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Afghanistan : comment la CIA veut faire pression sur la France

Comment convaincre les Européens, notamment les Français, de s’engager plus en Afghanistan ? Réponse : en les culpabilisant, notamment en faisant parler les femmes afghanes. L’idée viendrait d’un analyste de la CIA. Laquelle ne confirme pas...

Instiller un sentiment de culpabilité aux Français pour avoir abandonné" les Afghans. C’est par ce biais qu’un analyste de la CIA suggèrerait de faire pression pour convaincre la France de s’engager plus avant dans le conflit. Pour cela, il faudrait faire parler les femmes afghanes sur leur peur d’un retour des talibans : "la perspective de voir les talibans écraser les progrès durement arrachés dans des domaines comme l’éducation des filles pourrait provoquer l’indignation des Français, polariser une population française largement sécularisée, et enfin donner aux électeurs une bonne raison de soutenir une cause juste et nécessaire en dépit des victimes" militaires.

La France n’est bien sûr pas la seule visée. Il y a aussi l’Allemagne. Les contingents allemand et français sont respectivement les troisième et quatrième par ordre de grandeur au sein de la coalition en Afghanistan. Et au-delà de Paris et Berlin, c’est toute l’Europe, de plus en plus hostile à un conflit afghan qui s’éternise sans que les populations européennes n’en voient les résultats tangibles, qui est visée. Le texte cité provient du site WikiLeaks.org, spécialisé dans les contenus sensibles. Contactée, la CIA a refusé d’authentifier le document. Mais WikiLeaks s’est déjà illustré en publiant des documents émanant du gouvernement américain ou d’entreprises privées.

"Donner un visage humain" à la mission de l’Isaf

L’insurrection des talibans, chassés du pouvoir fin 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, ne cesse, depuis plus de deux ans, de gagner en intensité dans la quasi-totalité du territoire, infligeant des pertes de plus en plus lourdes aux forces internationales, dont les deux tiers sont américaines. Or la communauté internationale, qui a dépensé des milliards de dollars dans la lutte contre les talibans, n’a consacré que peu d’argent à des projets de développement, ce qui, avec les victimes civiles des opérations militaires, ne contribue pas à rendre la coalition internationale populaire dans le pays.

La France, mise sous pression par les Etats-Unis pour envoyer des renforts, fait la sourde oreille, au risque de créer des tensions. Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a indiqué devant le Sénat que Paris avait résisté à une "injonction très ferme" sur l’envoi de renforts en Afghanistan, réclamés fin 2009 par Washington et l’Otan. Plus récemment, c’est un haut gradé français, le général Philippe Got, de l’Etat-major des Armées à Paris, qui a fait savoir que la France refusait de voir la mission de la Force de réaction rapide de l’Otan "dévoyée" pour combler les lacunes sur certains théâtres d’opérations de l’alliance, comme l’Afghanistan.

L’expert du renseignement américain cité dans le texte présenté par WikiLeaks, et daté du 11 mars, revient lui-même sur la popularité vacillante de l’offensive en Afghanistan auprès des Européens. "Le ton du débat suggère qu’une augmentation du nombre de morts et de blessés du côté des troupes françaises ou allemandes, ou au sein de la population afghane, pourrait bien transformer l’opposition jusque là passive au conflit en un appel à un retrait immédiat" des troupes, insiste-t-il. Dans un tel contexte, "les femmes afghanes seraient parfaites pour donner un visage humain" à la mission de l’Isaf auprès des opinions publiques européennes, et notamment française. Dans l’idéal, continue-t-il, les Afghanes pourraient parler de leurs "aspirations et de leur peur d’une victoire des talibans".