La politique intérieure de la Russie et la vie internationale ont été évoquées jeudi lors de la conférence de presse du président Vladimir Poutine, qui a duré quatre heures.
Des journalistes représentant des médias très divers quant à leurs orientations politiques ont interrogé le chef de l’Etat sur la réaction des parlementaires russes à la "loi Magnitski", la lutte contre la corruption, la concurrence politique en Russie, le port du hijab à l’école, ainsi que sur le litige territoriale entre Moscou et Tokyo, le bouclier antimissile en Europe et la situation en Syrie.
Politique intérieure
L’une des premières questions posées à Vladimir Poutine concernait la réaction de la Douma (chambre basse du parlement russe) à la "loi Magnitski" récemment adoptée par le Sénat américain.
"C’est une réponse émotionnelle, mais adéquate", a déclaré le chef de l’Etat russe.
Persuadé que le texte américain est dirigé contre la Russie, Moscou a décidé d’y opposer une "riposte impressionnante". Le 14 décembre, la Douma a adopté en première lecture un projet de loi sanctionnant des Américains qui avaient violé les droits de ressortissants russes. Le 19 décembre, les députés ont également soutenu un amendement visant à interdire aux Américains d’adopter les enfants russes.
Interrogé sur la lutte anticorruption, M. Poutine a indiqué que la Russie serait reconnaissante pour toute aide visant à repérer des fonctionnaires corrompus qui possèdent des biens et des comptes bancaires à l’étranger.
"Si nos collègues étrangers nous aident à repérer ceux qui violent la législation russe, nous leur serons reconnaissants. Nous sommes mêmes prêts à leur verser une prime", a affirmé le chef de l’Etat russe.
Il a souligné la nécessité de durcir les sanctions à l’encontre des fonctionnaires corrompus.
"Il faut combattre [la corruption] de manière systématique. Il faut renforcer les sanctions en la matière, et parvenir à ce que la peine pour toute violation commise dans ce domaine soit inévitable", a indiqué le chef du Kremlin.
Evoquant le port du hijab à l’école, il a constaté que cette tradition n’était pas de mise dans les établissements scolaires russes.
"Même dans le monde musulman, les autorités islamiques s’opposent au port du voile à l’école. Pourquoi implanter, alors, cette tradition chez nous ?", a indiqué M. Poutine.
Il estime que le système politique en Russie n’est pas autoritaire et que la concurrence entre les forces politiques continuera à s’intensifier dans le pays.
"La concurrence politique ne manquera certes pas de s’intensifier. On doit porter davantage d’attention non à des techniques politiques, mais à la lutte politique qui doit être une lutte d’opinions axée sur la résolution des problèmes qui se posent au pays", a indiqué le chef de l’Etat.
A la question de savoir ce qu’il voulait corriger dans son travail, Vladimir Poutine a répondu : "Je ne vois pas de graves erreurs globales que je voudrais corriger".
Politique extérieure
Interrogé sur la situation en Syrie, le président russe a réaffirmait que "l’évolution de cette situation dépendait en premier lieu du peuple syrien". Il a dans le même temps souligné qu’un changement de régime manu militari à Damas ne serait efficace ni pour le peuple ni pour l’ensemble de la région.
De nombreuses questions posées à M. Poutine concernaient les relations russo-américaines. Selon le chef de l’Etat russe, ces relations se sont détériorées suite aux divergences entre Moscou et Washington sur l’Irak.
"Nos relations avec les Etats-Unis étaient à priori normales et bonnes. Elles se sont relativement détériorées parce que nous avions une position différente sur l’Irak. C’est là que les problèmes ont commencé", a indiqué M. Poutine.
Evoquant un sujet très sensible comme le déploiement du bouclier antimissile américain en Europe, le président a fait savoir que ce dernier était en mesure de neutraliser le potentiel stratégique nucléaire de la Russie.
"Nous avons déjà déclaré à plusieurs reprises que nous considérions comme une menace les efforts de nos partenaires visant à créer de tels systèmes. Ces efforts pourraient annuler notre potentiel balistique nucléaire si nous n’y apportons pas de réponse", a affirmé M. Poutine, ajoutant qu’il existait un risque de rupture de l’équilibre stratégique dans le monde.
Concernant le litige territorial russo-japonais, le chef du Kremlin a indiqué que Moscou avait entendu le signal envoyé par les nouvelles autorités japonaises qui souhaitent conclure un traité de paix avec la Russie.
"En ce qui concerne les questions territoriales, nous comptons sur un dialogue constructif avec nos collègues japonais. Nous avons entendu les signaux émanant de Tokyo, de la part du parti arrivé de nouveau au pouvoir, selon lesquels les dirigeants de ce parti cherchent à conclure un traité de paix. Il s’agit de signaux très importants, et nous nous en félicitons", a indiqué le président russe.
Interrogé sur les relations russo-géorgiennes, il a plaidé pour leur normalisation, mais a souligné que Moscou ne reviendra pas sur sa décision de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
"Je voudrais attirer votre attention sur un problème très connu. Il consiste dans le fait que le président actuel de la Géorgie [Mikhaïl Saakachvili] a mis la situation dans une impasse, et je ne vois pas trop comment s’en sortir. La Russie ne peut pas revenir sur sa décision de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Or, la Géorgie n’accepte pas de les reconnaître comme pays indépendants. Je ne vois pas trop ce que l’on pourrait faire dans cette situation", a conclu Vladimir Poutine.