Le tribunal de commerce de Rouen a rejeté mardi les deux dernières offres de reprise de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne (Seine-Maritime), liquidée en octobre mais autorisée à fonctionner jusqu’à ce jour, scellant le sort de cette usine de 470 salariés après plus d’un an de rebondissements.
"Malheureusement, les repreneurs n’ont pas été en mesure de lever l’ensemble des ambiguïtés, l’ensemble des doutes qui résidaient dans leurs offres : en conséquence, le tribunal n’a pu que rejeter les offres qui nous étaient présentées aujourd’hui", a indiqué à la presse Me Jean-Pierre Valentin, l’avocat du comité d’entreprise.
Quelques cris "nationalisation !", ont fusé immédiatement après cette annonce dans la foule de 300 personnes rassemblée devant le tribunal, où s’étalait une banderole "non à la mort du raffinage", a constaté l’AFP.
Le directeur de la raffinerie Philippe Billant a indiqué pour sa part qu’un "liquidateur a été nommé. Il vendra les actifs isolés". Selon lui, il est encore trop tôt pour déterminer l’avenir du site qui pourrait être déconstruit ou transformé.
La direction du groupe a confirmé que le rejet des offres de reprise entraîne la cessation définitive d’activité. La procédure de licenciement collectif des salariés sera déclenchée "dans les jours prochains", a-t-elle précisé dans un communiqué.
"La décision du tribunal met fin à une longue période d’incertitude pour les salariés", a dit M. Billant.
"C’est effectivement une déception aujourd’hui que nous n’ayons pas réussi après 15 mois d’efforts (...) à créer un environnement favorable à une reprise", a-t-il ajouté avant de préciser que des mesures de reclassement et de formation ont déjà été prises.
"C’était aux repreneurs de faire la preuve de leur sérieux, hélas il n’en ont pas apporté les garanties, cette décision est un crève-coeur", a commenté le député PS de Seine-Maritime Guillaume Bachelay.
Le tribunal, qui a repoussé à huit reprises la date limite de dépôt des offres de repreneurs depuis le dépôt de bilan de la raffinerie en janvier 2012, examinait mardi les deux dernières offres de reprise, celle du Panaméen NetOil, sur les rangs depuis juillet 2012, et celle de Murzuq Oil, apparue ces dernières semaines.
Responsabilité du gouvernement
"Je rentre chez moi en Libye, je suis déçu", a affirmé à la presse Mabrouck Jomode Elie Getty, patron de Murzuq Oil. "On a respecté les choses de A à Z, on nous demandait d’avoir de l’argent, du pétrole et l’avenir pour les salariés, je ne peux pas faire plus", a-t-il souligné.
Les juges consulaires attendaient des candidats qu’ils apportent des garanties sur leur capacité à approvisionner le site en pétrole brut mais aussi à le moderniser.
Mais de son côté, Nicolas Vincent, porte-parole de l’intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC, avait prévenu qu’il ne baisserait pas les bras quelle que soit la décision du tribunal. "Il est de notre responsabilité de faire en sorte que ces offres de reprises soient pérennes", a-t-il dit peu avant l’annonce de la décision.
Selon Jean-Luc Broutet de la CGT "la responsabilité aujourd’hui est du côté du gouvernement". "Si on veut assurer l’avenir du raffinage dans notre pays, assurer l’indépendance énergétique, on demande au gouvernement de nationaliser le raffinage en France", a-t-il dit après l’annonce de la décision.
Au total, plusieurs dizaines de candidats se sont manifestés pour reprendre la raffinerie depuis son dépôt de bilan mais jusqu’à présent aucun n’a été en mesure de déposer un dossier complet.
Lorsque la raffinerie fermera, une centaine de salariés de Petroplus pourraient être reclassés dans l’industrie pétrolière, principalement dans la vallée de la Seine où fonctionnent deux autres raffineries, l’une exploitée par Total et l’autre par ExxonMobil.
Outre NetOil et Murzuq Oil, deux autres dossiers présentés respectivement par le Luxembourgeois GTSA et le groupe de Hong Kong Oceanmed Seasky System Limited avaient déjà été écartés par les administrateurs.
Ouverte en 1929, la raffinerie avait déposé son bilan le 24 janvier 2012 à la suite de la faillite de sa maison-mère suisse. Sa liquidation avait été prononcée en octobre par le tribunal de commerce de Rouen qui avait toutefois autorisé la poursuite de l’activité jusqu’au 16 avril.
"On a été exemplaires et responsables pendant ces 18 mois de lutte, il n’y a pas eu de violences et il n’y en aura pas, parce que les mecs sont usés", avait indiqué un salarié, Denis Colange, 57 ans, interrogé avant le jugement sur les conséquences d’une décision négative du tribunal.
Hollande rend visite aux salariés de Petroplus, le 5 janvier 2012, durant la campagne électorale :
Hollande, devenu chef de l’État, revient sur le site de Petroplus, le 5 janvier 2013 :