En raison des combats à Tripoli, le nouveau Parlement libyen, issu des élections du 25 juin dernier, s’est installé lundi à Tobrouk. Sans la présence des islamistes, qui ont boycotté la séance.
Le nouveau Parlement libyen issu des élections du 25 juin s’est installé, lundi 4 août, et a élu son président à Tobrouk, loin de la capitale en proie aux violences, dans un climat de profondes divergences politiques entre courants islamiste et nationaliste.
Preuve de ces divisions, les élus islamistes et leurs alliés de la ville de Misrata ont boycotté la cérémonie qui s’est déroulée à 1 500 km à l’est de Tripoli, la qualifiant d’anti-constitutionnelle. Ils estiment que c’était au président du Congrès général national (le Parlement sortant, dominé par les islamistes), Nouri Abou Sahmein, de convoquer cette réunion.
Celui-ci avait d’ailleurs invité les députés lundi à Tripoli pour une "passation de pouvoir", mais cette cérémonie a été annulée, et le président du CGN s’est contenté de lire un communiqué en début de soirée pour dénoncer la réunion de Tobrouk, "contraire à la Constitution".
La présence de représentants de la Ligue arabe, de la mission de l’ONU en Libye et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), semble toutefois avoir légitimé la réunion inaugurale de Tobrouk, ont souligné des analystes.
Dans un communiqué, l’Union européenne a salué "un pas extrêmement important pour remettre la transition démocratique en Libye sur les rails". Les gouvernements français, italien, allemand, britannique et américain ont également dans un communiqué commun salué la réunion des députés, tout en condamnant les violences dans le pays.
Après une cérémonie protocolaire retransmise à la télévision, les députés ont prêté serment, avant d’élire tard dans le soirée un des députés, méconnu du grand public, comme président du Parlement : Aguila Salah Issa, un député de la ville d’Al-Qobba, dans l’est libyen. Celui-ci l’a emporté au terme d’un deuxième tour devant Abou Bakr Biira, qui a présidé lundi la réunion inaugurale du Parlement. Aguila Salah Issa, un juriste qui ne revendique aucune appartenance politique, a occupé plusieurs postes dans le système judiciaire en Libye, sous l’ancien régime de Mouammar Kadhafi.
Quelque 160 parlementaires (sur 188) ont fait le déplacement à Tobrouk, épargnée pour le moment par les violences. Ce chiffre confirme une victoire écrasante des nationalistes devant leurs rivaux islamistes aux élections. On ignorait jusqu’alors la couleur politique du nouveau Parlement : les candidats étaient tenus de se présenter individuellement.
"Faire prévaloir la raison"
Parallèlement, à Tripoli, les combats qui font rage depuis le 13 juillet opposent toujours des milices dans le sud et l’ouest de la ville, selon un journaliste de l’AFP. Lors d’une rencontre à la Maison Blanche, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama, et le Premier ministre libyen Abdallah al-Theni ont souligné l’importance d’un cessez-le-feu immédiat dans la capitale. Ils ont appelé "tous les partenaires" de la Libye à "user de leur influence vis-à-vis des différentes factions libyennes pour mettre fin aux combats dès que possible", a souligné la Maison Blanche dans un communiqué.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les autorités ne parviennent pas à contrôler les dizaines de groupes armés composés d’ex-rebelles qui font la loi en l’absence d’une armée et d’une police bien structurées et entraînées. Les espoirs se portent vers le nouveau Parlement, qui aura pour lourde charge de rétablir l’ordre et l’autorité de l’État.
Dans son discours aux députés, Abou Bakr Biira a appelé "ceux qui portent les armes à faire prévaloir la raison et la sagesse et à opter pour le dialogue". Le représentant de la mission de l’ONU en Libye, Mouin Borhan, a également pris la parole pour dénoncer le "recours aux armes pour résoudre des conflits politiques", au risque d’enfoncer le pays "dans un sombre tunnel". Selon plusieurs analystes, les islamistes tentent de compenser leur défaite aux législatives en gagnant en influence sur le plan militaire.
"Aggravation de la situation humanitaire"
À Tripoli, des milices islamistes alliées à des groupes de Misrata (200 km à l’est de la capitale), sont engagées depuis le 13 juillet dans une attaque sans précédent contre les puissantes brigades de Zenten (170 km au sud-ouest de Tripoli) qu’elles accusent d’être le bras armé de la mouvance nationaliste. Les milices islamistes contrôlent également une grande partie de Benghazi (est) après en avoir chassé des unités des Forces spéciales.
En deux semaines, les violences à Tripoli et Benghazi ont fait plus de 220 morts et un millier de blessés, selon les autorités. Et les combats ont poussé plusieurs capitales étrangères à évacuer leurs ressortissants. Le gouvernement de transition a fait état de "centaines de familles déplacées" à Tripoli et mis en garde contre l’"aggravation de la situation humanitaire" dans la capitale.