The Economist a mis en couverture cette semaine un dessin où on voit un bateau qui représente l’économie mondiale s’enfoncer dans l’eau avec une phrase « Pouvez-vous démarrer les moteurs maintenant, madame Merkel ? ». Un résumé un peu simpliste du dilemme de nos voisins.
Le paradoxe de l’euro outre-Rhin
Le passage à la monnaie unique européenne, qui n’était pas souhaité en Allemagne, et qui est regretté en majorité aujourd’hui, a été extrêmement ambivalent pour Berlin. D’une part, ce pays, grande puissance exportatrice, est entrée dans cette union à un cours élevé (après les derniers ajustements monétaires), ce qui a poussé le pays à bloquer les salaires pour retrouver sa compétitivité, pénalisant pendant longtemps sa croissance et le niveau de vie de sa population.
Oui, les Allemands ont fait de gros efforts pour soutenir leurs entreprises exportatrices, sur lesquelles repose leur économie. Mais dans un régime de monnaie unique européenne, comme on pouvait le pressentir dès les années 1990, cet ajustement provoque un gain permanent, qui ne peut pas être effacé par des dévaluations si vos voisins conservent un taux d’inflation des salaires supérieur au vôtre, ce qui permet de gagner commercialement.
Résultat, l’Allemagne fait sa croissance au détriment de ses partenaires européens qui voient leur déficit vis-à-vis de la première économie du continent s’envoler. Cette situation est extrêmement malsaine car la croissance allemande dépend de l’achat à crédit de produits allemands par les consommateurs italiens, espagnols, grecs ou français. Et comme on ne peut pas s’endetter toujours plus ad vitam aeternam, la situation finit par se bloquer, ce qui est le cas depuis 2 ans et demi.
A pile ou face ?
L’Allemagne se retrouve face à un gros dilemme. Faut-il refinancer ses partenaires européens pour éviter la fin de la monnaie unique et protéger leur économie des dévaluations qui s’en suivraient ou faut-il refuser les plans de refinancement dispendieux ou les mécanismes de solidarité budgétaire évoqués par certains et taxés de « Transferunion » outre-Rhin, quitte à provoquer la fin de la monnaie unique ? Pour l’instant, l’Allemagne hésite et a opté pour un entre-deux.
Le soutien aux fonds européens a engagé le pays à hauteur d’environ 200 milliards, ce qui n’est pas rien, mais reste gérable, d’autant plus qu’une partie sera remboursée (même si la partie grecque a peu de chance d’être revue à plus de 50%...). Cela a permis à l’expérience monétaire européenne de continuer. Le problème est que cette voie médiane, agrémentée de plans d’austérité suicidaires, a plongé l’économie européenne dans une nouvelle récession.
C’est pourquoi certains disent qu’il faut aller plus loin dans l’intégration, discours que tient volontiers Angela Merkel, mais qui se limite pour l’instant aux contraintes et surtout pas au budget ou aux euro obligations. Par-delà la désagréable tonalité de ceux qui semblent dire « l’Allemagne paiera », il faut souligne qu’il est tout sauf évident que cela marcherait. Bref, la zone euro reste dans une impasse, ce qui amène à se demander si l’euro n’est pas responsable de cette impasse.
En fait, si l’Allemagne ne semble pas vouloir prendre l’initiative de la fin de l’euro, on pourrait imaginer qu’elle fasse mine de soutenir la monnaie unique tout en faisant tout ce qu’il faut pour qu’un autre qu’elle ne provoque la fin de cette union monétaire qu’elle n’a jamais vraiment voulu.