Alimuddin Usmani : Malgré la tentative des médias institutionnels de présenter la conférence commune que vous avez tenue avec Alain Soral le 26 mai 2014 comme un événement raciste et antisémite [1], la rencontre a été un succès immense avec près de 600 participants venus vous écouter tous les deux de manière pacifique. Pouvez-vous nous donner vos impressions à l’issue de cette conférence ?
Gilad Atzmon : Plus que tout, j’étais bouleversé par la composition démographique de la salle. Comme je l’ai mentionné ce soir-là, je n’ai jamais vu une foule aussi diversifiée. Je suppose que 30 % environ des gens dans la salle étaient issus de l’immigration et qu’ils voient, en Soral et en Égalité & Réconciliation, le chemin qui mène à l’authentique francité. La gauche peut toujours parler de la notion de « diversité » et de « tolérance » tout en étant de prédominance blanche et financée par le sioniste libéral George Soros, c’est Soral qui, dans la vie réelle, traduit la diversité en une conscience populaire à un niveau social et politique.
Cela nous amène à réfléchir une fois de plus sur la distinction entre l’habitation et l’implantation. Habiter signifie aimer sa terre, adorer le ciel et chérir la culture avec un zèle patriotique. S’implanter, au contraire, signifie occuper un espace, consommer, prendre sans vraiment donner quelque chose en retour. Les personnes que j’ai rencontrées à la conférence étaient résolument des habitants, issus de l’immigration mais patriotes Français.
Le concept de colon permet de décrire l’attitude inquisitrice juive. Elle explique pourquoi l’État juif est une catastrophe écologique, pourquoi les rivières sont empoisonnées, mais également pourquoi la diaspora juive est si souvent attachée au rêve sioniste et à la Terre promise plutôt qu’à l’amour de ses voisins, où qu’ils se trouvent. Si les sionistes juifs habitaient réellement en France, en Grande-Bretagne ou aux USA, ils ne songeraient même pas à retourner à cette Terre promise fantasmée. Si les juifs antisionistes étaient réellement des habitants (opposés à des colons), ils combattraient Sion au sein d’une campagne universelle au lieu de militer dans des cellules politiques juives qui sont aussi racialement exclusives que celles de l’État juif.
Pour revenir à la conférence, j’étais impressionné par Alain Soral, tout d’abord par son charisme indéniable, mais également par son message politique et sa superbe analyse. Il possède la capacité rare de s’engager dans un échange intellectuel, en longueur et de qualité, avec les masses. C’est vraiment unique. De manière intéressante, Soral et moi-même progressons de manière parallèle, nous parvenons à des conclusions similaires malgré nos approches sur le sujet totalement différentes.
L’accord Haavara (pacte de transfert) signé en 1933 entre la Fédération sioniste d’Allemagne, la Banque anglo-palestinienne (aujourd’hui la Bank Leumi) et les autorités économiques du régime nazi, qui a servi à faciliter l’émigration des juifs d’Allemagne en Palestine, n’est pas très connu du grand public. Cet accord n’est-il pas une source d’embarras pour Israël et pour la hasbara (propagande israélienne) ?
Sans aucun doute, l’accord Haavara sert à entériner la collaboration à un haut niveau entre l’Allemagne nazie et les instituts sionistes. Il corrobore également l’argument selon lequel les nazis, au moins d’un point de vue idéologique et à une certaine étape, étaient à la recherche d’une méthode pacifique pour nettoyer le territoire germanique de la présence juive. Mais cela confirme également que, très tôt, la Fédération sioniste, qui a détenu 25 % des richesses des juifs Allemands et Autrichiens, était motivée par une pure avidité. Dans les années 30 déjà, le sionisme représentait un système pragmatique judéo-centrique qui était spécialisé dans la transformation de la souffrance juive en argent.
Lors de la conférence nous avons appris des choses sur le concept de la « perfection de la race » qui s’est déroulé pendant 1500 ans à l’intérieur des ghettos juifs. Vous avez dit pour la première fois en public que les problèmes rencontrés par les Palestiniens étaient partiellement dus à l’immigration d’une élite cognitive juive en Palestine, particulièrement celle venant d’Allemagne suite à l’accord Haavara. La situation en Palestine serait-elle totalement différente sans cet accord ?
Difficile à dire. Mais tâchons de faire avant tout preuve de précision. Au début du XXème siècle, il a été établi que la communauté juive organisée en Allemagne représentait l’élite cognitive [2] au sein de la communauté juive européenne. Cependant, cette communauté était en général patriotique et dévouée à l’esprit national allemand. Jusqu’en 1933, les juifs allemands vivaient dans des conditions extrêmement confortables et se sentaient totalement intégrés et en sécurité. L’influence sioniste n’était que marginale au sein de la communauté juive allemande.
En soi, les vagues d’immigration juive aux USA, en Grande-Bretagne et en Palestine étaient largement constituées de réfugiés juifs opprimés des pays d’Europe de l’Est. L’historien israélien Shlomo Sand appelait ces gens « la Nation yiddish ». Ils faisaient partie de la classe inférieure juive. C’est seulement après 1933 que l’élite juive allemande a commencé à réaliser que la situation devenait volatile et que les juifs allemands et autrichiens ont commencé à songer à l’émigration.
Le choix du mouvement sioniste d’amener une grande partie de cette élite cognitive juive allemande en Israël a été extrêmement intelligent. Cependant, il est très important de préciser que les juifs allemands participaient très rarement à la politique ou au militarisme sioniste. Au lieu de cela, ils ont fondé l’Université hébraïque et les instituts scientifiques, contribué à la culture et aux arts, formé des orchestres philharmoniques. Sur le long terme, ils sont devenus le pilier de l’élite cognitive israélienne, mais ils ont aussi contribué à l’émergence de la dissidence israélienne. Uri Avneri, par exemple, est certainement un membre de cette unique sous-culture au sein de l’école de la pensée sioniste. Je ne suis pas sûr qu’on puisse associer directement cette catégorie unique de l’intelligentsia allemande avec la Nakba ou avec l’expulsion des Palestiniens. Ce sont clairement les sionistes russes et polonais qui ont mis en exécution cet infâme programme. En fait, les intellectuels juifs allemands, tels que Martin Buber et Gerschom Sholem, furent les premiers à s’opposer au militarisme et à l’extrémisme sioniste.
La Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation) est très active dans sa condamnation de Dieudonné. Ils connaissent très certainement votre travail mais on ne les entend pratiquement jamais parler en public de Gilad Atzmon. Est-ce parce qu’ils ont compris que parler de vous revient à exposer de manière trop forte la matrice du pouvoir dans laquelle ils opèrent ?
C’est très possible. Ils ont confié la tâche de ma condamnation à un juif américain nommé Gabriel Ash, qui conduit la campagne de BDS (Boycott-désinvestissement-sanctions) en Suisse. L’opération tribale est extrêmement bien coordonnée, chaque section de la tribu contribue à la force de l’élu. Ash, Max Blumenthal, Democracy now et même Chomsky sont les gardiens de la prétendue gauche et ont pour tâche de barrer l’entrée à ceux qui sont assez courageux pour pointer du doigt le pouvoir juif et le critiquer.
Ils ont effectivement transformé la solidarité avec les Palestiniens et la gauche en un front d’opposition contrôlée. Mais voici le paradoxe : alors qu’ils avaient presque réussi, ils ont été dévastés de découvrir qu’il ne leur restaient plus qu’une synagogue. Le mouvement de solidarité avec la Palestine et la gauche sont tous les deux isolés, minuscules, représentent des corps détachés avec un intérêt politique nul et un support de base limité. Ceci est en fait tragique car les souffrances des Palestiniens sont plus graves que jamais.
Le 24 mai 2014, trois personnes ont trouvé la mort dans une fusillade survenue à l’intérieur du musée juif de Bruxelles. Les autorités ont rapidement invoqué un acte antisémite. Quelques jours plus tard, la presse israélienne a évoqué les liens entre les deux victimes israéliennes et le Mossad [3]. Que pensez-vous de cette affaire ?
Je ne suis manifestement pas en mesure de dire ce qui s’est passé. La vidéo qui a été diffusée par la police belge ne me fait pas penser à un crime haineux au sens classique mais plutôt au travail d’un professionnel. Cependant, je ne dispose pas d’assez d’informations pour évaluer les faits avec certitude. Ce que je fais plutôt c’est d’analyser les significations des événements, la manière dont ils sont rapportés ainsi que leur impact. Je suis plus intéressé par la signification philosophique et idéologique de la peur juive que les circonstances qui mènent à la construction d’une telle anxiété.
Le 27 mai 2014 vous avez effectué un concert de jazz avec Dieudonné dans le Théâtre de la Main d’Or. Est-ce qu’il a été flatté par la comparaison que vous avez faite de lui avec le Christ [4] ?
Pour commencer, laissez-moi vous dire que c’était une des nuits les plus excitantes de toute ma carrière. Cet endroit est un sanctuaire du bien et de l’humanité. Les vibrations positives et sincères sont quelque chose qu’on peut détecter en pénétrant dans le bâtiment, c’est universel. Dieudonné lui-même est une force de la nature. Je ne suis pas surpris que les militants ethniques juifs et leurs subordonnés du gouvernement socialiste soient tourmentés par cet homme – il est authentique, garanti par l’existence et connecté avec le peuple. Dieudonné possède toutes les qualités athéniennes qui font défaut aux jérusalémites. Il n’est pas juste le Christ, il incarne la signification du Christ, par le moyen de l’humour il se transcende lui-même bien au-delà de sa situation difficile.
Par ailleurs, je crois que l’aspect le plus intéressant du parallèle entre Dieudonné et le Christ réside dans la similarité avec les « tueurs du Christ », ceux qui sont unis contre le bien, la vérité, l’universel et la fraternité humaine. Le terme « tueurs du Christ » se réfère également aux tactiques employées dans la crucifixion. Le rôle du Shabbos Goy (quelqu’un qui aide régulièrement une personne ou une organisation juive en exécutant pour elle certains actes que la loi juive lui interdit le jour du Shabbat), du Ponce Pilate des temps modernes, est de tuer au nom des autres.
Une affiche a été publiée à Genève en 2011 sur l’Internet et elle représentait une figurine ornée du drapeau israélien, portant une kippa [5]. La figurine était transpercée par une flèche en pleine tête. Deux personnes, poursuivies par les autorités, ont été condamnées par la justice pour discrimination raciale. Ils ont été accusés d’incitation au meurtre des juifs. Ils démentent ces accusations en disant qu’ils cherchaient juste à critiquer la politique d’Israël. Ils ont fait appel de leur condamnation et le procès est en cours. Que diriez-vous à ces deux jeunes rebelles ?
Le fait que certains ou même la plupart des juifs ne peuvent pas gérer une tentative de critique de la politique juive et du pouvoir juif pourrait nous faire croire qu’ils ressentent de la honte pour une raison évidente. Mais je ne crois pas que ce soit le cas ici. La judéité est un exercice de pouvoir. C’est une tentative constante de compréhension des limites de la domination juive en procédant par la défiance de la négation. Ils nous pressent encore et encore jusqu’à ce qu’ils soient confrontés à la négation sous la forme d’un pogrom qu’on pourrait définir par l’instant où les goyim disent : « Trop c’est trop. » À partir de là, le juif est réduit à l’état de victime et le cycle recommence.
Les caricaturistes devraient faire face aux autorités en suggérant que l’humour n’est pas juste un message, c’est LE message. En soi, la tentative d’ingérence avec l’humour par la censure est en fait un crime contre l’humanité et un crime contre l’esprit humain.