Abdel Raouf Dafri est un bon scénariste. Il travaille pour le cinéma français (Un Prophète), et américain (mais ça n’a visiblement rien donné). Et aussi pour la télé. Il est notamment à l’origine de la saison 2 de la série Braquo, diffusée sur Canal+ et copiée sur The Shield. Il est décoré en 2012 par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand pour son oeuvre, d’après nos informations.
La violence, l’immigration, l’argent, la truande, le crime, la posture, sont ses thèmes favoris. On pourrait penser qu’il est un peu mal-pensant, mais pas du tout.
A travers ses scénarios, il redonne fierté au Maghrébin, certes, mais ça s’arrête là. Pour le reste, c’est américanisation à outrance. Et ce n’est pas parce qu’il a énervé Finkielkraut un soir chez Taddeï qu’on doit le trouver intellectuellement brillant. Au contraire : Dafri est tout sauf un penseur, et encore moins un penseur subversif. Il écrit des histoires avec de la discrimination positive (les femmes flics sont viriles, les Arabes niquent les Corses en taule), c’est tout. D’ailleurs, quand on l’écoute, chez Mouloud, sur Clique TV, on a un peu honte pour lui. C’est pas avec ces idées bateau qu’il va aller très loin, dans la pensée, et dans le scénario. Si Un Prophète était un bon film de science fiction, en tant que polar il ne tenait pas debout à cause de ses multiples invraisemblances. Caricature des Corses, des Arabes, frime voyou, on est juste content pour Tahar Rahim – probablement une incarnation d’Abdel –. analphabète (dans le film) mais super malin qui s’en sort.
Autrement, il faut sacrément y croire pour croire à ce film. Dans le genre, J’irai au paradis car l’enfer est ici, de Xavier Durringer, montre la vie violente et désespérée des voyous. No happy end, second principe de la thermodynamique appliqué à la petite voyoucratie : un magma de saloperies ne peut que mal finir, si l’on zappe la fin cucul la praline. Mais Dafri est un bon scénariste, c’est écrit dans la presse mainstream. Ce qui veut dire une chose : le niveau de nos scénaristes est dramatiquement bas. Quand c’est pas des bourgeois malades de culpabilité (toute la clique psychologiste oisive issue des beau quartiers et de la FEMIS), des branleuses de fantasmes d’impuissants (toutes ces œuvrettes intellotes à la frontière du X), des filsde sans talent (ils pullulent chez Canal), ou des pistonnés du lobby (on préfère éviter les listes, vous n’avez qu’à éplucher la liste des 800), c’est des « mecs venus d’en bas » qui ont souvent la culture d’un Booba. Booba consacré Victor Hugo du rap par le magazine GQ. Ils hésitent pas, eux. D’ailleurs faudrait penser à l’envoyer en exil, l’intellectuel en Hummer. Résultat des courses : un cinéma français pompeux ou pompeur. Avec notre riche Histoire, notre incroyable Culture et nos talents réalisateurs, les pépites sont anormalement rares.
Chez Mouloud, Abdel fait montre d’une grande compétence dans le simplisme politique. On n’est pas là pour vous dicter quoi penser, mais on est tombés de notre chaise. Merde, c’est ça notre scénariste numéro un ? En plus, on dirait que le Dafri, à travers les questions anodines sur le racisme – le dada de Mouloud, chacun ses TOC – fait bien attention à ne pas braquer le milieu du cinéma : il défonce Finky mais dénonce les antisémites ! Est-ce pour se faire pardonner sa finkielkrautophobie, ou est-ce un réflexe de défense antisioniste naturel ?
On pencherait pour la solution un, vu la teneur en sionisme du cinéma français. Abdel serait alors un malin, qui sait qu’il peut faire chier Finky, qui perd vite une roue quand on lui tient tête, mais ne dérape pas en tant que « bon Arabe » du scénar français. Un Arabe voyou, mais heureusement cool, qui va pas te sauter à la gorge sur un plateau parce que t’as changé une phrase du scénario, ça plaît ce genre de clichés dans le milieu du ciné, dont le niveau culturel est extrêmement limité.
La grande famille du cinéma lit pourtant, chaque jour, mais pas des livres : des scénarios. Mal écrits, mal inspirés, par des quart de plumes motivées par la gloire plus que par le travail, la vraisemblance, la qualité. Français, si vous saviez... le nombre de scénarios envoyés par des tocards soumis ou avides aux acteurs et aux réalisateurs sur le thème de la shoah... On est loin des constructions minutieuses des réals américains, qui conjuguent de plus en plus connaissance journalistique du réel (The Wire) et goût de la fiction. Cette dernière en ressort renforcée. Chez nous, filtre politique de la Grande Famille du cinéma oblige, on injecte du faux réel dans des longs métrages forcément mal écrits, mal pensés, ou pensés pour complaire à la Grande Famille. Avant, dans les années 70, le mot d’ordre de la gauche culturelle était « ne pas désespérer Billancourt ». Aujourd’hui, c’est devenu « ne pas désespérer Tel-Aviv ».
Et le succès d’audience de Braquo indique une seule chose : le public français apprécie la fiction nationale, faute de mieux. La concurrence de la télé publique est dans un tel état… C’est donc pas demain que le secteur de la production de fictions va rétablir sa balance commerciale, qui est totalement déficitaire. Si certaines séries tricolores ou européennes (les Allemands financent) commencent à s’exporter, c’est parce qu’elles adoptent les formats américains. Or, dans les années 1960, la télé française proposait des formats culturels de qualité, dépassés en 2015, peut-être, mais exportables. On a perdu notre raison d’être, on a pris du retard, et on le paye cher.
Souveraineté culturelle nationale, où es-tu ?
Abdel, t’es français ou américain ?
Oublie Le Pen et la guerre d’Algérie, et essaye de comprendre qui est le véritable ennemi. Mais tu le sais déjà, petit malin. Alors renonce à l’argent et à toutes ses pompes, et viens te battre avec les vrais résistants.