Au début de l’année 2014, Alain Soral a porté plainte contre Manuel Valls pour injure publique et diffamation.
Le 27 novembre 2013, le Parti socialiste organisait une réunion publique intitulée « Grand meeting de défense de la République contre les extrémismes » à la Mutualité de Paris.
Au cours de cette réunion, M. Valls invectivait une nouvelle fois Alain Soral en prononçant notamment les propos suivants, relevés par constat d’huissier :
Suite à cette énième attaque agressive et mensongère, Alain Soral a décidé de déposer une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre Manuel Valls, pour injure publique envers un particulier et diffamation publique envers un particulier.
Suite à la plainte, un juge d’instruction a été saisi. Or, ce dernier s’est jugé incompétent au motif que Manuel Valls serait intervenu en qualité de ministre de l’Intérieur.
Pour rappel, il est possible de poursuivre les ministres dans les conditions suivantes :
devant une juridiction de droit commun lorsqu’ils ont commis un délit en dehors de leur fonction ministérielle ;
devant la Cour de justice de la République lorsqu’ils ont commis un délit en tant que membre du gouvernement.
Dans le cas de l’affaire qui oppose Alain Soral à Manuel Valls, la plainte a été déposée devant la juridiction de droit commun, étant donné que le discours de Manuel Valls a été tenu lors d’un congrès organisé par son parti.
C’est d’ailleurs en évoquant la question des élections municipales que Manuel Valls est intervenu sur le cas d’Alain Soral. On voit donc mal le rapport entre ce discours et sa fonction de ministre. Au contraire, il paraît très clair que ce meeting était une réunion politique du Parti socialiste et c’est bien en tant que militant de ce parti que Manuel Valls s’est exprimé.
Malgré cela, le juge d’instruction s’est déclaré incompétent, considérant que c’est la Cour de justice de la République et non pas la juridiction de droit commun qui devait être saisie. L’avocat d’Alain Soral a contesté cette décision en saisissant la chambre de l’instruction afin de faire annuler l’ordonnance d’incompétence rendue par le juge.
L’audience devant la chambre de l’instruction s’est tenue le 10 mars dernier. Le procureur de la République s’est alors, lui aussi, rangé de l’avis du juge d’instruction… Une position surprenante, tant le caractère militant de l’intervention de Manuel Valls le 27 novembre 2013 semble évident.
Cette position n’est sans doute pas sans lien avec les limites qu’un recours devant la Cour de justice de la République imposerait. En effet, il est important d’avoir à l’esprit que celle-ci est une juridiction d’exception. Sa composition est partiale et contraire à toute indépendance (12 parlementaires et 3 magistrats).
Cette procédure d’exception confère, en pratique, une quasi-immunité aux ministres.
Les plaintes sont d’abord filtrées par la Commission des requêtes, qui décide du bien-fondé de la plainte sans possibilité de recours. Cela a été le cas pour la plainte de Dieudonné contre Manuel Valls ou celle du MRAP, toujours à l’encontre du Premier ministre, pour ses propos sur les Roms, qui ont toutes deux été rejetées par la Commission.
Pour rappel, en 2013, Manuel Valls avait déclaré, à propos des Roms, qu’ils étaient des « populations qui ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation ». On peut imaginer ce qu’il se serait passé si Jean-Marie Le Pen avait tenu de tels propos…
En quasiment vingt-deux ans d’existence (création en juillet 1993), il n’y a eu que quatre saisines de la Cour de justice de la République – le filtre de la Commission des requêtes fonctionnant apparemment très bien – et trois condamnations. Notre président, François Hollande, avait même proposé sa suppression…
Le délibéré aura lieu le 23 mars 2015.
Le discours de Manuel Valls le 27 novembre 2013 à la Mutualité de Paris (extrait concerné à partir de 8’54) :