Le procès d’une trentaine de proches de Mouammar Kadhafi, dont son fils Seif al-Islam, accusés d’avoir participé à la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l’ancien régime, doit s’ouvrir lundi en Libye, rongée par l’insécurité et les tensions politiques.
Il est néanmoins très probable que le procès soit reporté, selon un responsable du bureau du procureur général, la justice devant statuer sur la comparution par vidéoconférence de certains accusés détenus hors de Tripoli.
Seif al-Islam Kadhafi (photo ci-dessus) doit comparaître avec une trentaine de responsables du régime déchu, dont l’ex-chef des renseignements Abdallah al-Senoussi et le dernier Premier ministre de Kadhafi, Baghdadi al-Mahmoudi. Une dizaine de chefs d’accusations ont été retenus contre les prévenus, inculpés en octobre notamment pour assassinats, pillages et sabotages, actes portant atteinte à l’union nationale, complicité dans l’incitation au viol, enlèvement et dilapidation des deniers publics.
Le 24 mars, le procès avait été reporté par le tribunal pénal de Tripoli, en raison de l’absence de plusieurs accusés dont Seif al-Islam, détenu à Zenten (ouest). Lundi, le tribunal doit décider "s’il accepte ou non une comparution par vidéoconférence de certains accusés détenus à Zenten et Misrata", a déclaré à l’AFP le chef du bureau des investigations au bureau du procureur général Al-Seddik al-Sour.
"Le procès sera vraisemblablement à nouveau reporté pour permettre la mise en place de la logistique technique permettant la liaison" par satellite avec les accusés, a-t-il dit. Selon lui, ce report donnera aussi l’occasion à plusieurs accusés de se trouver un avocat.
Seif al-Islam, longtemps présenté comme successeur potentiel de son père, est détenu par des ex-rebelles à Zenten depuis son arrestation en novembre 2011. Les autorités de transition ont en vain tenté de négocier son transfert à Tripoli. D’autres responsables sont détenus à Misrata, comme Mansour Daw, ex-chef de la sécurité intérieure sous le régime Kadhafi. Les autorités ont invoqué des "raisons sécuritaires", empêchant le transfert des accusés à Tripoli.
Saadi, un autre fils de Mouammar Kadhafi, extradé début mars par le Niger où il avait trouvé refuge, devrait lui aussi être jugé dans le cadre de cette affaire. Mais il doit comparaître auparavant devant la chambre d’accusation qui doit statuer sur son cas.
Doutes sur un procès équitable
Seif al-Islam et Abdallah al-Senoussi font l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre présumés lors de la révolte. Fin mai, la CPI avait débouté les autorités libyennes de leur demande de juger devant les tribunaux libyens Seif al-Islam en raison des doutes sur la capacité du gouvernement de Tripoli à lui garantir un procès juste et équitable. La CPI a toutefois donné en octobre son feu vert à la Libye pour juger M. al-Senoussi. Des organisations de défense des droits de l’Homme ont elles aussi exprimé des doutes quant au caractère équitable des procédures en Libye et accusent les milices de détenir des centaines de prisonniers en dehors de tout contrôle de l’Etat.
Après l’extradition de Saadi par le Niger, Human Rights Watch avait appelé les autorités libyennes à le "protéger de la torture et des traitements cruels et inhumains, le laisser voir un avocat, sa famille et des médecins, et le présenter rapidement à la justice".
Trois fils de Mouammar Kadhafi sont morts pendant la révolte en 2011 : Mouatassim, tué en même temps que son père en octobre, Khamis tué dans les combats en août, et Seif al-Arab en avril dans un raid de l’Otan. La veuve du dirigeant déchu, Safia Farkech, et trois autres de ses enfants -Aïcha, Hannibal et Mohamed- avaient trouvé refuge en août 2011 en Algérie, avant qu’une partie de la famille ne trouve asile à Oman en 2013.
Seif al-Islam, âgé de 41 ans, était présenté comme un "réformateur" avant de devenir le symbole de la répression sanglante de soulèvement populaire. L’ouverture prévue du procès a lieu au lendemain de la démission du Premier ministre, Abdallah al-Theni, qui a dit avoir fait l’objet d’une attaque armée la veille.
Voir aussi, sur E&R : Libye : les rebelles et les délégués du gouvernement négocient au sujet de la crise des ports pétroliers