La semaine dernière, 500 à 600 membres du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ont rejoint le Front de Gauche dans le but de créer un troisième courant au sein de cet accouplement comprenant déjà le PCF et le Parti de Gauche de J-L Mélenchon.
http://gauche.blog.lemonde.fr/2012/...
Après les scissions des tendances "Gauche unitaire" en 2009 et "Convergences et alternative" en 2010, il s’agit de la troisième vague de départs vers le Front de Gauche. Cette fois-ci, la saignée est copieuse car ces militants issus de la tendance "Gauche Anticapitaliste" représentaient 41 % des votants au dernier congrès du NPA.
Trois ans et demi après la fondation de ce "nouveau" parti qui revendiquait 9123 adhérents en février 2009, on peut estimer que cette formation ne compte guère plus de 3000 militants soit les effectifs de la défunte Ligue Communiste Révolutionnaire** de Krivine et Besancenot.
Les causes de cet effondrement demandent de se plonger dans l’histoire du marxisme et plus particulièrement dans celle du Trotskisme. En 1938, après avoir été expulsé d’URSS par Staline, Léon Trotsky, l’un des principaux dirigeants de la Révolution Soviétique, crée la Quatrième Internationale. A la même époque, il rédige le « Programme de Transition, La mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir »
Ce sous-titre résume assez bien l’objectif :
- Premièrement préserver les principes et buts fondamentaux du Bolchevisme.
- Deuxièmement, oeuvrer, selon la situation des Etats, à l’élaboration de revendications minimales, aisément intelligibles et acceptables par le peuple.
- Troisièmement, amener insidieusement les masses à accepter le concept de dictature du prolétariat comme unique solution à la crise du capitalisme.
En bref, unir le plus grand nombre autour du plus petit dénominateur commun puis élargir la brèche vers un programme maximaliste.
Voilà pour l’enclume et les fondements. Reste à forger l’outil, la tête du marteau : Pour Trotsky, la solution réside dans la construction de partis des travailleurs, y compris en s’agrégeant à d’autres formations issues du syndicalisme ou du réformisme. Le rôle des trotskistes est d’étendre au maximum leur influence au sein de ces formations afin d’en prendre la direction. Ceci par tous les moyens (entrisme, avant-gardisme).
La Seconde Guerre Mondiale et la victoire de L’URSS stalinienne gèleront momentanément ces velléités.
Plus récemment, en France, on voit resurgir cette stratégie à plusieurs reprises. En 1985, le Parti Communisme Internationaliste (courant lambertiste au sein du trotskisme) crée le Mouvement pour un Parti des Travailleurs qui deviendra le Parti des Travailleurs en 1991 avant de se métamorphoser en 2008 en Parti Ouvrier Indépendant.
Ces multiples avatars, quand ils ne font pas sourire, laissent pour le moins perplexe. De 1985 à nos jours, après de multiples purges et autres scissions, les progrès de cette mouvance semblent ressembler à ceux d’un hamster dans sa roue de compétition.
En 1995, avec 5,3 % des voix aux élections présidentielles, Lutte Ouvrière devient la troisième force à gauche. Dans les bouffées du grand soir, après le premier tour, Arlette Laguiller appelle à la création d’un "grand parti des travailleurs"
http://www.youtube.com/watch?v=fFaA...
Cet effet d’annonce ne sera suivi d’aucunes tentatives réelles sur le terrain et entraînera, de ce fait, le départ du jovial Philippe Poutou et de quelques centaines de militants qui intégreront la Ligue Communiste Révolutionnaire... puis le NPA...
Aux dernières élections présidentielles, avec 0,56 %, LO ne rassemblera que les derniers aficionados. En 2002 et 2007, avec plus de 4 % des voix aux présidentielles, c’est au tour de la Ligue Communiste Révolutionnaire de se lancer dans les tribulations du NPA, avec les résultats pathétiques que l’on connaît.
Ces tentatives infructueuses ont pour origine le même mauvais calcul. Une direction politique petite bourgeoise et sectaire s’érige en avant-garde auto-proclamée d’un prolétariat sensément ignorant et naïf. On observe également ce décalage profond au niveau de la structure militante. Les militants d’extrême gauche en France sont essentiellement issus du monde estudiantin et de la Fonction Publique.
Il suffit d’analyser la sociologie du vote aux présidentielles 2012 pour se rendre compte que cadres politiques et militants sont perçus comme étrangers au monde ouvrier. Vote des ouvrier pour l’ouvrier Poutou : 2 %, vote ouvrier pour Mélenchon (grâce aux vestiges du PCF) : 15 %, vote ouvrier pour Marine Le Pen : 35 %.
http://opinionlab.opinion-way.com/d...
Selon les doctrinaires de la gauche radicale, il s’agit d’un vote d’ouvriers traditionnellement conservateurs et radicalisés par la crise. Comme les derniers des moujiks, ces écervelés voteraient systématiquement FN car on ne leur a pas assez expliqué les bienfaits du marxisme.
En matière de mauvaise foi et de déni, cette analyse mérite l’étoile rouge. Il suffit de jeter un œil sur une carte : votes Georges Marchais en 1981 et votes Marine Le Pen en 2012 pour que l’évidence saute aux yeux. Bon nombre d’anciens électeurs communistes votent actuellement FN.
http://lepcf.fr/IMG/png/carte-1987-...
Le pire est qu’il s’agit d’un site du PCF ; eux-mêmes avouent l’évidence, avec une ingénuité touchante.
Les différentes percées puis reflux des organisations d’extrême-gauche s’expliquent, avant tout par le vote capricieux d’une partie de la moyenne bourgeoisie (les bobos) qui s’émoustillent un coup sur la pétroleuse Laguillier, un coup sur le poupin facteur Besancenot, un coup sur Dany le Rouge et aujourd’hui sur le généralissime Alcazar Mélenchon.
La construction d’un parti des travailleurs constitué ad hoc, propulsé par un leader charismatique et médiatique mais coupé de toute base sociale stable ne peut conduire qu’à un échec. Par ailleurs, l’internationalisme ouvertement revendiqué par ces organisation épouse parfaitement l’euro- mondialisme si cher à nos dirigeants UMPS.
Par conséquent, ce concept creux ne laisse à ces brasseurs d’idées aucune chance d’atteindre l’intelligence des ouvriers. Ceux-ci demeurent, dans leur ensemble, encore attachés au couple Nation et République.
Je voudrais enfin aborder le cas du Parti de Gauche, structure politique "dans le vent" et portée par les médias. Ce mouvement est animé pour beaucoup par d’anciens trotskistes (Jean Luc Mélenchon, Martine Billard, Alexis Corbière, René Revol, etc...).
Sociologiquement et intellectuellement, il s’agit d’un parti réformiste d’ouvriers du dimanche dont une partie de la direction à parfaitement intégré la stratégie du programme de transition. Le but est le même, partir à l’aventure, la grande vadrouille électoraliste avec, cette fois-ci, le PCF dans le rôle de Bourvil.
Ce micro parti, joue la même partition que ses prédécesseurs : occuper l’espace politique dans les universités, la fonction publique, les médias, pour détourner les masses de l’essentiel (l’écrasement des nations par l’empire) et les orienter vers l’accessoire (mariage gay, polémique avec L. Deutsch, etc...)
La vaguelette du Front de Gauche a déjà commencé à s’étaler aux dernières élections législatives. Le 3 juillet dernier, à l’Assemblée Nationale, lors du vote de confiance au gouvernement d’austérité socialiste, les 10 députes du Front de Gauche se sont abstenus "pour que la Gauche réussisse".
http://gauche.blog.lemonde.fr/2012/...
Autrement dit, le Front de Gauche se prépare à assurer la flûte derrière le cortège funéraire des futurs plans sociaux. Le système a déjà commencé à essuyer ses bottes sur Mélenchon, le franc-maçon, pour s’en faire un paillasson.
Sur la pente savonneuse de la compromission permanente, la "fureur et le bruit"*** se transforment en un silence fracassant devant la social-trahison du gouvernement Hollande-Ayraut. Il est à gager que cette "caution de gauche" apportée à la rigueur se paiera chèrement lors des prochaines consultations électorales.
Gauche anticapitaliste : Le nanar continue !
* Mauvais film. Voir le site http://www.nanarland.com/
** Parti politique d’extrême-gauche crée en 1969 et se revendiquant du trotskisme. Il sera à l’origine de la Constitution du Nouveau Parti Anticapitaliste en 2008-2009.
*** Discours de J-L Mélenchon du 21-11-2010 ou il affirme sans ironie : « Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas ! » http://www.wat.tv/video/melenchon-j...