C’est dans un éditorial stupéfiant de bêtise que Le Monde a essayé une nouvelle fois de faire peur au sujet de la probable sortie de la Grèce de la monnaie unique. Comment ce journal, qui se dit de référence, peut se laisser aller à une telle démagogie ?
Une mauvaise foi extraordinaire
Le dernier paragraphe affirme « Pour les Grecs, ce (la sortie de l’euro) serait une tragédie pire encore que celle qu’ils vivent. Ils n’ont guère à attendre du retour à la drachme, qui, même dévaluée de 50%, n’améliorerait pas leurs comptes extérieurs pour une raison simple : la Grèce n’a rien à exporter. Le niveau de vie ne tomberait pas de 10 à 20% comme aujourd’hui, mais de 50%. Le pays a besoin d’investissements pas d’une dévaluation compétitive ».
Le Monde aurait voulu illustrer mon papier de mardi sur la gauche sectaire qu’il n’aurait pas fait autrement. Voici un journal supposé sérieux qui commet un éditorial digne d’un gamin euro béat qui ne connaîtrait rien à l’économie. Le quotidien vespéral affirme donc qu’une dévaluation de 50% de la drachme provoquerait une baisse du pouvoir d’achat de 50%, ce qui serait le cas si la Grèce importait 100% de son PIB. Mais, selon l’OCDE, les importations pèsent 20% du PIB.
Bien sûr, le pouvoir d’achat baisserait de 50% sur les importations, mais rapporté à la structure économique du pays, cela représente une perte de 10% du pouvoir d’achat. En outre, si la Grèce importe deux fois plus qu’elle n’exporte, cela indique tout de même que le pays a des choses à exporter justement (10% de son PIB), dont les ventes s’envoleraient en cas de dévaluation de la drachme. Idem pour le tourisme (16% du PIB), qui profiterait très largement d’une sortie de l’euro.
Une mauvaise analyse du problème
Il y a un point où Le Monde a raison, c’est que la Grèce a besoin d’investissements. Or, dans un euro trop cher avec la liberté de circulation des capitaux, le pays ne peut pas investir, puisque les capitaux fuient le pays, en anticipation de sa future sortie de la monnaie unique. Et justement, comme en Argentine, la sortie de l’euro est le seul moyen de relancer les investissements puisque cela rendrait de nouveau l’économie grecque compétitive et intéressante pour les entreprises.
En effet, avec une monnaie moins chère, il y aurait beaucoup plus d’intérêt à produire en Grèce et le pays attirerait plus de touristes, qui dépenseraient plus, ce qui susciterait justement des investissements dans les capacités productives et d’accueil touristique du pays. Mais Le Monde caricature outrageusement les conséquences d’une dévaluation alors que justement, une étude de Jonathan Tepper démontre au contraire tous les bienfaits de la dévaluation dans un tel cas.
Il est intéressant de noter que toutes les expériences passées de dévaluation sont ignorées, puisqu’elles démontrent le contraire. L’impasse intellectuelle des partisans de la monnaie unique est bien illustrée par l’émission de mardi de Ce soir ou jamais, où intervenait Jacques Sapir dont la cohérence contrastait avec les incertitudes de Daniel Cohen et Christian Saint Etienne, alors que Jean Quatremer ne voulait pas donner au peuple le droit de s’exprimer sur les plans d’austérité.
Il est absolument insensé que Le Monde s’exprime de manière aussi caricaturale sur le sujet. Cela démontre sans doute que face à l’impasse dans laquelle se trouve le système qu’il défend, il refuse de débattre et s’enferme dans une défense religieuse qui n’a plus rien à voir avec la raison.