Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

Le 28 avril, à douze heures trente-trois précises, un voile noir s’est abattu sur la péninsule ibérique, gagnant jusque dans les provinces méridionales de la France. Une coupure d’électricité d’une ampleur inhabituelle a suspendu l’activité humaine, comme si un doigt divin avait soudainement pressé l’interrupteur du monde moderne. À Madrid, à Barcelone, la foule est descendue dans la rue, brandissant des téléphones privés de leur lumière — antennes dérisoires tendues vers un ciel muet.

 

Les carrefours, orphelins de leurs feux tricolores, sont devenus des théâtres d’improvisation lente, où les automobiles rampent, incertaines, dans un ballet sans chef d’orchestre. Les entrailles du pays, son réseau ferré, sont figées ; les métros comme les trains demeurent immobiles, témoins silencieux d’une dépendance trop bien huilée. Même les aéroports, ces temples de la vitesse et de la régularité, ont connu leur lot d’incidents. Et les centrales nucléaires, géantes calmes aux gestes mesurés, se sont arrêtées dans un automatisme prudent, selon les rites établis pour conjurer le pire.

Mais avant d’interroger les raisons de ce cataclysme technique, il convient de s’arrêter un instant, et de scruter le cœur invisible de la bête : ce qu’est, dans son architecture intime, un réseau électrique national. Là se cachent les clés, non d’un simple accident, mais d’un événement qui, par-delà ses conséquences, révèle la nature de notre fragilité.

Fonctionnement d’un réseau électrique national

Il convient d’abord de comprendre, avec un peu de sérieux et de méthode, le fonctionnement de ce que l’on appelle le réseau électrique – ce système invisible mais vital comme le sang qui circule dans nos artères. Prenons une image simple : celle d’un verre. Un verre dans lequel, à chaque instant, entre et sort un liquide. Ce liquide, c’est l’électricité. Ce qui en sort, c’est la consommation ; ce qui y entre, c’est la production. Et le niveau du verre représente l’équilibre fragile du système tout entier.

Il y a des heures où la demande augmente – des pics soudains de consommation d’énergie. Alors, pour éviter que le niveau du verre ne chute, il faut injecter plus d’électricité, produire davantage. À l’inverse, lorsque la consommation faiblit, il faut savoir restreindre la production, car trop remplir ce verre, c’est risquer le débordement – c’est provoquer la noyade du système.

Ci-dessous, nous avons une reproduction graphique de ce processus de régulation. La ligne jaune correspond à la consommation réelle, l’eau qui entre, l’eau qui sort – c’est le flot électrique, ce sang invisible du monde moderne. Mais ce flot ne se régule pas de lui-même. Il obéit à des prévisions, à des projections, à cette ligne verte, anticipation de ce que l’on consommera, de ce que l’on produira. Et la ligne rouge ? Ce n’est rien moins que le plan, la programmation technique. Ils sont les gestes du système électrique espagnol qui, tel un grand organisme nerveux, active ou désactive ses organes – turbines, centrales, éoliennes – pour répondre à la demande prévue. À 20 h 05, on prévoit 27 000 MW. À 20 h 30, il faut en fournir 31 000. Alors on allume. On pousse les machines. On fait monter la pression.

Un black-out comme celui qui frappa l’Espagne le 28 avril ne peut s’expliquer que de deux manières. D’un côté, une production trop importante d’électricité provoque une « surchauffe » et saute, à l’instar d’un fusible électrique. Le verre d’eau déborde. D’un autre côté, une consommation trop importante peut épuiser les capacités du réseau. Le verre d’eau est à sec.

Le gouvernement espagnol semble pencher pour cette seconde explication. En effet, Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, s’est exprimé dans la nuit de lundi, révélant qu’à peine quelques instants après 12 h 30, une rupture brutale et inexplicable s’est produite dans le système énergétique national : quinze gigawatts, soit près de soixante pour cent de l’électricité consommée à cet instant précis, se sont volatilisés en cinq secondes, comme happés dans un néant silencieux. « Jamais pareille chose ne s’était produite », a-t-il déclaré.

Cette perte foudroyante de la capacité de production est à l’origine du désastre sans précédent qui a précipité l’ensemble de la péninsule dans une obscurité absolue. Quant aux causes profondes de ce naufrage technique, elles demeurent, pour l’heure, entourées d’un épais mystère. Selon les propos mêmes de M. Sánchez, ni les ingénieurs ni les experts les plus chevronnés n’ont encore su désigner l’élément déclencheur de cette étrange disparition de mégawatts – un phénomène qui échappe, pour l’instant, à toute logique rationnelle. Il a également appelé les citoyens à éviter les spéculations et à suivre uniquement les sources officielles [1].

Voilà donc le gouvernement qui, d’un ton docte, annonce : « Nous avons perdu quinze gigawatts. » Perdu, dit-il, comme on perd ses clefs ou un ticket de métro. Quinze gigawatts, évaporés comme par magie – l’Espagne, pateline et distraite, se serait promenée avec cette charge colossale dans la poche, l’aurait semée quelque part entre Madrid et Séville, sans que personne n’en fût alerté jusqu’au moment fatidique où le noir s’abattit sur la nation, tel un suaire sur un cadavre.

Et l’on s’imagine, dans un éclat d’absurde, quelque ministre effaré, fouillant ses poches vides avec l’air éploré d’un domestique pris en faute : « Je vous jure, ils étaient là il y a un instant… » Mais enfin, où donc les avez-vous donc fourrés, ces gigawatts ? Sont-ils tombés dans un trou noir administratif, un gouffre budgétaire, ou bien ont-ils été balayés par ce vent d’incompétence qui souffle de plus en plus fort sur les institutions ? Et surtout – question bien plus grave – quel phénomène, quelle main invisible, quel événement abyssal a pu provoquer cette soudaine et mystérieuse évaporation de puissance ?

Mais voilà : pour le citoyen paisible, ce citoyen à qui l’on a appris à ne jamais comprendre et à toujours croire, tout cela a l’air très logique. Quinze gigawatts, et tout s’éteint. Cela va de soi, n’est-ce pas ? Comme si l’électricité était un fût de vin percé qui se vide dans la cave sans que nul ne s’en rende compte. Or, ce que l’on tait, ce que l’on n’ose plus dire de peur de troubler l’ignorance satisfaite, c’est que le réseau électrique, ce réseau tissé avec rigueur et prévoyance, n’est pas un jouet mécanique qu’un souffle suffit à faire tomber. Ce n’est pas un décor de carton que le vent de la négligence renverse au premier faux pas. Il y a là-dedans des relais, des sauvegardes, des cloisonnements pensés pour précisément empêcher l’effondrement que l’on nous présente aujourd’hui comme un fait accompli.

Car l’électricité ce ne sont point des gigots que l’on trimbale dans des sacs, ce sont des électrons qui dansent frénétiquement dans des câbles tendus d’un bout à l’autre du pays. Le tout est conçu pour tenir bon, pour isoler la faille, pour contenir l’accident – et non pour s’évanouir d’un bloc comme une armée de fantômes à la première alerte. Ce réseau, cette toile tendue sur tout le territoire, est une forteresse. Il peut plier localement, il peut fléchir ici où là, mais tomber, s’effondrer intégralement ? Non. Cela est contraire à son essence.

D’ailleurs, Pedro Sánchez lui-même – cet homme que l’on ne saurait accuser d’excès de lucidité – l’avait dit avec ce ton inspiré que prennent les chefs lorsqu’ils croient dire vrai : « Le zéro électrique est une impossibilité technique. » Et pourtant, voici qu’on nous le sert froid, comme une soupe réchauffée dans un réfectoire de caserne. L’impossible est devenu banal. Voilà le progrès.

Fort heureusement, l’Espagne n’a pas manqué d’hommes encore capables de lire, de douter, et d’interroger le réel – c’est-à-dire, en ces temps de foi médiatique, de véritables hérétiques. À l’image de ces architectes et ingénieurs américains qui, jadis, osèrent mettre en pièces la fable du 11 Septembre au nom des lois élémentaires de la physique, voici que des électriciens, moins versés en rhétorique mais non moins affûtés dans leur domaine, ont émergé des marges. Et, presque aussitôt, un graphique surgit, comme un éclair dans la nuit, troublant l’ordre établi du récit officiel.

Ce que l’on vous présente ici, ce n’est pas un simple graphique. C’est une radiographie, une autopsie presque. Celle de ce qui s’est joué lundi dans les entrailles du réseau électrique espagnol, et que personne, bien sûr, ne vous expliquera ainsi. Les esprits libres de la péninsule, ceux qu’on appelle avec dédain « complotistes », murmurent deux noms, évoquent deux puissances étatiques – deux mains gantées peut-être agissant d’un même mouvement – qui auraient tiré les leviers dans l’ombre.

 

a) La piste marocaine

Intéressons-nous tout d’abord aux deux perturbations qui précèdent la chute du réseau électrique espagnol. Soudain, la ligne de tension s’anime, prise de spasmes brutaux : elle grimpe, chute, puis remonte encore dans un mouvement incohérent, convulsif. Ces sursauts, ces pointes anormales ne sauraient être le fruit du hasard. Leur origine, nécessairement, s’inscrit dans l’une des quatre causes identifiables par toute intelligence méthodique.

La première est d’ordre naturel : de rares phénomènes atmosphériques ou de brutales variations de température pourraient, en théorie, produire ces altérations – un réchauffement fulgurant, une contraction ou dilatation des câbles, des perturbations imprévisibles venues du ciel. Mais hier, l’AEMET (l’agence météorologique nationale) fut formelle : nulle anomalie n’a été constatée, ni sur le front thermique, ni dans l’ordre des cieux. Le ciel fut calme, docile. Nous pouvons donc, sans réserve, exclure ce premier facteur.

La deuxième hypothèse renvoie à la panne, à la rupture, voire au sabotage. Or, cette piste est peu plausible. La nature même du réseau espagnol l’exclut. Ce réseau n’est pas une simple ligne qu’on sectionne d’un coup de cisaille ; c’est une toile, un maillage dense, pensé pour la résilience. Qu’un point cède, et le reste s’adapte, détourne, contourne. Une ligne tombe, mais l’énergie continue de circuler. Une panne ne saurait donc engendrer une perturbation généralisée.

Reste la main de l’homme. Une erreur, peut-être ? Un geste maladroit, une opération hasardeuse ou inopportune ? Ce scénario est jugé improbable. Trop de garde-fous, trop de contrôles, trop de protocoles. Que l’on débranche ou enclenche un composant d’importance par inadvertance semble relever de l’exception, non de la norme. Ce n’est pas impossible, certes, mais peu crédible.

Enfin, la dernière hypothèse, la plus contemporaine, la plus inquiétante aussi : celle du coup invisible, du coup digital : la cyberattaque. Chaque jour, le réseau espagnol affronte plus d’un millier de ces offensives muettes. Elles visent des cibles précises : entreprises, infrastructures, parfois même des usines. Elles sont localisées, souvent contenues avant de faire mal. Mais si un jour l’une d’elles devait se glisser entre les mailles, ruser les défenses, et atteindre le cœur même du système… alors oui, nous pourrions assister à ce genre d’anomalie.

Il advint que plusieurs centrales électriques espagnoles signalèrent un phénomène pour le moins singulier : une surtension persistante. Là où les lignes devaient sagement ronronner à 220 GW, elles se prenaient de soubresauts, oscillant audacieusement entre 220 et 240 GW. Caprice de l’atmosphère ? Pulsion du soleil andalou ? Certains ingénieurs évoquèrent la possibilité d’un élément extérieur perturbateur, d’un déséquilibre, sinon surnaturel, du moins assez intelligent pour faire jaillir des pics de tension des entrailles mêmes des plaques photovoltaïques, ces autels modernes dressés au dieu Climat.

Il suffirait de quelques manipulations habiles, de modestes sabotages bien placés sur ces vastes champs solaires, pour qu’une réaction en chaîne se déclenche : surchauffe, décharge involontaire, emballement du système. Et soudain, le réseau national devient la proie de sursauts nerveux, comme un cheval effrayé par un bruit qu’il est seul à entendre.

Mais ce n’était là qu’un prélude. Car voilà que surgit le Centre cryptologique national, branche du Centre national d’information – notre équivalent ibérique des grandes chapelles du renseignement. Ces messieurs, qui voient des menaces là où nous ne voyons que lignes électriques, annoncent qu’une activité « inhabituellement intense » émanant du nord de l’Afrique avait été détectée peu avant le grand blackout qui plongea l’Espagne et le Portugal dans le noir [2]. Une coïncidence ? Voyons.

Mais à peine eu-t-on le temps d’envisager un cyber-assaut transcontinental, que – par une de ces pirouettes bureaucratiques dont les services secrets ont le secret – les mêmes sources déclarèrent, quelques heures plus tard, qu’en réalité, « cela ne venait pas du Maroc » [3]. Ah bon ? Et d’où alors ? Du désert ? D’un mirage ? Ou peut-être... de nulle part.

Alors que croire ? La première version ou la seconde ? Ou aucune des deux ? Faut-il en conclure que le CNI parle en deux langues, selon le vent qui souffle sur les bureaux de Madrid ? Ou que quelque main invisible – plus politique qu’électrique – aurait gentiment suggéré à nos agents de réviser leurs conclusions ? Et si le renseignement n’était plus qu’un instrument au service d’une narration changeante, une fable fluide qu’on adapte selon les nécessités diplomatiques ou économiques ? On nous demande de ne pas poser trop de questions. Alors, naturellement, nous en poserons deux fois plus.

 

b) La piste française

Si l’on revient au graphique que nous avons examiné plus tôt – ce funeste sismogramme d’un désastre électrique –, une évidence crève les yeux : avant que le réseau espagnol ne rende l’âme, il y eut une ultime flambée, un jaillissement d’énergie. Voilà qui ruine sans appel la version aseptisée du gouvernement de Madrid, selon laquelle une brutale perte de quinze gigawatts aurait précipité l’effondrement. Non : ce ne fut point la pénurie, mais bien l’excès qui accéléra la ruine.

Mais d’où provenait cette orgie de kilowatts ? L’Espagne moderne, bardée de ses oripeaux écologiques, se fie à un aréopage hétéroclite de générateurs : le solaire, l’éolien, l’hydroélectrique, le cycle combiné – ce dernier carburant aux hydrocarbures ou à l’atome, résidus d’un monde que l’on feint de renier. Au cœur de cette mosaïque, les énergies dites « renouvelables » forment un corps capricieux, lunatique, tributaire des vents et des astres. Le blackout n’est pas survenu par hasard à midi – moment où les panneaux solaires, en pleine extase photonique, vomissaient leur offrande. Le système, incapable d’absorber ce flux impétueux, céda. Comme un vase que l’on emplit sans cesse, il déborda, et le pays sombra dans une nuit artificielle.

Faut-il en accuser le ciel ibérique ? Non, car des dispositifs existent pour éviter pareille issue. Le gestionnaire de réseau a le pouvoir, comme un chef d’orchestre, d’éteindre les sources inutiles, de doser le flux, de vendre même les surplus à ses voisins. Et là réside un détail capital, que les experts feignent d’oublier : l’Espagne est une forteresse énergétique. Depuis que l’Union Européenne s’est elle-même coupée du gaz russe, l’Espagne est devenue une île de production au milieu d’un continent famélique. Forte de ses installations renouvelables, elle produit sa propre énergie, et souvent même plus qu’il ne lui en faut. Alors, docile aux dogmes du libre-échange technocratique imposé par les cénacles bruxellois, elle exporte. Vers le Portugal, vers le Maroc, mais surtout vers la France. Cette France, orgueilleuse de ses réacteurs, se fait alors passeuse d’électricité, courtier d’un trop-plein qui traverse les frontières et va gonfler les veines énergétiques de l’Allemagne industrielle.

Mais que se passe-t-il si la France refuse soudainement de recevoir le surplus d’énergie espagnole ? Que se passe-t-il si le robinet reste ouvert, mais que le tuyau d’en face est brutalement bouché ? Il se passe ce que tout bon physicien redoute : un reflux, une surcharge, un débordement. Hier, à 12 h 33, le système espagnol a connu un choc brutal : un pic de tension, trois fois supérieur à ce que le réseau pouvait tolérer. Non pas parce qu’il manquait d’électricité – comme le prétendit cyniquement M. Sánchez – mais parce qu’il y en avait trop. Parce qu’au moment même où la France devait absorber ce surplus, elle s’est déconnectée. Délibérément. Et le flot, n’ayant plus d’exutoire, a fait exploser le circuit.

Et c’est là, selon les voix qu’on aime traiter de « complotistes », que réside le vrai scandale : l’effondrement ne fut pas la conséquence d’un échec technique, mais d’un sabotage politique. Ce n’est pas l’Espagne qui chancela, c’est un allié qui, dans l’ombre, retira sa main. Car l’Espagne dérange. Elle produit trop, elle vend trop, elle ose concurrencer la république nucléaire française, fruit d’un demi-siècle de centralisme planificateur. Cette arrogance verte, ce désir d’émancipation solaire, devient insupportable aux yeux d’un ambitieux Macron qui souhaiterait que son pays soit le seul producteur fiable d’énergie, tirant ainsi profit de l’héritage nucléaire légué par le général de Gaule. Alors, il frappe. Non avec des armes, mais avec des prises débranchées.

Et l’on feint ensuite de s’étonner. On décrète que les énergies renouvelables sont instables. Qu’elles manquent de cette « inertie » propre aux centrales thermiques. Et l’on entend déjà les oracles de l’orthodoxie énergétique murmurer leurs mantras : « Il faut revenir au bon sens », « Il nous faut du nucléaire ». Curieux, tout de même, que ce bon sens profite toujours aux mêmes : à la France, riche de ses 59 réacteurs ; au Maroc, promis à l’atome dans les décennies à venir.

Ainsi se referme le piège. L’Espagne, isolée, trop verte, trop libre, se retrouve soumise non plus à la dette, mais à une autre forme de servitude : la dépendance énergétique. On brise son élan, on moque son audace, et sous couvert de stabilité, on l’enchaîne à nouveau. Car dans ce siècle où l’électricité est reine, celui qui contrôle le flux tient la clef du pouvoir. Et celui qui débranche détient la puissance.

Telles sont les élucubrations que colportent avec une assurance prophétique les plus retentissants oracles du complotisme hispanique.

Quelques nuances

Il sied pourtant de ne point s’emballer. L’esprit critique exige, en tout temps, qu’on se garde d’ériger un schéma en dogme sur la seule foi d’un graphique, fût-il saisissant dans sa clarté. L’évidence, si elle existe, réclame toujours davantage qu’un simple tracé sur papier glacé. Et puis, faut-il vraiment prêter à Emmanuel Macron, ce curieux avatar du monde branché – chantre du « Plug, baby, plug ! », slogan aussi grotesque que révélateur – l’ingéniosité d’une manœuvre aussi perverse contre son voisin de l’autre côté des Pyrénées ? L’hypothèse amuse, elle distrait même, tant elle colle à l’image que l’intéressé donne de lui. Mais enfin, à trop vouloir voir un stratège dans chaque pantin, on risque de faire trop d’honneur aux ficelles. Cela dit, reconnaissons-le, ce dernier trait n’innocente pas le président français : sans qu’il soit besoin d’en rajouter dans le mauvais calembour, c’est plutôt un élément à charge qu’à décharge.

Plus sérieusement, Nicolas Meilhan rappelait avec justesse et clarté ce constat sur les ondes de Tocsin : la France est aujourd’hui le cœur battant du réseau électrique européen, le pivot silencieux sur lequel repose l’équilibre précaire d’un continent tout entier. L’Hexagone, avec ses lignes tendues vers le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne, n’est pas seulement interconnecté : il est le garant d’un ordre électrique fragile, dont l’instabilité menace chaque jour davantage.

 

 

Ce réseau, l’Espagne en a fait l’amère expérience, est d’une sensibilité presque maladive : il respire au rythme fixe de 50 Hz. Une production qui vacille provoque une variation. Une fréquence qui grimpe, une tension qui fléchit – et le mécanisme vacille. À ce jeu-là, la France joue un rôle singulier : elle stabilise, elle amortit, elle porte. Grâce à son parc nucléaire, cet héritage industriel que d’autres pays nous envient tout en le méprisant, 70 % de notre électricité est générée avec une constance qui confère à notre réseau une inertie précieuse.

Au cœur de ce dispositif, les « grosses machines tournantes », comparables à des dynamos géantes, incarnent une sagesse technologique : elles absorbent les chocs, ralentissent ou accélèrent selon les besoins du système, offrant à cette Europe fébrile le luxe d’un équilibre. Mais ce rôle de gardien n’est pas sans coût. Il épuise nos centrales, accélère leur vieillissement. Un moteur ne s’use que lorsqu’on le malmène, et l’on ne malmène pas impunément les joyaux de la France atomique. Si l’on veut conduire nos réacteurs jusqu’à quatre-vingts années de service, il faudra cesser de les employer comme des freins d’urgence pour une Europe ingouvernée.

Lorsque la fréquence chute – comme ce fut le cas, semble-t-il, en Espagne –, la machine s’arrête d’elle-même, par réflexe de survie. Et c’est alors à EDF de trancher : protéger la France, ou maintenir la solidarité continentale. Le choix est vite fait. Couper l’interconnexion n’est pas une agression : c’est un acte de salubrité publique. La France, en se retirant, ne trahit pas l’Europe : elle la sauve d’elle-même. Mais dans le geste, l’Espagne s’effondre.

Ce système – que d’aucuns appellent « marché » – est en réalité un échafaudage de dépendances mutuelles : nous dépendons de l’Autre quand il y a trop, quand il y a trop peu, quand nous sommes sûrs de notre force ou tremblants dans notre pénurie. Ce n’est plus une coopération, c’est une chaîne d’impuissances croisées. Et dans ce théâtre électrique, chacun se repasse la patate chaude électrique en espérant qu’elle n’explose pas dans sa propre main.

 

 

Cette fois, le malheur a frappé l’Espagne. Mais, comme l’a dit Meilhan cela aurait pu parfaitement se produire en France, peut-être même que cela a failli arriver et qu’on en est passé à deux doigts. Nous dansons au bord d’un gouffre, les yeux rivés sur le compteur.

L’avenir seul lèvera le voile sur le sens véritable du black-out espagnol. S’agit-il d’un coup porté dans l’ombre, une estocade sournoise infligée à un rival dont la présence, sur l’échiquier énergétique européen, devenait trop encombrante ? Si tel est le cas, il ne faudrait point se fier aux maximes des vieux almanachs : la foudre, loin de respecter les proverbes, pourrait bien s’abattre derechef sur la péninsule ibérique. Mais s’il fallait voir là un acte mûrement réfléchi, une manœuvre froide dictée par la nécessité de préserver la stabilité du réseau français – ce cœur battant du système énergétique continental – alors nul n’est à l’abri. Car ce qui frappe l’un, demain frappera l’autre. Et la France, à son tour, devra peut-être s’éclairer à l’aide de bougies.

Fernand le Béréen

 

 
 






Alerter

35 Commentaires

AVERTISSEMENT !

Eu égard au climat délétère actuel, nous ne validerons plus aucun commentaire ne respectant pas de manière stricte la charte E&R :

- Aucun message à caractère raciste ou contrevenant à la loi
- Aucun appel à la violence ou à la haine, ni d'insultes
- Commentaire rédigé en bon français et sans fautes d'orthographe

Quoi qu'il advienne, les modérateurs n'auront en aucune manière à justifier leurs décisions.

Tous les commentaires appartiennent à leurs auteurs respectifs et ne sauraient engager la responsabilité de l'association Egalité & Réconciliation ou ses représentants.

Suivre les commentaires sur cet article

Afficher les commentaires précédents
  • #3527581

    Il faudrait rappeler que le prix du spot est devenu négatif par contrecoup du pic de production photovoltaïque et q les producteurs ont coupé le jus instantanément pour ne pas avoir à payer pr produire.
    Pas besoin de chercher un complot en se persuadant que l’espagne est un modèle que la France veut mettre à mal, les tordus qui nous mènent à l’abattoir nous font payer le prix qu’ils veulent. Ce modèle " renouvelable"qui ne cherche pas à produire du jus puisque c’est le pognon qu’il cherche. Les producteurs st payés pour produire et indemnisés pour ne pas produire, ils gagnent à chaque fois.

     

    Répondre à ce message

  • #3527605
    Le 5 mai à 19:44 par rectificateur
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Le graphique de l’article est illisible... dommage. Il aurait été judicieux de donner un lien pour remonter à la source.

    Et sinon, comme cela a déjà été dit, les lignes ne peuvent pas "ronronner à 220 GW" (une puissance monstrueuse de plus du double de ce que la France peut produire !).

    S’il s’agit de tension, ce sont des volts... mais en Europe c’est désormais 230 V.

     

    Répondre à ce message

    • #3528096
      Le 7 mai à 09:40 par Fernand le Béréen
      Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

      Vous trouverez le graphique sur le compte X de Ruben Gisbert (le sosie espagnol de Julien Rochedy). Son compte X est suivi par 160k followers et sa chaîne youtube compte près des 700k abonnés

       
  • #3527714
    Le 6 mai à 07:18 par Éruptions solaires
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Le Soleil est actuellement dans son 25e cycle d’activité solaire, qui a commencé fin décembre 2019 et devrait se terminer en 2030. Nous sommes proches du maximum solaire, qui devrait être atteint entre 2023 et 2025. Ce maximum est une période où les éruptions solaires sont à leur apogée, et il y a une probabilité importante d’apparition de tempêtes solaires de catégorie M et X.
    Depuis plusieurs mois, notre planète est confrontée à une intense activité éruptive en provenance du Soleil, ce qui a entraîné la multiplication des éruptions solaires à sa surface. Cette période d’activité intense se manifeste par la présence de plus d’une centaine de taches solaires à sa surface.
    Il est important de noter que la communauté scientifique travaille à rendre les réseaux électriques moins vulnérables aux effets d’une éruption solaire et à développer des outils de navigation et de communication très performants en cas de perturbation des satellites.
    Bien que les éruptions solaires puissantes puissent perturber les systèmes de télécommunication et de navigation par GPS, ainsi que provoquer des pannes d’électricité, les scientifiques estiment que le risque d’un événement apocalyptique est infime …

     

    Répondre à ce message

    • #3527832

      Une éruption solaire...
      qui n’aurait affecté, eu de conséquences qu’en Espagne et au Portugal...
      Avec tout votre respect, je préfère ranger ce scénario dans la boîte de toutes les "craintes millénaristes" (Zemmour) comprenant :
      . l’accident atomique "civil" (type Tchernobyl 2) mais surtout
      . le rejet purement rationaliste du désir d’enfants
      . le mathusianisme écologique dans toutes ses formes (veganisme)
      . le cataclysme qui va tous nous balayer...
      Autant de symptômes d’une société qui a perdu la foi en Dieu.

       
  • #3527733
    Le 6 mai à 08:17 par ramon mercader
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Prochainement dans votre région...

     

    Répondre à ce message

  • #3527758

    Après avoir écouté (sur le net) plusieurs spécialistes en ce domaine, l’article d’E&R est une impeccable synthèse. Pour ma part, j’en tirerai plusieurs conséquences dont la plus inquiétante (de mon point de vue) est l’interdépendance de tous les pays de l’UE qui ressemble de plus en plus à un noeud qui enserre de plus en plus dangereusement les ex-nations embourbées dans ce piège.

    Si de + en + de personnes appellent de tous leurs voeux à la récupération de notre souveraineté, l’exemple de ce "black out" en rappelle l’urgence et la nécessité vitale. Car, ne nous y trompons pas, rupture due à la complexité délirante du système de production-distribution-régulation-facturation ou à un piratage malfaisant, le résultat est que plus la survie et le bon fonctionnement d’un pays dépendent de nombreux fournisseurs extérieurs et plus ce pays est fragilisé. Simple bon sens...

    Et pour tirer les bonnes leçons de ce dernier avatar d’une Europe destructrice de liberté et d’intelligence stratégique, l’on songera à tous les survivalistes qui, eux, savent au moins quoi faire en cas d’effondrement des services collectifs vitaux ! Pour ma part, une grosse partie de ma vie s’étant passée en Afrique et en brousse (vie sommaire intégrale), j’ai toujours des lampes à pétrole et une Pétromax (le nec plus ultra en matière d’éclairage alternatif !) chez moi.

    Bon stockage à ceux qui anticipent ;-)

     

    Répondre à ce message

  • #3527912
    Le 6 mai à 18:24 par Haute Patrie
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Là de suite comme ça je ne comprends pas l’ironie de savoir où est passée la puissance d’un système que vient de s’éteindre. Si tu coupes le courant, la puissance passe de autant de mégawatts que tu veux à 0. Chaque moyen de production ayant un système de régulation et éventuellement de délestage pour s’adapter : Réduction de la combustion quelle que soit l’énergie, refroidissement de la vapeur d’eau qui entraîne les turbines, réduction du débit d’eau pour les hydrauliques etc.



    Lorsque la fréquence chute – comme ce fut le cas, semble-t-il, en Espagne –, la machine s’arrête d’elle-même



    Par contre cette histoire de fréquence est primordiale. Elle doit être ultra précise, et comme dit dans l’article, si c’est bel et bien la France qui compense les variations de fréquence avec ses turbines, effectivement il y a des limites.

    Pétrole, gaz, gazoducs, sanctions, guerre, idéologie climato-alarmiste soutenant l’idéologie carboniphobique justifiant les taxes carbones, explosion du prix des énergies avec ventes à l’étranger pour rachat de sa propre consommation avec une augmentation de 200% correspondant à un racket pur et simple des marchés (donc des parasites financiers qui continueront à nous voler et nous massacrer tant que nous ne les massacrerons pas nous mêmes), bref, cette panne s’inscrit très probablement dans la démarche actuelle de spoliation mondiale de la populace par l’énergie.

    Et pour faire péter un réseau, la fréquence est un paramètre bien plus simple à trafiquer et bien plus compliqué à compenser que la puissance qui ne nécessite que des coupures en cas de surproduction et de surdemande, et utiliser le maillage mis en place pour équilibrage.

    Il y a autant de chances que ce ne soit pas volontaire que lors de la catastrophe de Tchernobyl...
    À part que là ce ne sont pas les américains mais probablement la France, mais comme les 2 sont des tapins de l’Angleterre, à la fin c’est le même décisionnaire.

    Sanction pour plomber l’économie ? Représailles politiques ? Menace pour négociations économiques ?
    Arrêt de la correction de la fréquence ? Altération volontaire de la fréquence par injection ?
    Action sur la régulation de la fréquence par les systèmes informatisés donc attaque informatique ?

    Cette histoire n’est probablement pas finie ...

     

    Répondre à ce message

  • #3528103
    Le 7 mai à 09:58 par STORM500
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Pedro Sanchez vient de déclarer :

    « Méfiez-vous de ceux qui vous disent que cela concerne les énergies renouvelables ou le nucléaire, car ce n’est pas le cas. Rien ne prouve que cela soit dû à un excès d’énergies renouvelables ou à un manque d’énergie nucléaire. »

    J’espère que c’est clair pour tout le monde. Ce con est mis en place par les mondialistes pour détruire sa population comme macron, ce qui inclut le système énergétique, donc réaliser des tests de coupure d’électricité sur sa population

     

    Répondre à ce message

  • #3528128
    Le 7 mai à 11:17 par Friedrich Engels
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    La France et le Maroc obéissent aux E.U. Il faut arrêter de considérer ces colonies comme ayant une volonté propre.

     

    Répondre à ce message

  • #3528340

    Bonjour,

    Il n’y a qu’une seule façon pour faire chuter un réseau électrique d’autant de puissance en une seule fois et en même pas une seconde ! Il faut mettre à la terre accidentellement ou volontairement la source de production qui va instantanément créer un black out général qui va durer plus ou moins longtemps selon la configuration du restart de la production, mais dans tous les cas c’est très dangereux, j’ai déjà personnellement causé ce genre de black out dans une mine en Afrique lors d’essai, j’ai mis une cellule fermée à la terre en pensant quelle était ouverte, l’erreur est humaine, j’ai déchargé plus de 30 MG en même pas une seconde j’aurais pu mourir ce jour là grâce à Dieu je suis toujours vivant.

    Que cet incident soit volontaire ou accidentel, cela indique deux choses, dans le cas ou c’est volontaire à l’échelle nationale il faut mettre à la terre plusieurs centres de production en même temps pour créer un black out national, si c’est accidentel il y a un gros problème de production ou de gestion du réseau ibérique ce qui à l’avenir va leur causer beaucoup de problèmes...

     

    Répondre à ce message

  • #3530216

    C’est tiré par les cheveux ton truc, qu’est-ce que le Maroc viendrait faire là-dedans ??

     

    Répondre à ce message

Afficher les commentaires précédents