Les Palestiniens ont attendu longtemps le discours de Khaled Meshaal, le chef du bureau politique Hamas, le 20 mai dernier à l’occasion de la date anniversaire de la Nakba. La roue de la réconciliation a commencé à tourner et un gouvernement d’unité nationale devrait être bientôt annoncé.
Le discours de 40 minutes de Meshaal a été prononcé depuis ses quartiers au Qatar en présence des dizaines de responsables du Hamas aussi bien que de journalistes, écrivains et hommes politiques arabes et étrangers. Le discours a été diffusé sur les chaînes de télévision Al-Aqsa, Al Quds et et Al Jazeera.
Il s’agissait du premier discours de Meshaal depuis plus de 10 mois. Un responsable du Hamas pour la communication avec les médias qui s’est exprimé devant Al-Monitor, en a attribué la faute « à un manque de développements politiques qui exigent qu’il apparaisse » ajoutant : « Mais [Meshaal] exerce ses fonctions organisationnelles internes et externes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il peut difficilement trouver un minimum de temps libre dans son programme quotidien en raison de ses nombreuses responsabilités et de ses nombreux rendez-vous. »
Alors qu’il n’y avait pas réellement de nouveautés dans le discours de Meshaal en ce qui concerne la vision politique du mouvement Hamas, la réconciliation a dominé son intervention et il a réaffirmé l’objectif « de cesser la division avec le Fatah, de soutenir le gouvernement de consensus en s’unissant pour faire face aux dangers qui le menacent. »
Un dirigeant politique du Hamas qui a contribué à la préparation du discours de Meshaal a dit à Al-Monitor : « Il est naturel que [la question] de la réconciliation prenne plus de 20 minutes [du discours], parce que les Palestiniens ont besoin de mots qui les rassurent face à leurs craintes que la réconciliation n’échoue. Ainsi, le discours a énuméré les aspects positifs de la réconciliation et les aspects négatifs de son absence… Le mouvement a choisi de ne pas exposer [le drapeau du Hamas] lors de la conférence de presse, n’affichant que le drapeau de la Palestine pour signifier la priorité donnée à la question nationale sur les aspects partisans. »
Dans son discours, Meshaal a répété le mot « concession » de multiples fois, disant : « Le Hamas a fait des concessions avec le Fatah. Faire des concessions aux autres est une nécessité que nous ne regrettons pas… [Les concessions] sont un pilier fondamental pour tourner à jamais la page de la division. Elles représentent un grand pas en avant et renforcent considérablement le front interne. »
Les Palestiniens ont exprimé leur satisfaction avec le discours de Meshaal, un étudiant de Naplouse écrivant : « Il a rassuré [les Palestiniens] à propos de la réconciliation. Les concessions faites au Fatah par le Hamas sont des concessions faites d’un frère à un autre et elles illustrent la grande sagesse qui fera en sorte que la réconciliation réussisse. »
Toutefois, Al-Monitor a pu parler avec des membres de second ou troisième niveau du Hamas qui étaient choqués par ce qu’ils voyaient comme « des concessions [très importantes] faites par le Hamas au Fatah » exprimant leur crainte que « le Fatah n’exploite le mot concessions que Meshaal a répété dans son discours, et n’ait le sentiment [d’être en position de force] pour imposer son propre programme au Hamas. »
Du même ton conciliant que celui employé avec le Fatah, Meshaal a invité « les forces de sécurité de Cisjordanie a adopter une comportement qui favorise la réconciliation avec le Hamas. » En effet, depuis que le processus de réconciliation a commencé, il y a eu une augmentation des arrestations de membres de Hamas en Cisjordanie.
Un responsable du Hamas en Cisjordanie, qui s’exprimait devant Al-Monitor sous couvert de l’anonymat, s’est félicité de l’appel de Meshaal, tout en déclarant : « Nous aurions voulu entendre [de la part de Meshaal] des exigences plus fortes à propos des services de sécurité, qui [font tout pour entraver] la réconciliation. Ils ont continué à arrêter nos partisans et nous faisons face maintenant à des pressions quotidiennes de leur part. Ils arrêtent ou menacent [nos membres], et ceux-ci nous demande d’adopter de plus fermes positions pour mettre un terme à ces agressions. »
L’analyste politique Talal Awkal a supposé que le ton conciliant de Meshaal envers le Fatah était un élément d’un discours « au caractère historique, qui a dessiné la politique du Hamas pour l’avenir et a inauguré une nouvelle phase de réunification nationale. [Le discours] était le point culminant des révisions et des changements récemment adoptés par le Hamas et une avancée comme jamais auparavant vers le nationalisme palestinien. »
Meshaal a également parlé de la résistance armée et a usé d’expressions fortes comme : « Le Hamas combat Israël dans ses bastions les plus retranchés. Il n’y aura aucune libération exceptée par la résistance. Nous libérerons la Cisjordanie comme nous avons libéré Gaza. La résistance a remporté [des succès importants]. Personne ne peut circonscrire [le Hamas]. Il n’y a aucune contradiction entre la réconciliation et la résistance. »
Interrogé par Al-Monitor sur l’importance des menaces envers Israël, le responsable du Hamas qui a participé à la préparation du discours de Meshaal a expliqué : « Quand le Hamas a fait des concessions au Fatah pour parvenir à la réconciliation, il se devait de rappeler son choix de la résistance afin d’équilibrer le discours destiné aux Palestiniens, dont les partisans du Hamas. »
Interrogé pour savoir si Meshaal laissait entendre que d’autres soldats israéliens seraient capturés, la même personne a répondu : « Attendons les prochains jours. [Les prisonniers palestinien] sont en grève de la faim depuis un mois, et le Hamas ne mettra pas de côté leurs sacrifices. »
L’affirmation de Meshaal que le Hamas poursuivra ses efforts pour libérer les prisonniers a été largement reprise à travers les médias sociaux et des échanges de messages entre membres du Hamas.
Un responsable palestinien des services de sécurité en Cisjordanie a cependant diminué l’importance des menaces de Meshaal envers Israël dans un interview téléphonique avec Al-Monitor. « Le Hamas craint que ses préoccupations gouvernementales ne se fassent aux dépens de son programme de résistance armée. Meshaal a voulu rappeler à la base du mouvement l’importance de la résistance. Mais nous, dans l’Autorité Palestinienne [de Ramallah] avons un programme politique qui ne veut en aucune sorte une confrontation armée avec Israël, même si c’est le souhait du Hamas. Et je ne le pense pas que nous tolérerons cela après la réconciliation » dit-il.
Le discours de Meshaal a également traité des relations entre le Hamas et les États de la région, mais sans les nommer, excepté le Qatar. Il s’est félicité des positions du Qatar « en appui aux Palestiniens » et a dit être fier de cet appui. Quand Meshaal était en Syrie, et avant cela en Jordanie, il a souvent remercié les pays qui donnaient asile à la direction de Hamas.
Les remerciement de Meshaal au Qatar confirment un article précédent d’Al-Monitor sur la force des relations entre les deux côtés, en dépit de bruits sur un certain refroidissement.
Concernant la position du Hamas à l’égard de ses anciens alliés - l’Iran, la Syrie et l’Égypte - Meshaal n’a pas improvisé mais lu un document écrit, disant : « Le Hamas n’a jamais constitué une menace pour la sécurité des pays arabes. [Le Hamas] a même coopéré avec eux pour préserver leur sécurité. [Le Hamas] a souffert une grande injustice bien qu’il n’interfère et n’a jamais interféré dans les affaires d’aucun pays. Tous les mensonges que les médias ont répandu sur le Hamas manquent de la moindre des preuves ».
Le responsable du Hamas a expliqué à Al-Monitor : « Cette déclaration a été discutée en détail dans le mouvement jusqu’à ce que les mots précis aient été trouvés. Elle résume la position du Hamas après des discussions internes pour définir sa position concernant les bouleversements dans les pays arabes. Elle évite délibérément de nommer un pays particulier suite aux tensions qui existent avec certains, tels l’Égypte, la Syrie, l’Iran et quelques État du Golfe. »
Un autre détail qui a attiré l’attention dans le discours de Meshaal était son commentaire sur la nécessité de « respecter la volonté des peuples arabes » une formule plusieurs fois reprise par des dirigeants du Hamas. Dans une entrevue avec Al-Monitor en Égypte, Mousa Abu Marzouk, le dirigeant du Hamas, a affiché une position identique concernant les élections présidentielles en Égypte.
L’allocution de Meshaal était d’une exceptionnelle importance car deux jours plus tard, le 23 mai, il a rencontré à Doha Hossein Amir Abdollahian, le Ministre adjoint des Affaires Étrangères de l’Iran, et le 25 mai le premier ministre Ismaël Haniyeh de Gaza a fait une intervention lors d’une conférence de presse qui a été retransmise par satellite à Téhéran. Ces deux discours étaient la traduction immédiate du rapprochement avec l’Iran souhaité par Meshaal dans son discours. Meshaal avait insisté sur « la ferme position politique du Hamas de ne pas intervenir dans les affaires intérieures des pays de la région » tout en invitant ces derniers – c’est-à-dire principalement l’Iran et les États du Golfe - à embrasser la cause palestinienne.
Le responsable du Hamas a expliqué à Al-Monitor : « L’allocution de Meshaal déterminera les relations dans le mouvements régionaux à l’avenir. Des messages positifs ont été reçus de quelques capitales en réponse aux signaux positifs contenus dans [le discours de Meshaal]. Ces [signaux] ont tourné la page du passé qui avait été troublé par les tensions dans la région, et les positions du Hamas ont été clarifiées dans un sens qui signifie : Écoutez ce que dit le Hamas, plutôt que ce qui se dit sur le Hamas. »