Hama, la grande ville du nord de la Syrie (210 km au nord de Damas), traditionnel bastion des Frères musulmans locaux, continue d’être le théâtre de troubles fomentés par des groupes déterminés à harceler les forces de l’ordre.
La tension est, traditionnellement, plus vive en ce vendredi, jour de la prière, qui permet aux sympathisants des Frères musulmans de disposer d’une « masse de manoeuvre » pour leurs actions de harcèlement des policiers et militaires. Des blindés ont pris position aux accès de la ville, qui est quadrillée par les policiers.
Deux « civils » auraient été tués jeudi 7 juillet à l’une des portes de la ville. L’opposition parle de 25 habitants de Hama tués en trois jours par les forces de sécurité, bilan évidemment invérifiable mais qui n’a pas besoin d’être vérifié puisque fourni par les adversaires de Bachar al-Assad.
Depuis le début de la crise, en effet, les affirmations et estimations chiffrées avancées par les représentants de l’opposition – et encore, pas n’importe quelle opposition, celle qui est la plus radicale et intransigeante – sont parole d’évangile pour les médias français – les anglo-saxons se montrant paradoxalement un peu moins « alignés » – qui dans le même temps brocardent ou – le plus souvent – passent sous silence les informations fournis par l’agence syrienne Sana, notamment en ce qui concerne la mobilisation populaire pro-Assad ou la présence d’insurgés armés, notamment dans le nord-ouest du pays.
De l’huile américaine sur le feu islamiste
A Hama, le fait nouveau – et signifiant – est l’arrivée sur place de l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert Ford, qui compte assister aux manifestations anti-régime et prendre contact, de l’aveu même d’un haut responsable américain cité par Le Monde.fr, avec les chefs de l’opposition locale, autrement dit les Frères musulmans. Il est clair que Washington n’a pas renoncé, en dépit du reflux du mouvement de contestation et de la reprise de contrôle de la zone frontalière avec la Turquie par l’armée syrienne, à obtenir la déstabilisation du régime baasiste. Avec l’homme de Barak Obama symboliquement à leurs côtés, les militants radicaux de Hama et d’ailleurs ne peuvent que se sentir encouragés et c’est avec quelque raison que le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé cette présence de l’ambassadeur Ford comme propre à « faire monter la tension« . Rien, hélas, que de très classique dans la pratique américaine, qui a toujours su verser de l’huile diplomatique sur le feu des tensions religieuses, notamment en Irak, en Afghanistan, en Libye et au Soudan.
Militants « pro-démocratie » ou « pro-guerre civile » ?
Il est à noter que des journaux comme Le Monde emploient, depuis plus de trois mois, systématiquement l’expression de « militants pro-démocratie » pour désigner tout opposant, même violent, même intégriste, au régime en place. Cette langue de bois, ou « novlangue » pour reprendre la terminologie de George Orwell dans son célèbre roman d’anticipation 1984, continue, malgré les preuves d’implication de groupes islamistes armés dans le mouvement de contestation – implication reconnue par plusieurs journalistes de la presse anglo-saxonne – de tenir lieu de ligne éditoriale à « nos » médias, du Monde au Nouvel Obs, de TF1 à I-Télé, du Figaro à Libération.
On sait que le gouvernement syrien a mis en place un « organisme pour le dialogue national« , qui est une main tendue à l’opposition réformiste dont 150 représentants se sont réunis, pour la première fois, à Damas fin juin. Les rencontres entre représentants du pouvoir d’une part, délégués de comités de base locaux et figures de l’opposition intellectuelle et politique réformiste d’autre part, doivent débuter le 10 juillet et pourraient déboucher, via des modifications de la constitution, sur une vraie libéralisation du régime.
Mais les opposants radicaux mis en avant par la grande presse occidentale ont déjà répondu à cette initiative, pourtant intéressante car sans précédent, par une fin de non-recevoir : la page Facebook du groupe La Révolution syrienne 2011, devenue une des sources principales de l’ »information » diffusée en Occident sur la situation en Syrie, affichait clairement, vendredi 8 juillet, la couleur : « Non au dialogue !« , proclamant, dans ce style néo-bolchévique qui plait tant aux éditorialistes socio-libéraux d’Occident (dès qu’il s’agit du monde arabe) : « Le peuple veut la chute du régime« . Disons plutôt que les extrémistes veulent avant tout une guerre civile en Syrie.
Le peuple syrien, jusqu’à présent, s’est surtout mobilisé pour le régime, ou contre les tentatives de subversion téléguidés de l’étranger : malgré toute leur jactance « démocratique », les opposants islamistes ou « facebookiens » (et leurs protecteurs occidentaux) ne pourront pas continuer longtemps à faire et à dire comme si ces millions de Syriens n’existaient pas.