« Tous les casques bleus sont optimistes ! » : C’est le le colonel marocain Ahmed Himmiche, chef du tout premier groupe de cinq observateurs onusiens arrivés dimanche soir à Damas, qui le dit. Le colonel aurait dû plutôt employer l’expression « bérets bleus », car ces observateurs ne seront pas armés. Ce lundi, le colonel Himmiche devait avoir ses premiers contacts avec les autorités syriennes.
L’optimisme des bérets bleus pourrait pourtant être mis à rude épreuve dans les jours qui viennent, les groupes armés, en tous cas nombre d’entre eux, ne « levant pas le pied ». L’OSDH fait état d’un « raid » des militaires contre le village de Khatab, dans la province de Hama, et de « bombardements » sur des quartiers de Homs.
Mais la chronique des violences version OSDH est sensiblement moins étoffée ce lundi 16 avril. On ne peut exclure qu’une partie au moins des groupes armés affectent dans l’immédiat de jouer le jeu du plan de paix, ne serait-ce que pour souffler un peu. Mais il y a suffisamment de fanatiques à l’oeuvre aux frontières de Turquie, au Liban ou de Jordanie pour multiplier les coups de canif sanglants au cessez-le-feu.
Le « flou artistique » des truqueurs de l’OSDH
Est-ce pour saluer l’arrivée des premiers observateurs des Nations-Unies, mais l’OSDH, encore lui, vient de publier un nouveau bilan global de plus d’un an de violences en Syrie : selon l’officine liée au CNS et au gouvernement britannique, 11 117 Syriens seraient morts depuis le 15 mars 2011 – et 55 depuis le cessez-le-feu du 12 avril. Soit 7 972 civils et 3 145 soldats, policiers et « déserteurs », ces derniers étant au nombre de 600.
Disons d’emblée que quelque chose « cloche » dans ce décompte opposant. Comment croire qu’en un an de combats, ayant crû en intensité depuis deux mois, les rebelles – rebaptisés « déserteurs » par l’OSDH – n »auraient subi que 600 pertes, contre 2 500 pour les forces régulières ? Mais peut-être l’OSDH ne prend-elle pas en compte les combattants étrangers, nombreux en Syrie, tombés en martyrs du djihad ?
Autre ambigüité : parmi les quelque 8 000 civils implicitement présentés par M. Rahmane comme des victimes de la répression gouvernementale, combien sont des soutiens du régime, ou d’hommes et de femmes considérés comme tels par les tueurs ? Il suffit de lire les dépêches de l’agence Sana pour se rendre compte que tous les jours des civils tombent sous les balles des bandes armées, sont enlevées et assassinées, ou succombent comme victimes collatérales des attentats ?
Bref, on voit assez aisément que le chiffre de 10 000 morts en Syrie, dont la responsabilité incomberait au gouvernement, est au mieux une simplification, et plus sûrement une manipulation.
On peut comparer ce bilan OSDH de la mi-avril à celui avancé, justement, par les autorités syriennes à la date du 21 mars :
3 211 civils.
478 policiers.
2 088 militaires.
Le bilan gouvernemental discerne en outre 106 personnes « directement ciblées », par exemple tel notable ou militaire assassinés « es-qualités ». Et 204 femmes et 56 enfants tués.
Soit un total de 6 143 morts syriens. Total qui doit, pour être actualisé, être majoré de quelques centaines de victimes supplémentaires – 300, 500 ? Soit donc au moins 6 500 Syriens à la mi-avril. Contre 11 000 selon l’OSDH. Peut-être la vérité se situe-t-elle à mi-chemin. Mais le bilan gouvernemental laisse dans l’ombre le nombre d’activistes tués, sûrement pas inférieur à 2 ou 3 000 depuis un an. Des activistes que l’OSDH doit répartir, au gré de sa « fantaisie », entre les catégories « civils » et « déserteurs ».
Les autorités ajoutent encore à ce récapitulatif macabre 1 560 personnes, civiles et militaires, enlevées dont 931 étaient portés disparus au 21 mars. Ce qui pourrait donc porter, compte tenu du fait que certainement la majorité des personnes enlevées sont finalement tuées, le bilan actuel total (et gouvernemental) à au moins 8 000 morts et disparus syriens. Soit un écart de 3 000 victimes avec l’OSDH.
L’officine de Rami Abdel Rahmane est entrainée « professionnellement », en quelque sorte, à exagérer, et le nombre des victimes, et le nombre des manifestants. Même un commentateur atlantiste et pro-opposition comme le spécialiste de BFMTV Harod Hyman reconnaissait que les bilans OSDH devaient sans doute être diminués.
En ce qui concerne les pertes civiles – et étant entendu que la frontière peut être ténue entre un insurgé armé et un civil désarmé – la vérité se situerait donc autour de 5 000 tués ou disparus, moyenne des deux estimations. Reste à savoir ce qui est de la responsabilité directe du gouvernement et de ses forces de répression, et ce qui revient bandes armées, dans ce décompte-là.