Pour ses premiers pas internationaux, à Washington, au sommet du G8, François Hollande a joué une partition prévisible : celui d’un allié des États-Unis, juste critique ou différent ce qu’il faut pour se distinguer de son prédécesseur.
À ce sommet des pays les plus industrialisés – dont sept sur huit appartiennent au camp occidental – il ne fallait pas attendre que le nouveau président français, à supposer même qu’il en ait eu l’intention, rompe avec la ligne diplomatique, sur la Syrie ou su l’Iran. Deux pays dont les « cas » ont été abordés dès l’ouverture du sommet, lors du « dîner de travail » inaugural de vendredi soir dans la résidence secondaire des présidents américains.
François Hollande a publiquement, durant la campagne électorale, qualifié le régime de Damas d’ « abject » , et déclaré que lui président, la France s’associerait à une intervention militaire internationale en Syrie pour peu que celle-ci ait l’aval de l’ONU. Son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius n’est pas en reste.
Juppé parti, l’atlantisme demeure, et le porte-parole du Quai d’Orsay, l’inamovible Bernard Valero, a rejeté avec hauteur la main qu’avait tendue à la nouvelle direction française Bachar al-Assad lors de son entretien à la télévision russe, usant de la rhétorique habituelle sur le président qui massacre son peuple.
Hollande ne peut pas refaire Sarkozy
Pour autant, Hollande est-il un doublon ou une prolongation de Sarkozy ? Pas tout à fait : face à Obama, il a maintenu sa décision de retirer les troupes françaises – ou l’essentiel d’entre elles – d’Afghanistan d’ici la fin de l’année. Et sur la question du nucléaire iranien, il semble avoir plaidé pour que soient privilégiées des négociations. Sur la Syrie, les dîneurs du G8 auraient planché, selon un responsable américain, sur la question d’une « transition politique ».
Mais il y avait à ce dîner l’éternel empêcheur d’ingérer en rond, le représentant de la Russie, à savoir le nouveau Premier ministre russe Dimitri Medvedev. Et derrière ses épaules, les diplomates de l’Ouest pouvaient discerner l’ombre de la Chine et des puissances émergentes. La grande ombre aussi de Vladimir Poutine, le nouveau président de la Fédération de Russie dont l’absence à Washington est évidemment un signe politique : un signe d’indépendance de la Russie et de sa diplomatie, particulièrement sur les dossiers syrien et iranien.
Et François Hollande, politique conformiste mais garçon intelligent et prudent, ne peut ignorer ce poids grandissant de la Russie et des ses alliés. Etla politique étrangère étant parasitée par la politique intérieure, il sait qu’il lui est interdit de s’offrir un remake de la Libye, face à une opinion française qui n’est certes pas pro-Bachar (pas plus qu’elle n’est d’ailleurs pro opposition ou pro-islamiste), mais qui à l’heure où la crise économique s’aggrave de mois en mois, veut moins que jamais entendre parler de coûteuses expéditions militaires.
D’ailleurs comment s’engager dans un conflit armé avec la Syrie – ou l’Iran – quand votre premier geste diplomatique est le retrait des soldats français d’Afghanistan ? Comment se payer « sa » guerre de Libye quand on s’est présenté comme l’anti-Sarkozy ?
Quant à Laurent Fabius, tout sioniste et ami de BHL qu’il soit, il devra se plier à ces réalités internationales. À l’ONU comme au Proche-Orient. Rappelons à ce sujet que celui qui n’était alors que l’agent électoral de François Hollande s’était rendu au Liban au début de février : il y avait rencontré, outre le Président et le Premier ministre – pas vraiment des ennemis farouches du régime syrien -, le vieux leader druze Walid Joumblatt devenu d’une année (2011) à l’autre (2012) une féroce adversaire de Bachar.
Mais il s’était aussi longuement entretenu avec le président du parlement, Nabih Berry, une des grande figures du camp libanais pro-syrien (Berry est chiite et un dirigeant du mouvement Amal, associé au Hezbollah dans la coalition gouvernementale). Fabius et Berry se connaissent « depuis des années« , comme l’avait indiqué lui-même l’ex-Premier ministre français lors de cette visite : c’est dire si le nouveau chef de la diplomatie française est au fait de la complexité de la situation syrienne – et des argument et griefs des pro-Syriens. Même s’il avait « rituellement » condamné à Beyrouth la « brutalité » du régime de Damas.
Cette connaissance du dossier syrien – sans doute plus profonde (pas difficile) que celle que pouvait en avoir un Juppé – pondérera-t-elle les tendances – profondes et lourdes – pro-américaines, pro-OTAN et pro-israéliennes de Laurent Fabius ? Qui vivra verra. Mais nous continuons de penser qu’il fallait se débarrasser du tandem Sarkozy/Juppé de toute façon.