En octobre dernier, j’avais écrit un papier qui s’interrogeait sur la possibilité d’un krach immobilier en 2013-2014. Depuis trois mois, de nouveaux éléments confirment le risque d’un ajustement sévère sur le marché français, qui reste encore protégé par le faible niveau des taux d’intérêts.
Le seuil d’alerte est franchi
Il ne faut pas oublier ici que le marché immobilier français avait connu un très fort ajustement à la baisse, de 1991 à 1998, perdant alors un tiers de sa valeur. Depuis, les prix se sont envolés, notamment à Paris, où le mètre carré est passé de 2 400 à 8 500 euros, une progression de 250% ! En outre, comme le rappelle The Economist, la France est un des pays où les prix de l’immobilier sont les plus surévalués, de 50% au regard du niveau des loyers et de 35% par rapport aux revenus.
Pire, et c’est un signe avant-coureur traditionnel de retournement de marché, « le nombre de transactions de logements anciens en France s’est élevé à 650 000 en 2012 » selon le président du réseau Century 21, cité par le Huffington Post, soit une baisse de 25% par rapport à 2011. En effet, en général, avant une baisse des prix, le nombre de transactions baisse, à la fois par une baisse de la demande et une restriction volontaire de l’offre, pour éviter de faire baisser les prix.
Mais en général, cela ne dure pas du fait des ventes dites « forcées », qui finissent par provoquer un déséquilibre entre l’offre et la demande. D’ailleurs, au global, les prix ont baissé de 1,6% en 2012. Encore pire, le gouvernement semble avoir pris conscience des problèmes posés par des prix de l’immobilier trop élevés, qui pénalisent la compétitivité de la France (en Allemagne, les loyers sont nettement plus faibles) et a indiqué son souhait d’une baisse des prix.
Le krach est-il certain ?
A partir du moment où l’équipe au pouvoir semble vouloir une baisse des prix, la messe semble dite. Après tout, le niveau des prix de l’immobilier s’explique en partie par l’action des politiques, qui ont multiplié les dispositifs fiscaux d’exonération d’impôts, qui ont fortement soutenu la demande de logements à des fins de placement, soutenant les prix alors qu’ils baissaient dans presque tous les pays. Le renversement de la politique gouvernementale devrait avoir un effet sur les prix.
Malgré tout, le krach n’est pas certain à court, ou même moyen terme. En effet, le marché immobilier reste soutenu par deux puissants facteurs. Tout d’abord, le taux moyen des emprunts immobilier vient d’atteindre un plus bas historique, à 3,23%. Selon le président du réseau Orpi, « une augmentation de 1% du taux d’intérêt entraîne une diminution de 7% du pouvoir d’achat des emprunteurs ». Ce qui signifie aussi que sa baisse soutient fortement le niveau des prix aujourd’hui.
En outre, le contexte économique actuel fait qu’il est peu probable que les taux remontent dans un avenir proche (si cela arrivait, en revanche, le krach serait quasi-certain). Mais surtout, l’abondance de liquidités, le fort niveau d’épargne des Français et le niveau dérisoire des rémunérations des placements monétaires ou même des bons du trésor à 10 ans, rend plus attractif les placements immobiliers, dont les loyers offrent encore un bien meilleur rendement, soutenant les prix.
Bref, même si les éléments favorables à un ajustement des prix semblent se réunir petit à petit (baisse des transactions, changement de direction de la politique gouvernemental), le très faible niveau des taux d’intérêt produit une distorsion des placements d’épargne qui peut repousser (ou ralentir) l’ajustement.