Près de 70 ans après le départ des premiers convois de juifs français pour Auschwitz, un Mémorial de la Shoah sera inauguré vendredi par François Hollande sur les lieux de l’ancien camp d’internement de Drancy (Seine-Saint-Denis), d’où furent déportées près de 70.000 personnes.
Réalisé à l’initiative de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, ce mémorial, construit face à la Cité de la Muette, où avait été établi le camp d’internement, a été conçu comme "un lieu d’éducation" à destination "du grand public", selon son directeur, Jacques Fredj.
"Ce lieu va devenir complémentaire du mémorial de la Shoah à Paris. Il va permettre de mieux faire connaître l’histoire de la Cité et le rôle central joué par le camp de Drancy dans l’exclusion des Juifs de France pendant la Seconde guerre mondiale", estime M. Fredj.
L’inauguration par le président de la République, prévue vendredi à 10H30, sera suivie d’une inauguration publique en présence d’élus et de personnalités de la communauté juive de France, dont le président du Mémorial de la Shoah Éric de Rothschild. L’ouverture officielle aura lieu lundi prochain.
Conçu par l’architecte suisse Roger Diener, le bâtiment, équipé de larges baies vitrées, s’articule sur cinq niveaux : une salle de conférence au sous-sol, des espaces d’accueil au rez-de-chaussée, des salles pédagogiques pour recevoir les groupes et un centre de documentation.
Une exposition permanente à laquelle ont contribué la réalisatrice Delphine Gleize et le documentariste Patrick Rotman, installée au dernier étage, retrace l’histoire et le fonctionnement du camp, ainsi que la vie quotidienne des internés. "L’objectif, c’était d’avoir un bâtiment sobre et transparent, pleinement intégré dans la ville. On a voulu valoriser le contenu plutôt que le contenant", souligne Jacques Fredj.
"Une dette à l’égard des victimes"
Selon Philippe Allouche, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, "le mémorial a été entièrement financé par la Fondation, avec les fonds confisqués aux Juifs pendant la guerre". "C’était une dette à l’égard des victimes passées par le camp", souligne-t-il.
La Cité de la Muette, bâtie dans les années 1930 pour accueillir des logements sociaux, a été transformé en camp d’internement en 1941, avant de devenir le principal camp de regroupement des Juifs de France avant la déportation. Rendue à sa vocation première de logement social en 1948, la Cité a vu se construire peu à peu au fil des ans la mémoire du camp, avec la construction en 1976 d’un monument aux déportés, et l’installation en 1988 d’un wagon-témoin, au coeur de l’ancien camp.
"Avec ce mémorial, nous voulons aller plus loin", souligne M. Fredj, soulignant la nécessité d’entretenir le "travail de mémoire". "Enseigner l’histoire de la Shoah n’est pas un vaccin contre l’antisémitisme. Mais c’est une base pour lutter contre toutes les formes de racisme", assure-t-il.
Selon la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, environ 67.000 des 75.000 Juifs déportés de France sont passés par le camp Drancy entre l’été 1941 et l’été 1944, notamment après la grande rafle du Vel-d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942.
Lors d’une cérémonie de commémoration de la rafle, en juillet dernier, le président François Hollande a reconnu la responsabilité de la France dans ce drame. "La vérité, c’est que ce crime fut commis en France, par la France", a-t-il souligné.