Depuis quelques jours, c’est donc le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, à la périphérie sud de Damas, qui monopolise la chronique « militaire ».
Abritant en temps « normal » environ 150 000 réfugiés – ou descendants de réfugiés – palestiniens, le camp est donc l’objet de combats apparemment sérieux entre d’une part les bandes armée et d’aitre part les soldats syriens mais surtout les combattants du Front populaire de libération de la Palestine (Commandement général), faction de l’OLP pro-syrienne et dirigée par Ahmed Jibril, naguère rival – d’obédience marxiste déclarée – de Yasser Arafat.
Dans la crise syrienne, le FPLP – longtemps considéré comme le groupe OLP le plus important après le Fatah – s’est constamment tenu aux côtés du gouvernement, ses militants s’opposant sur le terrain aux bandes rebelles – une groupe d’une quinzaine de membres de l’ »organisation palestinienne avaient d’ailleurs été enlevés puis exécutés par une bande se réclamant de l’ASL, voici quelques mois.
Les combats du camp de Yarmouk semblent bien l’engagement le plus important à ce jour du FPLP en Syrie. Puis que ceux-ci mobiliseraient plusieurs centaines de militants. C’est en tous as l’occasion pour l’AFP et les médias français d’apprendre à leurs lecteurs que des Palestiniens luttent aux côtés de l’armée syrienne ; il n’y a pas que les chabiha ! Déjà, les lecteurs du Monde, de Libération et du Figaro, du moins les plus attentifs d’entre eux, ont dû intégrer que les Kurdes étaient contre « leur » belle « révolution » syrienne, alors si même les Palestiniens…
Resituer l’affaire de Yarmouk dans de justes proportions
Contrairement à ce que nous raconte l’OSDH et l’AFP, ce n’est pas la première fois que FPLP, soldats syriens et rebelles islamistes s’affrontent autour du camp de Yarmouk situé entre Tadamone, quartier extrême sud de Damas, et al Hajar al Aswad, dans la proche banlieue méridionale : le 30 octobre dernier, l’AFP faisait déjà ses gros titres sur le même sujet – « Les affrontements gagnent le camp palestinien de Yarmouk près de Damas » . Mais les scribes de l’agence ont décidément la mémoire courte – ce qui leur permet d se contredire ou de répéter des contre-vérités a volo.
Certes, il y a eu des raids aériens contre Yarmouk dimanche, ce qui était effectivement une « première », mais cela fait bien des mois, depuis la fin de la première « bataille de Damas » en août dernier, que les habitants du camp se trouvent chroniquement en zone de combat.
La situation est difficile à apprécier : les médias français relaient ce matin la revendication par les rebelles de la prise totale de contrôle du camp. Bien sûr, tout ceci doit être accueilli avec le plus grand scepticisme, un scepticisme enraciné dans l’expérience : pour les rebelles, contrôler une partie d’un objectif, c’est contrôler (médiatiquement) tout l’objectif.
Par ailleurs il est évident que la moindre contre-attaque de l’armée reprendra le terrain perdu, Yarmouk se situant aux abords immédiats d’une capitale que le gouvernement s’acharne à purger de toute menace insurgée depuis des mois. Du reste blindés et militaires sont positionnés aux abords du camp de Yarmouk, et ils n’ont pas encore vraiment donné.
Et là on en revient au fond de l’affaire, moult fois exposé sur ce site : les rebelles, toutes tendances confondues, n’ont absolument pas les moyens d’entrer – et encore moins de rester – dans la capitale de la Syrie, dont ils ont été chassés en juillet/août dernier. Ils ne peuvent que harceler, à l’est ou au sud de celle-ci, telle ou telle banlieue : Douma un jour, Harasta le lendemain, Daraya le surlendemain, et Yarmouk ensuite.
C’est une guérilla que l’ASL, ou plutôt les islamistes livrent à l’armée autour de Damas, pas une offensive. Une source rebelle parlait de 600 combattants insurgés impliqués dans cette attaque contre le camp de Yarmouk : c’est (peut-être) une indication des effectifs disponibles. Mais on ne prend pas Damas – et on ne garde pas Yarmouk – avec aussi peu de monde…
La guerre de Syrie éclabousse la Palestine
Accessoirement, l’affaire de Yamouk éclaire les contradictions palestiniennes : face aux combattants du FPLP à Damas, on trouverait, venus de Gaza, des partisans du Hamas, mouvement tombé comme chacun sait dans l’orbite du Qatar. Peut-être. Ce qui est sûr c’est que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a adopté une position de neutralité, demandant aux combattants des deux bords de cesser leurs affrontements dans le camp. Un grande partie des 150 000 résidents du camp s’est réfugiée dans les quartiers voisins.
Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, qui rencontrait Ban Ki-moon, a déclaré à cette occasion que les Palestiniens de Syrie – peut-être 500 000 – ne devaient pas « abriter ou aider des groupes terroristes », ce qui indiquent que certains ont succombé à cette « tentation ».
Dans son article rendant compte des derniers événements, le Nouvel Observateur a quand même glissé cette indication : « La Syrie a de tous temps été à l’avant-garde de la lutte en faveur des Palestiniens, armant et finançant plusieurs factions ». Certaines factions dont le Hamas qui l’année dernière avait encore un siège à Damas.
La tactique n°1 de la rébellion et de l’OSDH : la diversion
Et, selon un phénomène maintes fois observé mais peu intégré par les commentateurs, un front chasse l’autre en Syrie. On parle donc de Yarmouk – et de Damas – on ne parle plus ou beaucoup moins de Maarat al-Numan. Ou d’Alep : ce mardi matin, l’AFP reconnait que les affrontements « ont baissé d’intensité à Alep », constatant que le Premier ministre syrien Waël al-Halaqi s’est déplacé lundi, avec une importante délégation ministérielle (au moins dix ministres selon notre décompte), dans la seconde ville de Syrie, ce pour la première fois depuis le début des combat en juillet.
L’occasion pour le chef du gouvernement d’annoncer une aide exceptionnelle de 4,8 millions de dollars, destiné à financer l’achat de produits alimentaires, remette en état les services administratifs et d’une manière générale boucler le besoin d’une ville qui fut la vitrine économique de la Syrie.
Dans son discours devant les notabilités de la ville, al-Halaqi a entre autres choses, indiqué que son gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer le ravitaillement, en blé et en riz notamment, de la ville ainsi que son alimentation en électricité, malgré les destructions et sabotages : Imad Khamis, ministre de l’Énergie, a ainsi annoncé la mise en service de trois réseaux électriques supplémentaires sur Alep. Selon Sana, l’électricité a été rétablie dans plusieurs quartiers qui en avaient été privés.
En tout cas la présence du Premier ministre et du gouvernement de Bachar à Alep est un signe supplémentaire, nous semble-t-il, de l’échec militaire de l’insurrection.
Mais là encore, pour faire diversion, l’OSDH et Rami Abdel Rahmane sortent de leur boîte à mensonges un nouveau « joker », annonçant lundi une « offensive généralisée contre les postes de l’armée régulière dans la province de Hama ». Encore une région qui, soit dit en passant, ne faisait plus guère parler d’elle depuis des mois. Et à présent, Rami Abdel Rahmane, qui pas plus que l’AFP, ne craint la répétition ni le ridicule, nous explique gravement depuis son bureau de Londres payé par le Qatar que les combats autour de Hama sont « les plus violents depuis des mois » : s’il ne s’y passait plus rien de notable depuis des mois, c’est certain.
En tous cas on ne compte plus le nombre de fois ou Rahmane, à court d’imagination rhétorique (on le comprend au bout de 22 mois), a utilisé cette formule : « les combats les plus violents depuis des mois ». Formule tout faites, recyclables, à l’instar de celles utilisée par les potiches journalistiques des chaînes d’info continue française : « Bachar al-Assad est de plus en plus isolé » ou « C’est désormais Damas qui se trouve au coeur des combats« . Chez ces bobos post-soixanthuitards, ce n’est décidément pas l’imagination qui est au pouvoir !
Mais on ne gagne pas une guerre à coup de diversions. Et on n’entretient pas indéfiniment non plus une propagande crédible.