En juin 2008, des officiers se réclamant du groupe « Surcouf » critiquèrent vertement, dans une tribune publiée par Le Figaro, les conclusion du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (LBDSN), qui venait alors d’être rendu public. Cette fois, d’autres officiers, se disant appartenir au mouvement « Marc Bloch », n’ont pas attendu la publication du nouveau LBDSN, lequel doit prendre en compte les contraintes financières du pays, pour tirer à boulet rouge sur la politique française de défense dans une tribune diffusée par Francetvinfo.fr.
Le choix de donner à leur mouvement le nom de « Marc Bloch »
Ce dernier, historien et résistant, mort fusillé le 16 juin 1944, est l’auteur de L’Étrange défaite, un ouvrage dans lequel il dénonçait la responsabilité des élites d’alors, et en particulier de celle du haut-commandement, dans la « débâcle » de mai-juin 1940.
« Prisonniers de dogmes qu’ils savaient périmés, de programmes qu’ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissaient, fallacieusement, des hommes qui, sur les grands problèmes du moment – on le vit bien après Munich –, s’étaient formé les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d’autres, qui pensaient exactement de même. Ils ne réussissaient pas, le plus souvent, à décider de qui serait au pouvoir. Ils servaient simplement de tremplin aux habiles, qui se chassaient l’un l’autre du pinacle. Nos ministres et nos assemblées nous ont, incontestablement, mal préparés à la guerre », avait ainsi estimé Marc Bloch.
Voilà pour situer l’état d’esprit de ces jeunes officiers, « issus de différents recrutements et appartenant à différents corps » et « engagés pour défendre nos compatriotes, les intérêts et les valeurs de la France ». Pour eux, le constat est clair : alors qu’il est question de demander à la Défense de contribuer, au même titre que les autres ministères, au redressement des comptes publics, ils avancent qu’aujourd’hui, « l’armée française est menacée de déclin ».
Selon eux, des « forces étrangères » qui « manipulent nos gouvernements, diffusent dans l’opinion française l’idée que l’armée n’est plus nécessaire, que ses effectifs peuvent être réduits, que ses moyens peuvent diminuer, que son matériel et son armement peuvent être désuet » en seraient à l’une des causes. Dommage qu’ils n’aient pas précisé leur pensée…
En revanche, ils ne prennent pas de gants pour dénoncer leur hiérarchie, à savoir « des officiers supérieurs et de prétendus “hauts” fonctionnaires » qui « bloquent la nécessité d’une réforme juste, nécessaire, qui nuirait aux intérêts de généraux, de colonels et d’énarques, mais qui serait néanmoins salutaire et dont les seuls prémices suffiraient à lancer le signal d’un redressement ».
Pour ces capitaines et lieutenants, qui n’ont « aucun intérêt financier », il faut « augmenter le budget » de la Défense et réarmer, tout en dénonçant les « gaspillages » et les coupes budgétaires commis au détriment de la capacité opérationnelle.
Ces officiers estiment que ce réarmement doit « prioritairement concerner l’équipement individuel des soldats » et égratignent au passage le système FELIN (Fantassin à équipements et liaisons intégrés). Pour disposer d’une « réelle capacité de projection », écrivent-ils, « l’armée a besoin de transporteurs blindés, d’un deuxième voire d’un troisième porte-avions, d’hélicoptères et d’un deuxième groupe aéronaval. Elle a besoin de blindés sur roues, de matériel chirurgical ». Pour eux, le « prix de l’indépendance est bien inférieur au coût du déclin ».
Mais le mouvement « Marc Bloch » ne fait pas que dénoncer : il fait aussi des propositions qui « peuvent lancer le signal d’un redressement ». Elles sont au nombre de 5 : « augmentation significative du budget de la Défense et financement d’équipements individuels tactiques efficients », « suppression de la 2e section » pour les généraux en retraite, « création d’une commission parlementaire de révision des primes et indemnités des militaires », « maintien de tous les postes de militaires du rang et de sous-officiers qui s’apprêtent à être supprimés » et « maintien des régiments », et enfin « diminution du nombre d’officiers ».
D’après Francetvinfo.fr, ces officiers – ils seraient une dizaine, ayant en moyenne 3 ans de service – outrepassent leur devoir de réserve pour « interpeller l’opinion publique pour éviter que le recueil (ndlr, le LBDSN) ne se trompe, délibérément ou non, de constat ».
Sur ce sujet, voir aussi : « Armée française : la bureaucratie meurtrière »