Le 27 juin dernier, Alexandre Douguine annonçait que sa nomination comme directeur du département de sociologie des relations internationales à l’université d’État de Moscou (MGU) avait été annulée.
Il y a un mois, le philosophe et géopoliticien s’était vu attribuer cette chaire, mais le recteur de l’université a expliqué la semaine dernière ce revirement par l’implication politique de Douguine, expliquant ainsi que l’université avait pour objet des activités scientifiques et non pas politiques.
Penseur de l’eurasisme, Alexandre Douguine a eu une influence idéologique importante sur la politique du Kremlin ces dernières années. Sur sa page vk.com (Facebook russe), il considère que par son licenciement, il « paye » son soutien trop prononcé à « Novorossiya » (Nouvelle-Russie, Ukrainiens pro-russe) et notamment une interview donnée après le drame d’Odessa où 40 personnes avaient péri dans l’incendie de la Maison des syndicats déclenchés par les partisans du régime de Kiev. Dans cette interview, Douguine avait déclaré :
« Tant que ces cloportes de Kiev sont au pouvoir, aucun Russe ne pourra trouver le repos. Il faut tuer, tuer, tuer. Et rien d’autre. »
Une sortie qui avait entraîné une levée de boucliers notamment dans la presse occidentale, mais également en Russie, sur Internet, où une pétition avait été signée par plus de 10 000 personnes dans les milieux hostiles à la politique de Vladimir Poutine.
Douguine en personne est donc revenu sur sa suspension :
« À la fin du mois de mai la tenue du haut conseil scientifique de la MGU a eu lieu, suite auquel j’ai été sélectionné après le concours pour le poste de directeur du département de sociologie des relations internationales. Apres cette décision j’ai écrit une déclaration sur ma nomination à ce nouveau poste. Ainsi je ne suis plus le professeur sur une base hors budget. Mercredi [25 juin NDLR] le directeur administratif Dobrenkov m’a dit que l’ordre de ma nomination avait été annulé par le recteur, que la décision du haut conseil scientifique a été annulée par la décision d’une personne pour la première fois dans l’histoire du MGU, et que je ne serais ni a la tête du département, ni professeur, mais personne. »
Il s’est ensuite interrogé :
« Quels sont les “cercles” qui ont forcé le recteur de MGU, Sadovniciy, a prendre cette décision, je ne peux que deviner. Le recteur a donné une explication assez étrange de sa décision : d’après lui “le MGU est un lieu pour la science et non pour la politique et Dougine, s’est”, soi-disant, “trop passionné pour la politique”. Mais ce qui suit est intéressant : la place de directeur du département de sociologie des relations internationales a été proposée à Jirinovski. Peut être que Jirinovski n’a aucun rapport à la politique et se consacre exclusivement à la science pure. »
Une touche d’ironie de la part de Douguine, tant Vladimir Jirinovski est un vieux routier de la politique russe. Si Vladimir Jirinovsky, né Eidelstein, a soutenu une thèse de philosophie à l’université d’État de Moscou (1988), il est surtout très lié au FSB, ayant été un agent du KGB. Personnage truculent, ne connaissant pas la langue de bois, il est à la tête du troisième parti du pays, le LDPR (Russie juste), à la tête duquel il incarne un discours national-populiste anti-occidental. Le choix de Jirinovski sur Douguine, s’il venait à être confirmé, ne pourrait toutefois pas être analysé comme un virage idéologique, mais comme une conséquence d’un jeu de chaises musicales au sein des élites politiques et intellectuelles russes confrontées à un contexte national et international à haut risque.