La loi Bertrand, votée le 29 décembre 2011 dans les suites du scandale du Mediator, avait prévu la publication des liens d’intérêts liant professionnels et industries de santé. Dix-huit mois furent nécessaires pour voir paraître un premier décret dont le Formindep s’inquiétait déjà des importantes insuffisances. Les premières publications sur les sites des ordres professionnels [1] et des entreprises sont consultables depuis octobre 2013. Six mois après l’entrée en vigueur effective de cette loi, il est temps d’en faire un bilan, alors qu’un nouveau projet de décret du gouvernement menace déjà de fermer cette fragile parenthèse de transparence, en reportant à octobre 2015 la mise en ligne de nouvelles données sur un site public.
Des déclarations aux actes, le grand écart des entreprises
Le LEEM, le lobby de l’industrie pharmaceutique française, revendique l’antériorité de l’idée de « transparence des liens d’intérêts comme vecteur de confiance » [2]
Il y a néanmoins loin de la coupe aux lèvres, car selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, à la date requise seules 10 % des entreprises concernées s’étaient pliées à leurs obligations. Une proportion déjà observée pour la publication des liens avec les associations de patients. L’aspect qualitatif n’était pas non plus au rendez-vous, puisque seule une entreprise sur deux fournissait aux ordres des données sous une forme lisible et exploitable. Les sites des entreprises quant à eux rivalisent d’inventivité pour faire obstacle au patient lambda qui comme moi souhaiterait savoir si son médecin entretient des liens d’intérêts.
Difficiles à localiser, voire introuvables, les données sont éparpillées sur plus de 300 sites d’entreprises [3], fournies le plus souvent sous forme d’annuaires géants composés de fichiers non indexés pouvant atteindre plusieurs centaines de pages [4]. A la difficulté de compulser ces grimoires s’ajoute parfois une coquetterie : certains laboratoires ont été jusqu’à aléatoiriser leur registre [5]. Des centaines de pages, sans index, ni même d’ordre alphabétique…La transparence est bien lointaine.
Que les entreprises aient peu joué le jeu n’a rien de bien surprenant. Aucune n’a réellement envie de voir apparaître au grand jour les millions dépensés en déjeuners, les réunions de « formation » à visée marketing, les noms des experts « conseillers en communication » qui interviennent sur les plateaux de télévision sans jamais mentionner leurs liens.