Dans son dernier livre, Chirac, la vie d’après, le journaliste Bruno Dive détaille les rapports entre celui qui fut président de la République de 1995 à 2007 et l’actuel Grand Rabbin de France, Haïm Korsia.
Une relation qui n’est pas sans rappeler celle de George-Marc Benamou, ancien journaliste du mensuel officiel de la communauté juive L’Arche, avec un François Mitterrand agonisant, dont il était devenu le plus proche ami.
Bruno Dive donne quelques détails à propos de Jacques Chirac et Haïm Korsia :
« Avec le rabbin Haïm Korsia, il a de longues discussions philosophiques. Jacques Chirac n’ose plus appeler “rabbinou” celui qu’il connaît depuis la fin des années 70, mais qui est devenu en 2013 le nouveau grand rabbin de France. L’ancien président a toujours eu le respect des grades et des hiérarchies. “Il a une bonne connaissance du judaïsme, assure Haïm Korsia. Les cultures qui transmettent le passionnent.” Chirac aime à dire : “Quand les juifs arrivent quelque part, ils construisent une école ; quand les catholiques s’installent quelque part, ils construisent une église. Je préfère les premiers.” Encore un beau sujet de discussion et de conflit avec son épouse ! “Vous n’allez pas vous convertir au judaïsme, au moins”, lui lance un jour Bernadette Chirac. Laquelle s’est efforcée d’éloigner le rabbin de son grand homme. Alors c’est chez lui, chez Haïm Korsia, que Jacques Chirac se rend parfois, en secret, le samedi après-midi. »
Ce nouvel élément ne vient que confirmer la force des liens qui unissent de longue date Jacques Chirac à la communauté juive. On se rappelle que tout au long de sa carrière, l’ancien président de la République a par exemple respecté scrupuleusement le « serment du B’naï B’rith ». Pris par les partis de la « droite parlementaire » en 1986 devant les loges de cette maçonnerie juive, cet engament de ne jamais s’allier avec le Front national a été confirmé par Jean-Luc Scemama, le président du B’naï B’rith, dans le livre Le Pen, Mégret et les juifs d’Olivier Guland (La Découverte, 2000) :
« Il est parfaitement exact que le chef de l’État s’est engagé devant nous à ne jamais passer d’alliances avec le Front. »
Quelques semaines après son élection à la présidence de la République, Jacques Chirac avait officialisé l’idée d’une responsabilité de la France dans la déportation des juifs (ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait accepté de faire), rompant ainsi, lors de son tristement célèbre discours du Vel d’Hiv du 16 juillet 1995, le consensus établi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le Général De Gaulle :
« Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, secondée par l’État français. La France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Nous conservons à l’égard [des déportés juifs] une dette imprescriptible […] Reconnaître les fautes du passé, reconnaître les fautes commises par l’État, ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une dignité de l’homme, de sa liberté, de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’œuvre. Cet incessant combat, c’est le mien autant que le vôtre. »