", qui est justement le type de photographie qui rend possible votre identification visuelle par ces caméras qu’on installe partout. [21] Nos mairies sont devenues les antichambres du stalag.
D’ailleurs, savez-vous qu’à condition d’être majeur et citoyen de l’Union Européenne, vous pouvez, grâce à Internet, prendre le contrôle d’une telle caméra et surveiller vos concitoyens, dans le but de combattre le crime ? Le rêve de tous les apprentis délateurs est devenu réalité, grâce à l’entreprise Internet Eyes. Les crétins qui font cela, et il s’en trouve bien plus qu’on ne le penserait, sont si motivés qu’ils sont même prêts à payer pour le faire. On ne plaisante pas avec la sécurité ! Les réactions, pleines d’ingénuité, de certains médias décrivant cette effroyable réalité sont édifiantes... [22]
"Il y a énormément de caméras de surveillance au Royaume-Uni mais personne ne regarde réellement les images. Alors je me suis dit : pourquoi les internautes ne pourraient-ils pas surveiller ces caméras, à distance ? Et c’est un succès. En un mois, nous comptons déjà plus de 2000 utilisateurs." Tony Morgan, fondateur d’Internet Eyes
"Il était terriblement dangereux de laisser les pensées s’égarer quand on était dans un lieu public ou dans le champ d’un télécran. La moindre des choses pouvait vous trahir. Un tic nerveux, un inconscient regard d’anxiété, l’habitude de marmonner pour soi-même, tout ce qui pouvait suggérer que l’on était anormal, que l’on avait quelque chose à cacher. En tout cas, porter sur son visage une expression non appropriée (paraître incrédule quand une victoire était annoncée, par exemple) était en soi une offense punissable. Il y avait même en novlangue un mot pour désigner cette offense. On l’appelait facecrime." George Orwell, 1984
Internet a des yeux, mais il a aussi des oreilles. [23] Le système ECHELON, qui commence à dater, est toujours bien vivant et se porte mieux que jamais. Issu de la coopération anglo-américaine dans le domaine du renseignement militaire (accord UKUSA) et employé à l’origine contre l’Allemagne nazie, ce puissant système d’écoute et d’interception est bien vite réorienté contre l’ennemi soviétique.
Cependant, tout comme l’OTAN et bien d’autres structures occidentales, il ne disparaît pas à l’issue de l’éclatement de l’URSS. Techniquement, aujourd’hui c’est un ensemble tentaculaire de systèmes hautement sophistiqués d’écoute et d’interception de messages de toute origine, qui cible toutes sortes de dispositifs de communications, et pas seulement d’origine étatique : câbles sous-marins, satellites, réseaux informatiques privés, réseaux hertziens et, bien évidemment, Internet. La vaste majorité des messages transitant par ces canaux ne sont aucunement sécurisés, et la seule réelle difficulté est d’en faire le tri.
Cependant, l’automatisation du traitement de l’information permise par les technologies informatiques actuelles permet d’éliminer cet obstacle, en tout cas dans une mesure suffisante pour justifier l’entretien de ce monstrueux système d’écoute planétaire. Pour ce qu’on en sait, il serait dirigé par la NSA, mais serait également accessible aux autres États anglo-saxons du pacte UKUSA (Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) ; il serait employé notamment à des fins d’ "intelligence économique" , c’est à dire, d’espionnage industriel, mais également de surveillance de citoyens ordinaires jugés dissidents. [24], [25] Jamais (trop) en retard sur ses idoles anglo-saxonnes, la France est en train de développer sa version de ce système, que nos barbouzes ont appelé HERISSON. [26]
Enfin il est techniquement très facile d’établir un lien entre votre état-civil, votre carte de crédit, et les paiements que vous effectuez avec. C’est basique, il n’est nécessaire pour cela que de quelques informaticiens et d’un ordinateur pour effectuer le recoupement entre les différentes bases de données. Il est tout aussi simple de vous localiser à tout moment grâce à votre téléphone mobile, qui, même éteint, continue de faire bravement son travail de mouchard (la seule solution pour le désactiver pour de bon serait d’en ôter la batterie). [27] Et tout cela instantanément, depuis n’importe quel point d’accès, grâce à quelques logiciels et Internet. C’est même accessible à tout un chacun de nos jours, essayez donc : Google Latitude.
"Bienvenue dans le monde réel." Morpheus, dans le célèbre film Matrix
Internet : la Grande Machine à décerveler 2.0
Les esprits chagrins attribuent généralement ce rôle à la télévision. En ce qui concerne Internet, l’opinion voudrait plutôt qu’il soit l’exact inverse, parce qu’il force à lire, à interagir avec lui, à rechercher l’information, qu’il nous met en contact les uns avec les autres, ce serait bien plus qu’un outil, ce serait une révolution. Et caetera. Mais en fait... non.
Tout comme la télévision, Internet nous abrutit. La différence, c’est que les mécanismes mis en œuvre sont différents. À ce stade, une petite mise au point taxinomique s’impose. Le terme Internet, désigne en réalité deux choses différentes, qu’il devient de plus en plus important de bien distinguer entre elles. Au sens technique, matériel, propre du mot il s’agit de la mise en réseau d’une multitude de réseaux différents à travers le monde. Ce super-réseau, en soi, ne constitue qu’une plate-forme, complètement neutre, où on peut mettre tout ce qu’on voudra. Actuellement, elle sert surtout de base à l’Internet, au sens immatériel du terme, en tant que concept logique et virtuel ; en réalité, cette chose que nous appelons abusivement "Internet" s’appelle le World Wide Web, ou encore, le Web, la Toile. [28]
Il serait plus exact de dire simplement "le Net" , plutôt que "Internet" , quand on fait référence à cet objet (on pourrait tout aussi bien dire "la Matrice", comme l’a nommé William Gibson dans Neuromancien). Internet n’est qu’un réseau de réseaux interconnectés ; il est une plate-forme matérielle. Ce dont on parle ici, c’est donc bien "le Net" au sens virtuel.
Quand on dit que Internet est bon pour la science, on reste plus ou moins dans le vrai, tant qu’on entend bien ce que ce terme veut dire réellement, à savoir, l’interconnexion des réseaux, qui rend possible l’échange rapide d’informations (au besoin, crypté) entre scientifiques, laboratoires, sites d’observation et centres de recherche du monde entier.
Par contre, il serait hautement douteux que Youtube ou Facebook, avatars typiques du Net parmi une pléthore d’autres, apportent un quelconque bénéfice à la recherche scientifique en tant que tels, sauf peut-être comme objets d’étude en vue de quantifier leur potentiel d’abrutissement sur leurs usagers. En réalité, ce qui est "bon" pour la science n’est pas le Net, ni d’ailleurs Internet, mais simplement l’informatique et la technologie du réseau. N’importe quel réseau, pourvu qu’il fonctionne.
Le mécanisme le plus évident mis en œuvre par le Web pour abrutir les masses est le fait de mettre à leur disposition une quantité de divertissement colossale, en renouvellement constant, alimentée en permanence par toute l’industrie de l’entertainment, mais également par les usagers eux-mêmes, sous l’œil bienveillant du "gouvernement invisible". [29]
Pendant qu’on regarde sur le net des types bourrés, des blagues imbéciles, les résultats sportifs ou des bonnes femmes à poil, on ne lit pas, on ne veille pas à ses intérêts politiques ou économiques, on ne voit pas d’amis, bref, on ne fait rien d’utile à aucun point de vue. Le Net tue le temps... NOTRE temps. Certains objecteront que le Net favoriserait l’accès à la "culture" et au "savoir" ... Si c’est de "culture" Hollywood et Walt Disney qu’on parle, il n’y a aucune doute : avec le Net, l’accès est largement facilité, ce qui est bien le problème. Pour ce qui est du savoir, se référer au paragraphe ci-dessus.
Aussi regrettable que cela puisse être, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le plus pernicieux dans le Net se trouve être le medium lui-même : la façon dont il s’organise, se présente et la manière dont il fonctionne exercent une influence considérable sur son utilisateur. On sait à présent que le cerveau est un organe extraordinairement plastique et malléable, capable de se reprogrammer lui-même à volonté. Par ailleurs, on a constaté que l’utilisation d’un medium exerce une influence sur la façon dont opère le cerveau, et finit même par par avoir un impact considérable si on utilise le medium très fréquemment.
La lecture linéaire de textes longs et complexes, en nous poussant à perfectionner la capacité de maintenir une concentration et une attention soutenues durant de très longues périodes, a profondément influencé notre mode de pensée même. Il est donc évident que l’utilisation fréquente du Net pousse également notre cerveau à adopter certains comportements, à se reprogrammer en conséquence. Avec son organisation anarchique et invasive, sa propension à nous gaver d’informations fragmentées que nous ne faisons que survoler, sans cesse distraits et sollicités de tous les côtés à la fois, il est hautement douteux qu’Internet puisse susciter une évolution un tant soit peu bénéfique. Le constat qu’établit le journaliste Nicholas Carr est à ce sujet sans appel. [30]
"Internet constitue un excellent moyen d’abrutissement de la population, d’où son introduction à l’école et en IUFM, dont le plus éminent professeur est le professeur Baranko, un grand scientifique qui a récemment publié une thèse sur la résistance des crânes de lapin aux coups de gourdins. La plupart des lapins crétins, ayant finalement réussi à sortir de leur jeu vidéo aussi abrutissant que cette merveille qu’est internet, ont déjà acheté son livre (qui coûte la très coquette somme de quarante carottes et demi). Comme tout est sur Internet, pourquoi voudriez-vous que je l’apprenne ? Il est remarquable que les partisans d’internet ne savent pas ttapper korrektment sur le klavier. Ils ne savent pa non plu ècrir, c’ê fromidable ! Grâce à wikipedia, on sait tout : aussi bien le vrai que le faux. Il y a même un article pour les différencier, mais est-il vrai ou faux ? Les avis sont partagés." la DÉsencylopédie - Internet : http://desencyclopedie.wikia.com/wi...
L’acte d’absorber et d’exploiter de l’information est un processus biologique, qui ne peut pas se plier sans dommages à un schéma de fonctionnement mécanique. L’information n’est pas injectée instantanément dans notre cerveau ; au contraire, sa réception se déroule sur une certaine durée, ce qui permet au cerveau de l’assimiler et de la traiter dans les meilleures conditions.
Puis, il faut également une certaine durée pour qu’elle se dépose, s’organise et entre en interaction avec d’autres informations et données. Enfin, une fois les nouvelles données absorbées, assimilées, organisées et mises en rapport avec les données obtenues auparavant, elles s’intègrent dans le processus de la pensée. Pour employer une métaphore, on pourrait dire que c’est une sorte de fermentation, qui génère des combinaisons, des approches et des idées nouvelles.
C’est une chimie de synthèse délicate et créatrice, qui ne peut se faire efficacement que dans le temps, la sérénité et le calme. Autant de conditions qui paraissent incompatibles avec la navigation sur le Net, qui nous pousse au contraire à consommer d’énormes quantités d’informations superficielles, nous distrait sans cesse et rétrécit littéralement l’échelle du temps.
"Penser nécessite du temps, le temps de lire, d’intérioriser pour penser à nouveau. Lire, c’est bien souvent adopter une prise en main lente et méditative. La technologie de l’hypertexte n’encourage pas une lecture approfondie. Le fera-t-elle dans un proche avenir avec par exemple les promesses du livre numérique ?" Patrick J. Brunet, Internet et la culture de la rupture, 2002
Car le paradoxe étonnant du Net, et peut-être aussi le mécanisme le plus pervers, c’est qu’au fur et à mesure que la puissance de calcul des ordinateurs ainsi que le débit des réseaux s’accroissent, nous y passons de plus en plus de temps, alors qu’en toute logique, c’est l’inverse qui devrait se produire.
Implacablement, nous avons du coup moins de temps pour faire autre chose, par exemple, recevoir de l’information venant d’autres sources, ou même l’exploiter et la synthétiser correctement. Le "formatage" subi par notre cerveau ne s’en renforce que davantage. Le Net, pourtant régi par l’immédiateté, est paradoxalement une activité extrêmement dispendieuse en temps. La quantité d’informations et de données dont il nous abreuve est telle qu’il faut, bien souvent, plus de temps pour en faire le tri que pour les exploiter, pour, au final ne pas y trouver grand-chose d’utile.
L’exemple typique est celui des comptes de courrier électronique, où on passe plus de temps à éliminer le spam qu’à lire les messages - même quand ceux-ci ne sont pas techniquement du spam, il ne nous concernent pas forcément directement, ni ne sont nécessairement pertinents. Facebook, dont l’apparence extérieure est pourtant assez sobre, rame comme une limace dès qu’on y fait la moindre opération ou modification.
C’est aussi le cas de nombreux blogs ou sites web basés sur des systèmes de gestion de contenu de plus en plus sophistiqués, mais dont les innombrables fonctionnalités ne sont pas toutes nécessairement utiles, ni toujours aisément compréhensibles au néophyte. Il n’est pas rare non plus, quand on cherche à faire une opération informatique quelque peu complexe ou simplement inhabituelle, de devoir y passer beaucoup plus de temps qu’on ne l’aurait supposé au départ.
La même chose est valable pour ceux qui travaillent dans le domaine de l’informatique : l’évolution des techniques, des logiciels, des langages, des plate-formes de développement et des innombrables mises à jour est si rapide, qu’elle leur impose de se tenir soi-même à jour. Quel programmeur "passionné" ou simplement consciencieux n’a jamais passé des heures, chez soi, en dehors de son travail, à étudier un nouvel outil de développement ?
Dans ces conditions, ce que nous apporte objectivement le Net vaut-il bien le prix exorbitant qu’il nous impose de payer ?
Le stratagème des chaînes
"La guerre repose sur le mensonge." Sun Tzu, L’Art de la guerre
Le stratagème des chaînes, cité au tout début de cet article, est le trente-cinquième et avant-dernier stratagème du Livre des Trente-Six stratagèmes, traité antique et secret de stratégie chinois. Il consiste à amener l’adversaire à s’entraver lui-même, tant et si bien qu’il perd toute capacité d’action et de résistance. [31]
Récemment, on a entendu François Asselineau évoquer cette hypothèse au cours de ses conférences pour décrire la triste réalité de l’Union Européenne. [32] Force est de constater que cette métonymie est fort bien trouvée : les 27 souverainetés étatiques constituant l’UE, ayant des intérêts souvent opposés, forcées de s’entendre et de négocier perpétuellement sur le moindre sujet, du plus important au plus futile, ne peuvent parvenir, chacune et prises ensemble, qu’à une paralysie politique, économique et stratégique totale.
Bien que ces derniers temps on a tendance à voir dans l’UE une nouvelle URSS, son cas était fondamentalement différent : la Russie dominait complètement les autres républiques soviétiques du fait de son poids démographique, culturel, militaire, industriel et économique et de ce fait dirigeait le tout. L’Union Eurasienne voulue par Vladimir Poutine est d’ailleurs un projet viable et logique pour la même raison : loin d’entraver la puissance russe, cette nouvelle construction politique ne peut que l’amplifier.
L’Internet, au sens virtuel du terme, est également une application remarquable du "stratagème des chaînes" , mais cette fois du point de vue social. Le Net, pourtant censé nous faire gagner du temps, en réalité nous en fait perdre énormément, atrophie nos capacités intellectuelles alors qu’il est censé au contraire les stimuler, nous transforme en larves en nous tenant scotchés devant nos écrans, nous fait acheter des objets dont nous n’avons pas besoin, nous sature de publicité, pousse à la communautarisation et la discorde plutôt qu’au rassemblement et à l’union, nous espionne et encourage démesurément la tendance à la relativisation et à la médiocrité.
Sur le Net, toutes les opinions ont droit de cité ; leur légitimité se base sur le seul nombre de ceux qui y adhèrent, ce qui ne constitue en aucun cas un critère de vérité. Le lieu commun, la banalité, le poncif et la généralisation abusive, soutenus par des légions de partisans éparpillés sur la planète entière valent vérité, en vertu des principes "démocratiques" universellement admis (bien que tout aussi universellement mal compris) et de la liberté d’expression : la majorité a toujours raison. Quand bien même celle-ci serait inculte, ignorante, manipulée et rendue incapable de penser par tous les artifices de la propagande moderne. [29]
N’y allons pas par quatre chemins : pour l’immense majorité des individus ordinaires qui auraient pour un temps rangé leur uniforme de consommateur, Internet ne sert à peu près à rien. Si il est censé faire gagner du temps pour toute recherche triviale d’information, cela n’est vrai qu’à condition de correspondre un certain nombre de critères :
- savoir exactement ce qu’on cherche et pourquoi
- disposer de connaissances suffisantes en informatique, y compris en maintenance de base, et les tenir à peu près à jour
- disposer d’un ordinateur ET d’une connexion Internet, ainsi que d’une source d’énergie électrique
- ne pas se laisser distraire par les innombrables sollicitations du web (publicités, mises à jour logicielles, e-mails, etc.)
- enfin, il faut qu’il soit certain qu’aucune autre solution n’est plus efficace en termes de capital, d’énergie ou de temps
Tout cela représente tout de même un investissement assez lourd, et, à l’échelle de l’humanité, complètement injustifié dans la grande majorité des cas. En fait, ce n’est à peu près justifié que pour les gens vivant selon les "standards de vie occidentaux", ce qui est extrêmement loin de correspondre à la majorité des individus sur Terre. Et même si on vit comme un Occidental, quand on a besoin d’un plombier, ou de l’adresse de sa mairie, un bon vieux bottin et un téléphone représentent dans 99% des cas la solution la plus rapide, la moins chère, et de loin la plus efficace à tous points de vue.
Nous venons ainsi d’identifier les pigeons de cette gigantesque arnaque que représente Internet : nous-mêmes. La question qu’on peut à présent se poser au vu de tout ce qui précède serait de savoir à qui Internet peut-il bien être utile, vu son coût et les nombreuses tares dont il est affligé, si graves pour certaines qu’elles auraient dû être rédhibitoires ?
Évidemment, à ceux qui nous vendent ses innombrables composants physiques, à savoir des compagnies géantes comme Intel, AMD, Cisco, Dell, Apple, and co, toutes états-uniennes ou presque. D’autre part, à tous ceux qui fournissent sa partie logicielle, c’est à dire, Microsoft, Google, Amazon, Facebook et tant d’autres, quasiment tous états-uniens aussi, ou en tout cas, occidentaux.
À ce stade, il serait utile de rappeler que ceux qui ont développé Internet il y a une quarantaine d’années, à savoir, la DARPA, sont les mêmes qui s’évertuent aujourd’hui à le transformer en dispositif d’espionnage mondial et produisent ces mêmes logiciels qui rendent possible l’identification visuelle par caméra "intelligente" et organisent des coups d’État, comme ceux qu’on a ingénument regroupés sous l’appellation abusive et imbécile de "printemps arabes" ; les mauvaises langues les ont par contre surnommés "révolutions Facebook", ce qui est déjà plus proche de la vérité. La vérité, c’est que Internet, mais aussi le Web, sont de fait sous le contrôle exclusif et direct du grand capital et du gouvernement des États-Unis. Les sites les plus fréquentés du monde sont Google, Microsoft - MSN, et Facebook ; l’organisation et l’architecture d’Internet est telle qu’elle est de facto gérée par l’ICANN, une association de droit californien, c’est à dire, sous le pouvoir direct des organes coercitifs du gouvernement des États-Unis. [33]
Certains pays puissants ne tolèrent pas, d’ailleurs, cet état de fait et prennent des mesures pour y remédier ; ainsi, la Russie développe petit à petit mais avec détermination son propre Net, qu’on nomme d’ailleurs le RuNet. Les Russes possèdent leur propre Google (Yandex.ru), leur propre Facebook (vKontakte.ru), leur propre Youtube (Rutube.ru), leur propre système de mail (Mail.ru), leur propre Amazon (Ozon.ru) et ont même obtenu récemment que les services DNS prennent en charge les noms de domaine du web en caractères cyrilliques.. Cette stratégie, fort simple, mais néanmoins efficace consiste à procéder par substitution en remplaçant un réseau virtuel sous contrôle américain par un réseau virtuel sous contrôle russe. [34], [35].
À long terme, cela devrait déboucher en toute logique sur la mise en place d’un service DNS russe capable de fonctionner indépendamment de l’ICANN, voire d’Internet. La Chine non plus ne reste pas les bras croisés et agit selon le principe qui veut qu’Internet en Chine doit rester sous le contrôle national. [36]
Dans la doctrine traditionaliste, toute réalité matérielle est avant tout la manifestation d’un principe spirituel supérieur : la matière est l’expression manifestée de l’esprit. Or, tel qu’il apparaît sous sa forme actuelle, Internet est l’incarnation monstrueuse d’une démarche inversée consistant à partir de la matière pour arriver à une sorte de réalité immatérielle qu’on appelle le "virtuel", mais qui n’a rien de spirituel ou de métaphysique ; au contraire, le virtuel reste inextricablement lié et soumis à la matière dont il est issu. Il n’en est que l’extension, une inflation de matière supplémentaire. Débranchez votre ordinateur, et toute ses productions virtuelles, toutes ces couleurs, ces sons, ces images s’évanouissent, comme si elles n’avaient jamais existé. En son état actuel, le virtuel est en réalité créé, imaginé, animé et exploité par l’homme ; l’ordinateur n’est qu’un intermédiaire, une interface. Ce qui nous amène finalement au double mensonge de cet objet "virtuel" qu’est Internet : prétendant créer de l’esprit à partir de la matière, ou du moins, de l’ "intelligence" , il échoue évidemment et ne parvient qu’à créer de la matière dématérialisée, et uniquement grâce à l’implication de l’homme, omniprésent à tous les étages et toutes les étapes du fonctionnement d’Internet, de sa conception à sa réalisation, jusqu’à sa consommation finale.
"Sergey Brin et Larry Page, les brillants jeunes gens qui ont fondé Google pendant leur doctorat en informatique à Stanford, parlent fréquemment de leur désir de transformer leur moteur de recherche en une intelligence artificielle, une machine comme HAL, qui pourrait être connectée directement à nos cerveaux. « Le moteur de recherche ultime est quelque chose d’aussi intelligent que les êtres humains, voire davantage », a déclaré Page lors d’une conférence il y a quelques années. [...] L’année dernière, Page a dit lors d’une convention de scientifiques que Google "essayait vraiment de construire une intelligence artificielle et de le faire à grande échelle" ." Nicolas Carr, Est-ce que Google nous rend idiots ? [30]
"Vouloir conquérir le monde et le manipuler, c’est courir à l’échec, je l’ai vécu d’expérience. Le monde est chose spirituelle, qu’on n’a pas le droit de manipuler. Qui le manipule le fait périr, à qui veut s’en saisir il échappe." Lao Tseu, Tao Te King
Le rêve dément des fondateurs de Google n’est rien moins que la genèse d’une "intelligence artificielle" , ce qui, pour les raisons ci-dessus, n’est pas à la portée de l’homme. Le seul qui en aurait le pouvoir serait le même qui a créé l’homme et qui est ce Principe spirituel supérieur, qu’on appelle Dieu dans la chrétienté ou encore le Créateur.
Ceux qui croient aux mirages technologiques et agissent en conséquence s’exposent à toutes les manipulations orchestrées par les "dominants" d’aujourd’hui, qui sont d’ailleurs les mêmes que ceux d’hier : le Grand Capital et l’État, tellement liés et semblables qu’on n’arrive pas toujours à bien les distinguer l’un de l’autre.
Ceux qui pensent encore que la lutte des classes et l’analyse marxiste ne sont plus d’actualité, feraient bien de (re)lire au plus vite le Manifeste du Parti Communiste. La ressemblance entre le monde que décrivent Marx et Engels dans cette œuvre prophétique et notre monde actuel est si frappante qu’il faudrait être un imbécile de l’espèce la plus opiniâtre pour s’acharner à ne pas comprendre que riches et pauvres n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts, ne sont pas égaux devant les lois, n’ont pas les mêmes chances de promotion sociale, ni les mêmes loyautés (pour ne pas dire allégeances).
Le Net, en tant que matière dématérialisée et en tant que réseau informatique n’est rien qu’un outil, une chose inanimée, pas plus "intelligente" qu’un balai ou une valise, réalisée par l’homme pour servir l’homme, et non l’inverse. Il doit donc être traité et considéré en conséquence : aussi longtemps qu’il nous est effectivement utile, on peut envisager de s’en servir. Dès qu’il devient intrusif au point d’exercer une influence sur nos habitudes, nos comportements, nos décisions, ou pire encore, notre organisme, il doit être écarté sans la moindre hésitation.
Rappelons d’ailleurs que le mot "net" , en langue anglaise, signifie filet, nasse. Les mots sont éloquents, bien souvent au-delà de ce qu’on pourrait croire à première vue. En l’état actuel des choses, le Net n’est que la matérialisation virtuelle d’une immense nasse qui, enserrant l’immense masse des exploités et des dominés du monde entier, les empêche de se révolter en les maintenant dans un état d’aliénation semblable à une sorte d’hypnose. Prisonniers de cette nasse, nous ne songeons pas à nous débattre, ni même en avons le moindre désir, puisque nous l’ignorons et sommes au contraire persuadés d’être parfaitement libres de nos actes. Internet n’est-il pas censé être un espace de liberté, d’échange, de discussion, et caetera ?
"Toute drogue vendue sur Internet, qui est déjà une forme de drogue en soi, est un moyen très efficace de vendre des drogues. Le plus triste avec le Net est que ce rêve anarchique a été si rapidement transformé en l’outil de marketing le plus brutal, cynique et intrusif jamais vu. Je parie que la prochaine révolution culturelle viendra des enfants d’aujourd’hui. Ils verront le net comme l’imposture moche qu’il est, et elles le rejetteront." Jean-Michel Jarre, dans une interview au magazine anglais Uncut, cité par Slate.fr, 31 août 2010 [37]
Notes :
[1] Guignols de l’info : Le bug de l’an 2000 : http://vimeo.com/4810412
[2] Farhad Manjoo, Vive le bug de l’an 2000, Slate, 16/11/2009 (http://www.slate.fr/story/13093/viv...)
[3] Bruno Moriset, Réseaux de télécommunications et aménagement des territoires. Vers une « fracture numérique territoriale 2.0″ ? , Cybergeo : European Journal of geography, 16 février 2010 (http://cybergeo.revues.org/22930)
[4] Sites web divers : http://www.afrik.com/article4496.html ; http://www.balancingact-africa.com/... ; http://www.balancingact-africa.com/... ; http://gaboneco.com/show_article.ph... ; http://www.lesafriques.com/medias-r...
[5] France Info, La France en chiffres : Internet, 25 octobre 2011 (http://www.franceinfo.fr/france-pre...)
[6] CSA : Les chiffres-clés de l’audiovisuel français, édition 2nd semestre 2011 (http://www.csa.fr/Etudes-et-publica...)
[7] CSA : Les chiffres-clés de la télévision gratuite 2010 – Diffusion (http://www.csa.fr/Etudes-et-publica...)
[8] Arobase.org : L’e-mail en chiffres. Une idée de l’ampleur du phénomène (http://www.arobase.org/culture/chif...)
[9] Skype : http://blogs.skype.com/en/2011/09/a... ; http://about.skype.com/
[10] Observatoire Terrafemina – Orange : baromètre octobre 2011 réalisé par le CSA (http://www.terrafemina.com/images/d...)
[11] Harris Interactive : classement NetObserver des sites préférés des internautes français, printemps 2011 (http://www.harrisinteractive.fr/pre...) ; Alexa.com : données brutes par pays : http://www.alexa.com/topsites/count...
[12] TNS-Sofres : baromètre de confiance dans les médias, 8 février 2011 (http://www.tns-sofres.com/points-de...) ; Nouvelobs.com : Les Français font moins confiance aux médias (http://tempsreel.nouvelobs.com/medi...)
[13] Dictionnaire latin-français Gaffiot (1934) numérisé : http://www.lexilogos.com/latin/gaff...
[14] Jean Baudrillard, Le système des objets, 1968
[15] Réseau Voltaire : La LOPPSI2, un Patriot Act français : (http://www.voltairenet.org/La-LOPPS...)
[16] Libération.fr : L’Amérique couve un Big Brother, 15 novembre 2002 (http://www.liberation.fr/monde/0101...)
[17] Wired : Feds open ‘Total’ Tech Spy System, 8 juillet 2002 (http://www.wired.com/politics/law/n...)
[18] Réseau Voltaire : L’oeil du pentagone, 18 novembre 2002 (http://www.voltairenet.org/article8...)
[19] Réseau Voltaire : Le projet de loi US sur le terrorisme intérieur, 18 août 2010 (http://www.voltairenet.org/Le-proje...)
[20] Souriez, vous êtes filmés : « EDVIGE » : un fichier totalement hors la loi, 4 juillet 2008 (http://souriez.info/EDVIGE-un-fichi...)
[21] Souriez, vous êtes filmés : Biométrie : le règne du VIS, 9 mars 2008 (http://souriez.info/Biometrie-le-re...)
[22] PC-Inpact : Internet Eyes au Royaume-Uni : 1984 en 2009 ? (http://www.pcinpact.com/news/53439-...) ; 01Net.com : Les internautes payés pour dénoncer les infractions (http://www.01net.com/editorial/5071...) ; Le petit journal : SURVEILLANCE : Internet Eyes is watching you ! (http://www.lepetitjournal.com/socie...) ; LeFigaro.fr : Démasquez les délinquants derrière votre ordinateur (http://www.lefigaro.fr/internationa...) ; LeMonde.fr : Le voyeurisme récompensé en Grande-Bretagne (http://www.lemonde.fr/international...)
[23] 20minutes.fr : Wikileaks dévoile un système d’écoutes mondial, 1er décembre 2011 (http://dailynuts-news.over-blog.com...)
[24] Le Monde diplomatique : Le système Echelon, juillet 1999 (http://www.monde-diplomatique.fr/ma...)
[25] USA Today : NSA has a massive database of Americans’ phone calls, 5 novembre 2006 (http://www.usatoday.com/news/washin...)
[26] PC Inpact : Système Hérisson : La France se pique au réseau Echelon, 24 mars 2009, (http://www.pcinpact.com/news/49822-...)
[27] Le Point.fr : Des téléphones mobiles bien vulnérables, 13 janvier 2011 (http://www.lepoint.fr/high-tech-int...)
[28] Les-Infostrateges.com : Le World Wide Web, 2004 (http://www.les-infostrateges.com/ar...)
[29] À ce sujet, on lira opportunément Propaganda, de Edward Bernays, paru en 1928. Ce livre, aujourd’hui, n’a pas pris une ride.
[30] Nicholas Carr, Est-ce que Google nous rend idiots ?, juin 2008 sur Framablog (http://www.framablog.org/index.php/...)
[31] Blog Underlying.info : Stratagème n. 35 : le stratagème des chaînes (http://underlyinginfo.blogspot.com/...)
[32] Site web de l’Union Populaire Républicaine : La Commission européenne ou le stratagème des chaînes au quotidien, 13 septembre 2011 (http://www.u-p-r.fr/actualite-faceb...)
[33] Site web d’Olivier Ricou : http://www.ricou.eu.org/commerce-e/... ; http://www.ricou.eu.org/commerce-e/...
[34] The Telegraph : Why the Russian internet doesn’t need the West, 13 janvier 2011 (http://www.telegraph.co.uk/technolo...)
[35] Julien Nocetti, « e-Kremlin » : pouvoir et Internet en Russie, avril 2011 (http://www.ifri.org/downloads/ifrin...)
[36] Financial Times Asia-Pacific : China strenghtens control of internet, 27 septembre 2005 (http://www.ft.com/cms/s/2/eefee63e-...)
[37] Slate.fr : Jean-Michel Jarre prédit la mort d’Internet, 31 août 2010 (http://www.slate.fr/lien/26591/jean...)