Le 15 août 2013 décédait Jacques Vergès. Avocat anticonformiste, ce brillant pénaliste n’a jamais hésité à faire entrer la politique dans le prétoire, le tout sous fond de provocation.
Né le 5 mars 1925 en Thaïlande d’un père français et d’une mère vietnamienne, Jacques Vergès passe son enfance à la Réunion. Admirateur du Général De Gaulle, il rejoint Londres en 1942, s’engage dans les Forces Françaises libres et participe aux combats. Dès 1945, il adhère au parti communiste français et y gravit les échelons, devenant membre du comité exécutif, puis secrétaire de l’Union internationale communiste des étudiants. Anticolonialiste convaincu, Jacques Vergès côtoie alors des militants Khmers rouges tels que Pol Pot. Refusant toutefois de davantage s’impliquer dans le parti, il retourne à la Réunion en 1954 et s’inscrit au barreau.
L’engagement anticolonialiste de Jacques Vergès s’intensifie en 1957 alors qu’il est chargé de défendre en Algérie Djamila Bouhired, jeune militante du FLN qu’il épousera par la suite. La défense virulente et politisée qu’il déploie alors lui vaut un an de suspension du barreau en 1961. Sa stratégie de défense, fondée sur la provocation, la remise en question de la légitimité des juges et le renversement des rôles accusé/accusateur restera sa marque de fabrique, sous l’appellation de « défense de rupture ».
Jacques Vergès disparaît complètement de la vie publique de 1970 à 1978 et refusera toujours de s’expliquer sur cette période de sa vie, et se contentera d’entretenir le mystère : « J’étais un peu partout. Parti vivre de grandes aventures qui se sont soldées en désastre. Nombre de mes amis sont morts, et, pour les survivants, un pacte de silence me lie à eux ».
Il défend par la suite des personnalités aussi controversées que Klaus Barbie, Carlos, Slobodan Milosevic ou des chefs d’État comme Abdoulaye Wade et Laurent Gbagbo. Jacques Vergès apporte d’ailleurs son soutien à ce dernier en 2010 lors de la polémique électorale qui l’oppose à Alassane Ouattara. Anticolonialiste conséquent jusqu’au bout de sa vie, Jacques Vergès n’hésitait pas à fustiger l’instrumentalisation de la pensée « droits de l’hommiste ». Ainsi en 2011, il s’engage contre l’intervention en Libye et s’exprime publiquement en compagnie de Roland Dumas pour critiquer l’influence injustifiée de Bernard Henri Lévy sur la politique étrangère française qui tend à déstabiliser les régimes politiques de l’Afghanistan à la Cote d’ivoire.
Converti à l’islam lors de son mariage avec Djamila Bouhired dont il s’est séparé par la suite, ses obsèques se feront finalement à l’église Saint-Thomas-d’Aquin à Paris. Homme de principe mais aux convictions complexes, Jacques Vergès parvient à réunir autour de son cercueil des personnalités aussi diverses que Louise-Yvonne Caseta, ex-trésorière occulte du RPR qu’il avait défendue, des anciens ministres, les avocats Karim Achoui et Thierry Levy ainsi que Dieudonné et Alain Soral.