Le Premier ministre libyen Abdallah al-Theni (photo ci-contre), confirmé le 8 avril dans ses fonctions par le Parlement, a annoncé dimanche sa démission après avoir été la cible selon lui d’une attaque, compliquant encore davantage la situation dans ce pays en proie à l’instabilité.
Dans un communiqué adressé au Congrès général national (CGN, Parlement), M. al-Theni a affirmé toutefois qu’il allait assurer l’intérim jusqu’à la nomination d’un nouveau chef du gouvernement.
Il a justifié sa démission en expliquant avoir été la veille la cible, avec sa famille, d’une « attaque traître ».
« Je n’accepte pas que les Libyens s’entretuent à cause de ce poste » de Premier ministre, a-t-il souligné, en affirmant que l’attaque armée avait terrorisé les habitants d’un quartier résidentiel et « mis la vie de certains d’entre eux en danger ».
M. al-Theni, 60 ans, n’a pas donné plus de détails sur cette attaque. Mais une source au sein de son cabinet a indiqué à l’AFP qu’elle avait été menée par « une milice » sur la route de l’aéroport, sans faire de victime.
Le CGN, plus haute autorité politique du pays, avait nommé M. al-Theni Premier ministre par intérim, après avoir limogé le 11 mars Ali Zeidan, à l’issue d’un long bras de fer entre l’exécutif et le législatif.
Mardi, le Parlement a confirmé dans ses fonctions M. al-Theni, un colonel de l’armée à la retraite, le chargeant de former un nouveau cabinet dans un délai d’une semaine.
M. al-Theni, qui était ministre de la Défense dans le cabinet d’Ali Zeidan et ne revendique aucune appartenance politique, a bénéficié du soutien des islamistes.
Mais sa confirmation comme Premier ministre a été qualifiée d’« illégale » par certains députés dans la mesure où elle a été adoptée par seulement 42 voix sur 76 députés présents, le Congrès comptant près de 200 membres.
Ces députés ont accusé les islamistes de « coup de force » et d’avoir profité de « l’absence de la majorité des membres pour les mettre devant le fait accompli ».
Depuis le limogeage de M. Zeidan, le CGN, en proie à une lutte d’influence entre libéraux et islamistes, n’est pas parvenu à un consensus sur un nouveau Premier ministre.
Issu des premières élections libres en juillet 2012, le Congrès s’est attiré la colère d’une grande partie de la population lorsqu’il a décidé de prolonger son mandat, qui expirait début février, jusqu’en décembre 2014.
Sous la pression de la rue, il a toutefois décidé récemment d’organiser des élections législatives anticipées et a adopté une loi électorale, mais sans fixer de date.
Des tensions sont aussi intervenues avec le gouvernement intérimaire, qui avait menacé récemment de démissionner si le Congrès ne lui accordait pas plus de prérogatives dans le cadre de sa gestion des affaires courantes.
La démission de M. al-Thani intervient au huitième jour d’une grève générale et d’une action de « désobéissance civile », partiellement suivie, à Benghazi, la grande ville de l’Est.
Des organisations de la société civile ont appelé à ce mouvement pour dénoncer l’insécurité », réclamer la suspension du CGN et la tenue rapide d’élections parlementaires et présidentielle.
Depuis la chute du régime Kadhafi en octobre 2011, les autorités de transition ne parviennent pas à rétablir l’ordre dans le pays, où les milices font la loi.
La Libye se trouve ainsi privée de sa principale source de revenus depuis juillet dernier, en raison du blocage des principaux terminaux pétroliers dans l’Est par des autonomistes appartenant aux gardes de ces installations.
Ce blocage a empêché toute exportation de brut et provoqué une chute de la production à 250.000 barils par jour, voire moins, contre près de 1,5 million b/j en temps normal.
Les autorités et les autonomistes avaient annoncé il y a une semaine être parvenus à un accord prévoyant la levée immédiate du blocage des ports de Zwitina et d’Al-Hariga, mais la compagnie nationale de pétrole a affirmé que seul Al-Hariga, d’une capacité d’exportation de 110 000 barils par jour, était à nouveau opérationnel.
Ces développements interviennent à la veille de l’ouverture attendue du procès des principaux responsables du régime de Mouammar Kadhafi, dont l’un de ses fils Seif et l’ancien chef du renseignement Abdallah al-Senoussi, jugés pour la répression meurtrière de la révolte de 2011.
Voir aussi, sur E&R : Début en Libye du procès de proches de Mouammar Kadhafi