Si, dans certains domaines, la course à l’information ne prête pas à conséquences en cas d’erreur, il en va autrement pour des sujets nettement plus sensibles. Là, il convient de faire preuve de prudence et de patience afin d’y voir plus clair.
Ainsi, la vidéo diffusée le 16 novembre par l’État islamique (EI ou Daeh) fait froid dans le dos. L’on y voit 19 jihadistes emmener 18 officiers syriens et l’otage américain Peter Kassing vers leur supplice. Parmi eux, en uniforme noir, le visage masqué, figure « jihadi john », un ancien rappeur britannique, bourreau présumé de 4 otages. Les autres, visage découvert, portent un treillis qui font penser à ceux de l’armée américaine. Et, visiblement, les meurtres des 19 hommes sont filmés d’une matière très professionnelle. Tout comme l’a été le montage des images.
Très vite, un premier jihadiste a été identifié : il s’agit d’un ressortissant français, Maxime Hauchard, un converti de 22 ans, originaire de la commune normande de Bosc-Roger-en-Roumois.
Puis, un second a été reconnu par sa mère. Là, il serait question de Mickaël Dos Santos, alias Abou Othman (ou Abou Uhtman). « Entre février et mai 2009, il a fait un stage en entreprise avec un ami musulman modéré. Il s’est mis d’un coup à parler du Coran, des sourates. De plus en plus souvent. Un jour, c’était en mai, il m’a annoncé qu’il voulait se convertir. Il m’a demandé de porter le voile et de quitter l’école. C’est là qu’on s’est séparé. Il s’est radicalisé d’un coup, il est passé du coq à l’âne. Il s’est converti une semaine après notre séparation », a raconté son ex-petite amie au quotidien Le Monde.
Seulement, les captures d’écran de celui qui serait donc Mickaël Dos Santos ne correspondent pas avec les photographies d’Abou Uthman, connu depuis longtemps sur Twitter (il doit en être à son 5e compte suspendu pour avoir diffusé la propagande de l’EI). Plusieurs journalistes qui suivent de très près l’actualité syrienne et irakienne ont d’ailleurs fait part de leurs interrogations.
Comme Wassim Nasr, de France24. Dans la vidéo de l’EI, l’on voit celui présenté comme étant Mickaël Dos Santos s’exprimer dans un arabe à l’accent syrien prononcé. « En moins de deux ans, je doute qu’un Français puisse acquérir un tel niveau d’arabe et maîtriser l’accent syrien aussi parfaitement », a-t-il expliqué. En outre, Abou Uthman a les yeux clairs, alors que ceux du jihadiste de la vidéo sont marrons. Ces doutes sont partagés par David Thomson, de RFI. Selon ce dernier, il s’agirait d’un Syrien, appelé Abou Umarayn. Et cela lui a été confirmé par 4 sources différentes.
Même chose pour le chercheur Romain Caillet. « Enfin, ça n’a aucun sens de mettre 2 Français dans une vidéo censée représenter la « Oumma » dans toute sa diversité », a-t-il fait valoir via Twitter.
Quant au principal intéressé, qui vient de créer un nouveau compte sur Twitter, il affirme ne pas être sur la vidéo en question. Et il dit, dans plusieurs tweets (les fautes d’orthographe sont garanties d’origine) : « J’annonce clairement que ce n’est pas moi présent dans la vidéo. (…) La france, les médias, service de renseignement font bien rire, tous des clowns. (…) Le pire, c’est que ma famille leurs ont bien dit que non ce n’était pas moi, ils ont reconnu direct que c’était pas moi (…) mes frères étaient mort de rire, mais les rg, les médias, la france quoi, ont toujours ce besoin de mentir pour faire du buzz ! ».
Cela étant, pour le Parquet de Paris, et sur la foi des déclarations de Mme Dos Santos qui affirme avoir reconnu son fils lors d’une audition dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), il n’y aurait pas de doutes à avoir. Nul doute que les services de renseignement disposent de tous les moyens nécessaires pour confirmer cette information (logiciels de reconnaissance faciale, archives, etc…). Toutefois, au Royaume-Uni, le père d’un jihadiste parti en Syrie a affirmé avoir reconnu son fils dans la vidéo, avant de se rétracter. Même chose en Belgique, où un certain Abdelmajid Gharmaoui a été accusé de faire partie des bourreaux par les services de sécurité belges, lesquels ont fait ensuite machine arrière.
Par ailleurs, dans une autre vidéo, diffusée le 19 novembre, l’EI met en scène plusieurs jihadistes français. Ces derniers sont filmés alors qu’ils sont en train de brûler leur passeport. Trois d’entre eux – Abu Osama al-Faranci (visiblement un converti), Abu Maryam al-Faranci, et Abu Salman al-Faranci – ont ensuite fait des déclarations. Sans entrer dans le détail de leur prêchi-prêcha, ils ont appelé à lancer des attaques contre la France. Comme de précédents messages de Daesh, il s’agit, pour eux, de tuer des quidams. De quoi mettre les services sur les dents à quelques semaines des fêtes de Noël… Enfin, à vitesse normale, l’on croit reconnaître, dans ces images, un fusil d’assaut occidental dans les mains d’un des terroristes. Et, apparemment, l’un d’eux porte un treillis dont les couleurs et les motifs font penser à ceux de l’armée française.